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« Le roman est un vaste champ d'essai qui s'ouvre à toutes les formes de génie, à toutes les manières. C'est l'épopée future, la seule probablement que les mœurs modernes comporteront désormais. » A l'aide d'exemples précis tirés de vos lectures vous illustrerez cette définition du roman donnée par Sainte-Beuve il y a un siècle et vous apprécierez la justesse de ses prédictions.

Publié le 22/02/2012

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   Une des innombrables définitions du roman, à la fois très floue (« toutes les formes de génie, toutes les manières «) et très précise (le roman étant défini comme « l'épopée future «). Exceptionnellement n'est pas soulevé le rapport du genre romanesque au réel : cet aspect doit néanmoins être abordé dans votre développement car le réel est l'une des « manières « dont parle Sainte-Beuve.    Ne pas tenter une « histoire « du roman : vous n'en avez pas les moyens... et ce n'est pas le sujet. Évitez aussi le plan catalogue qui passerait en revue toutes les sous-catégories génériques. Un tel sujet n'est à prendre que :    — si l'on possède une bonne connaissance des romans du XIXe et du XXe siècle;    — si l'on a un bon bagage théorique sur l'évolution du genre.    Quel plan adopter ? Ici le classique schéma tripartite (thèse/antithèse/synthèse) n'a pas sa place : la formule de Sainte-Beuve appelle un plan organisé autour de deux grands axes :    — un constat : l'extrême liberté du genre et la multiplicité de possibilités qu'il offre;    — un pari : le roman est le genre de l'avenir.

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« jeu de références historiques : d'où la détermination beuvienne faisant du roman « l'épopée future ».

Ayant vu sedévelopper le genre à travers diverses écoles et divers tempéraments, Sainte-Beuve en a pressenti l'extraordinairedestinée : et s'il est vrai que le roman n'a cessé de croître au détriment du théâtre et de la poésie, il convient de sedemander si le roman assume — ou peut assumer — le rôle de l'épopée. * * * A s'en tenir au seul plan externe, force est de constater que la place occupée dans les civilisations modernes par leroman correspond sans doute aux grands chants épiques du passé.

De plus, le roman est par excellence le genre oùs'affirme le renom d'un écrivain : les prix littéraires consacrent surtout les romanciers et ceux-ci tiennent aujourd'huidans l'esprit du public la place des grands aèdes épiques. Mais « l'épopée future » peut recouvrir un sens plus strictement littéraire : qui dit épopée, dit héros, et universcohérents.

Le monde est l'expression des divinités et les héros l'incarnation des hautes vertus de la société.

Or leroman met en scène des héros problématiques qui, au fur et à mesure qu'évolue le genre, tendent à devenir desanti-héros.

C'est ce qu'a fort bien montré le critique hongrois Lukacs dans sa Théorie du roman : si le romanmoderne naît avec Don Quichotte, c'est que le rapport de l'homme au monde y apparaît pour la première foisinversé...

perdu dans un univers mobile — le héros-héritier de la féodalité se dilue; il lui faudra attendre denombreuses années pour que la société à son tour se dilue à ses yeux : dès lors, le héros perdra ses illusions (d'oùle titre significatif du roman balzacien), soit en se détruisant (Le rouge et le noir), soit en abandonnant son idéal auprofit d'une médiocrité de mise (L'éducation sentimentale).

Un pas de plus et le héros n'est plus donné : il devient lesujet même de l'écriture, une écriture qui tend elle-même à mettre sa propre existence en doute (c'est en particulierle cas des romans de Maurice Blanchot) sinon à en montrer le côté dérisoire (Meursault dans L'étranger). Il semble donc qu'il y ait contradiction entre le roman et l'épopée : où celle-ci recherche le collectif, celui-làs'attache à l'individuel.

Mais cette contradiction n'est peut-être qu'apparente : en effet, il ne saurait exister deroman de l'individu hors de la description d'une époque : à la limite, comme dans l'épopée, le héros devient dans leroman emblématique.

La faillite de César Birotteau, c'est aussi celle de la petite bourgeoisie face au monde de lagrande finance; l'échec de Frédéric Moreau est celui de toute une génération incapable de fixer son idéal.

Unécrivain aussi prisonnier de la narration personnelle que Nerval ne s'y est pas trompé qui a constamment pris soin desituer les problèmes de ses narrateurs-héros dans le contexte général de l'époque (Sylvie, chapitre I - Aurélia). * * * Genre protée, le roman incarne donc les ambitions et les incertitudes du monde moderne : en ce sens, il est bien «l'épopée » des temps nouveaux.

Mais cette épopée n'est peut-être qu'un mode dérisoire qui, loin d'apporter lesréponses aux questions formulées, multiplie celles-ci et tend à faire du héros non plus le modèle d'imitation mais ledouble du lecteur.... »

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