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LE ROMAN DE L'ÉPOQUE CLASSIQUE

Publié le 23/03/2018

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L'esthétique du roman nouveau, qui ne s'appelle pas roman, mais histoire ou nouvelle, et dont Boileau ni Guéret ne disent rien, fut élaborée par les roman­ciers eux-mêmes et par le public. On la trouve d'abord dans les œuvres, où elle est mise en pratique; ensuite dans quelques préfaces, moins nombreuses et moins importantes qu'à l'époque précédente; dans les conversations des Nouvelles françaises par Segrais (1657), de La Prétieuse par l'abbé de Pure (1656), des Jeux d'esprit de la Princesse de Conti par Mlle de La Force (1701); dans les lettres publiées par le Mercure Galant, à l'occasion de La Princesse de Clèves (1678) ou de la Duchesse d'Estramène (1682); dans les Lettres sur la Princesse de Clèves de Valincour (1678) et les Conversations sur la critique de la Princesse de Clèves, de l'abbé de Charnes (1679); dans les Réflexions curieuses de littérature et de morale, de l'abbé de Bellegarde (1702); dans des écrits de Bussy-Rabutin, de Fontenelle, de Bayle; enfin dans les Sentimens sur les lettres et sur l'histoire, avec des scrupules sur le stile, de Du Plaisir (1683) 8 Seul ce dernier texte offre une doctrine cohé­rente de la nouvelle (appelée histoire) : ses ressemblances et ses différences avec

LE ROMAN DE L'ÉPOQUE CLASSIQUE

Tableau général

 

On ne compte qu'un seul roman entre les grandes œuvres classiques, La Princesse de Clèves. Molière, Racine, Bossuet, La Rochefoucauld, Mme de Sévigné, La Bruyère n'ont pas écrit de romans; la Psyché de La Fontaine n'en est pas tout à fait un, le Télémaque de Fénelon est plus qu'un roman, et relève déjà d'une autre esthétique que l'esthétique classique; Boileau, qui a ridiculisé les romans baroques, n'a pas examiné ceux de ses propres contemporains, et le mot flatteur que lui attribue l'abbé d'Olivet sur Mme de Lafayette, a la femme de France qui avoit le plus d'esprit, et qui écrivoit le mieux » 1, est d'une authenticité douteuse. Pour­tant La Princesse de Clèves n'est pas une œuvre isolée; l'ordre, la raison, la vrai­semblance étaient déjà des principes affirmés par plusieurs romanciers baroques; les Histoires insérées dans Le Grand Cyrus et dans Clélie, les œuvres publiées par Mlle de Scudéry après L66o témoignaient d'un goût nouveau; les Nouvelles de Segrais, de Saint-Réal, de Boursault, de Mme de Villedieu, les premiers essais romanesques de Mme de Lafayette elle-même préparaient le chef-d'œuvre classique, qui fut suivi à son tour d'un grand nombre de romans écrits sous son influence.

« Sous le nom de romans, à l'époque classique, on désigne presque toujours les romans héroïques et galants de l'époque baroque.

Ils ont été assez rapidement démodés .

Quand on les admire, on avoue son admiration avec un sourire, comme La Fontaine dans sa Ballade des livres d'amour, ou avec des réserves comme Mm e de Sévigné dans la lettre citée au chapitre précédent.

Boileau fait une concession de pure polite sse dans sa lettre à Perrault quand il reconnaît la valeur des romans comme poèmes en prose.

Sa vraie pensée s'exprime par des saillies dans les Satires et dans l'Art poétique, et vigoureusement dans le Dialogue des héros de romans, commencé dès 1664, achevé vers 1672, publié seulement en 1713 1• Gabriel Guéret, bien qu'il ne fût ni l'ami ni l'allié de Boileau, a sans doute lu ce texte et l'a imité dans son Parnasse réfo rmé, paru en 1668 et fo is réédité dans les années suivantes.

Ils continuent en somme les de Sorel ; ils reprochent aux romans «l'extravagan ce » de leurs héros, en réalité dans le passé grands conquérants, rois barbares, farouches guerriers, patriotes énergiqu es, exemples tragiques de vertu et d'honneur, qu'ils montrent tous, en dépit de la vraisemblance historique, uniquement occupés de fade galan­ ter ie; leur style emphatique et de mauvais goût, la rhétorique de leurs monologu es; leur composition artificielle, leur action sans cesse interrompue, leurs longs récits faits par des confidents, leurs épisodes incroyables où le hasard joue un rôle excessif; leurs portraits conventionnels, qui peignent en beau tous les personnag es; la sensualité et l'indécence de certaines de leurs pages ...

Mais ces critiques ne sont pas dictées par le dessein de déblayer le terrain pour une fo rme nouvelle du genre romanesque ; Boileau n'accorde aucune importance au roman et le dispense de toute régularité parce qu'au fond ille méprise : Dans un roman frivole aisément tout s'excu se; C'est assez qu'en courant la fiction amuse 2 ••• L'esthétique du roman nouveau, qui ne s'appelle pas roman, mais histoire ou nouvelle, et dont Boileau ni Guéret ne disent rien, fut élaborée par les roman­ ciers eux-mêmes et par le public.

On la trouve d'abord dans les œuvr es, où elle est mise en pratique ; ensuite dans quelques préfaces, moins nombreuses et moins importantes qu'à l'époque précédente ; dans les conve rsations des Nouvelles fr ançaises par Segrais (1657), de La Prétieuse par l'abbé de Pure (1656), des Jeux d'esprit de la Princesse de Conti par Mlle de La Force (1701); dans les lettres publiées par le Mercure Galant, à l'occasion de La Princesse de Clèves (1678) ou de la Duchesse d'Estramène (1682); dans les Lettres sur la Princesse de Clèves de Valincour (1678) et les Conversations sur la critique de la Princesse de Clèves, de l'abbé de Charnes (1679) ; dans les Réflexions curieuses de littérature et de morale, de l'abbé de Bellegarde (1702) ; dans des écrits de Bussy-Rabutin, de Fontenelle, de Bay le ; enfin dans les Sentimens sur les lettres et sur l'histoire, avec des scrupules sur le stile, de Du Plaisir (1683) 8• Seul ce dernier texte offre une doctrine cohé­ rente de la nouve lle (appelée histoire) : ses ressemblances et ses différences avec 1.

Il y eut auparavant deux ou trois éditions désavouées.

2.

Art Poétique, III, 119-120.

3· Sur la plupart de ces textes et sur le genre romanesque à cette époque, lire A.

Przo­ Russo, La Poetica del romanzo in Francia (166o-1685), Roma, 1962.. »

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