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Le roman est une oeuvre de mauvaise foi

Publié le 05/04/2014

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Julie Masschelein HKS DNS de Lettres « Le roman est une oeuvre de mauvaise foi » , Blanchot. D'après Aragon, « l'Art du roman est de savoir mentir ». Le roman se définit comme une oeuvre littéraire en prose portant sur l'imagination, généralement longue, et faisant vivre et évoluer dans un espace des êtres de papier, des personnages donnés pour vrais, qui se réalisent tout au long du récit. Fiction narrative, le roman n'est pas tenu d'obéir à des règles, ce qui lui laisse un certain champ d'ouverture... Pour que le lecteur soit plongé dans l'histoire, l'auteur doit le captiver, lui donner l'impression de vivre cette histoire... La mauvaise foi est synonyme de malhonnêteté, de tromperie, il s'agit de savoir fort bien qu'on dit une chose fausse. En d'autres termes, c'est un processus de déni de la vérité pour ce qu'elle est. Qualifier le roman d'oeuvre de mauvaise foi interpelle : il paraît difficile d'envisager le roman comme une oeuvre refusant catégoriquement de reconnaître quelque chose qui est : le roman représente le monde extérieur, donne l'impression d'une existence réelle ! S'il s'agit donc ici de s'interroger sur ce que la mauvaise fois suppose dans le roman... Cela voudrait-il dire que le roman déni la vérité pour ce qu'elle est ? Mais quelle est la vérité qui serait alors l'aboutissement du roman ? Le roman falsifie-il le réel ? Nous verrons d'abord le roman comme oeuvre de bonne foi, puis les formes de mauvaise foi présentes chez l'auteur et chez le lecteur, pour ensuite nous poser la question de la quête du romancier : savoir s'il y a lieu de qualifier le roman d'oeuvre de mauvaise fois, avec l'aspect péjoratif que cela suppose. La première impression que nous avons du roman est la suivante : il n'est pas une oeuvre de mauvaise foi, mais plutôt de bonne foi. Le romancier est désireux de représenter le monde, la vie, de la manière la plus juste possible. Le Réalisme notamment est un mouvement caractérisé par l'attitude de l'artiste face au réel. Il définit un type de littérature représentant le quotidien le plus fidèlement à la réalité possible, sans omettre le banal avec un point de vue objectif. En opposition au romantisme, il cherche à montrer la réalité telle qu'elle est, sans artifice et sans idéalisation, choisissant ses sujets dans les classes moyennes ou populaires, et abordant des thèmes comme le travail salarié, les relations conjugales, ou les affrontements sociaux. En tant que membre de ce courant, Balzac élabore des descriptions extrêmement précises. Celle qu'il fait de la pension Vauquer dans Le Père Goriot est très objective, neutre : elle use abondamment d'adjectifs de couleur. Le naturalisme est un autre courant qui cherche à représenter le monde dans sa réalité. Les Rougon-Macquart regroupent ainsi un ensemble de vingt romans écrits par Émile Zola. Cette phrase de Zola est révélatrice quant à l'objectif du naturalisme: « Les Rougon-Macquart personnifieront l'époque, l'Empire lui-même. » Le roman étudie l'influence du milieu sur l'homme et les tares héréditaires d'une famille, sur cinq générations depuis l'ancêtre Adélaïde Fouque jusqu'à un enfant à naître, fruit de la liaison incestueuse entre Pascal Rougon et sa nièce Clotilde. Il veut aussi dépeindre la société du Second Empire de la façon la plus exhaustive possible, en n'oubliant aucune des composantes de cette société, passant par les grandes transformations qui se produisent à cette époque (urbanisme parisien, grands magasins, développement du chemin de fer, apparition du syndicalisme moderne...). Au delà de ces deux courants, d'autres grands écrivains ont cherché à montrer la vie sous tous ses aspects, même dans sa laideur. Gargantua de François Rabelais raconte les années d'apprentissage et les exploits guerriers du géant Gargantua. Plaidoyer pour une culture humaniste contre les lourdeurs d'un enseignement...

« aspects, même dans sa laideur.

Gargantua de François Rabelais raconte les années d’apprentissage et les exploits guerriers du géant Gargantua.

Plaidoyer pour une culture humaniste contre les lourdeurs d’un enseignement sorbonnard figé, Gargantua est aussi un roman d’une écriture souvent crue, volontiers scatologique : exemple parmi d’autres, l’épisode du « torchecul ». Même lorsqu’il transforme le réel, le romancier est difficilement visible comme étant de mauvaise fois puisqu’il sait qu’il « ment » sur le réel.

Dans cette optique, le fantastique est un registre littéraire qui se caractérise par l’intrusion du surnaturel dans le cadre réaliste d’un récit .

Les auteurs cherchent à montrer d’autres horizons aux lecteurs, à les faire sortir d’eux mêmes.

Théophile Gautier est un auteur incontournable de la littérature fantastique.

Habités par la fantaisie et le désir d'évasion, ses contes sont parmi les plus aboutis sur le plan de la technique du récit.

Ce romancier brille à tenir le lecteur dans le doute tout au long de ses histoires, et à le surprendre au moment de la chute.

Ensuite, Voltaire dans Candide présente une utopie : l’Eldorado.

Evidement, Voltaire ne cherche pas à nous faire croire qu’il existe un pays merveilleux où les maisons sont "bâties comme des palais d'Europe ", et dont les habitants "vêtus de draps d'or" appellent l’or « cailloux ».

Candide n’est qu’une marionnette aux mains de Voltaire pour rendre compte de sa vision de la société et la dénoncer.

Ce qui est particulièrement intéressant est la technique romanesque employée : en présentant un monde qui soit l’antithèse de la ville de Paris, Voltaire insiste encore davantage sur la réalité de l’époque.

Autrement dit, il montre le réel par son contraire.

Le lecteur se rend compte de la tyrannie de la monarchie absolue des rois de France, de la laideur de l’urbanisme anarchique parisien, du manque d’instruction et de culture dans le peuple… Voltaire défend alors le progrès.

Comme Candide, certains romans sont porteurs de vérité, cherchent justement à détourner les lecteurs de leur propre mauvaise foi.

Un personnage de roman est en quelque sorte « plus que lui-même » .

Le héros , pivot de l'œuvre, acquiert un statut qui est davantage que celui d'un simple individu.

Il peut alors, dans le roman, être le vecteur d'une conception du monde : le protagoniste, au travers de son parcours , devient peu à peu le symbole d'une qualité (positive ou non) : il incarne une vertu ou un vice, ou une façon de se positionner par rapport au monde.

Certains héros deviennent ainsi des « types » , au point que leur nom peut donner naissance à un terme désignant un comportement ou une vision du monde.

On parlera par exemple du « bovarysme ».

Un héros romanesque peut également révéler une vision du monde lorsque son itinéraire est à l'image de celui de tout un groupe .

Lantier, dans Germinal (Zola) , représente ainsi les mineurs, la classe ouvrière : son mode d'existence, son combat offrent au lecteur la possibilité de considérer la société selon un angle particulier, celui des opprimés.

Le personnage peut également être le symbole d'une cause à défendre .

Il rassemble alors des hommes autour de lui, réunis par une même vision du monde, et s'oppose éventuellement à ceux pour qui cette vision est inopérante.

Dans La Peste de Camus , le docteur Rieux estime qu'il n'y a qu'une seule attitude possible : lutter contre la maladie, soulager la souffrance et combattre la mort.

Il est rejoint par un certain nombre de personnages, tandis que d'autres préfèrent se replier sur eux-mêmes : deux visions du monde se dessinent ainsi… Les romans sont donc de bonne foi dans le sens où la dimension morale est importante.

C’est ce que Victor Hugo exprime : « Quelle doit être l’intention du romancier ? C’est d’exprimer dans une fable intéressante une vérité utile ». Mais pendant que le lecteur s’abandonne, l’auteur tire les ficelles et sait très bien où il le mène… Et cette forme de mauvaise foi apparente en cache bien d’autres… On peut trouver une certaine mauvaise foi dans le roman, plus précisément une double mauvaise foi, de l’auteur et du lecteur.. »

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