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Le rôle du journaliste est-il de donner au citoyen une information véridique, honnête et complète ?

Publié le 22/02/2012

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Il est difficile de parler de la démocratie, et de chercher à la définir un peu précisément, sans se référer à la presse et à l'information : leur rôle (sous leur forme écrite ou visuelle) est si important aujourd'hui dans nos sociétés, qu'il semblerait que le critère infaillible qui permît de distinguer les sociétés libres et pluralistes des autres (dictatoriales, autoritaires, etc.) serait justement celui-ci : d'un côté une presse écrite ou parlée qui dit ou écrit tout ce qu'elle a envie d'exprimer ; de l'autre, des journalistes aux ordres de leur gouvernement et de tous les pouvoirs, et donc « bâillonnés ». Or l'écrivain Jean-François Revel reproche aux journalistes des pays démocratiques, dans un extrait du Refus de l'État publié en 1984, d'avoir une attitude négative à l'égard de leur profession en laissant circuler cette « idée reçue » selon laquelle l'objectivité dans le domaine de l'information n'existerait pas, ce qui reviendrait à dire qu'une société autoritaire ne diffuse qu'un seul discours informatif : l'officiel, alors que les autre4 en diffusent plusieurs, mais dont aucun ne peut être désigné comme infailliblement vrai. Cette thèse indigne notre auteur qui voit au contraire dans la démocratie le moyen de livrer une information « véridique », « honnête » et « complète ». Il faut pourtant d'abord se demander ce qu'est l'objectivité et quels sont les obstacles qui peuvent empêcher d'atteindre la vérité : quels maquillages en effet subit parfois l'information !... Mais au bout du compte ne peut-on la trouver « véridique, honnête et complète» ?

« Chacun est d'accord là-dessus : véridique parce qu'elle aurait été vérifiée, honnête parce qu'avant de dire ce qu'ilen pense (ce qui est aussi son devoir) le journaliste l'aura d'abord énoncée telle qu'elle est, complète parce quenulle ombre ne doit subsister qui en cache une partie : même les vérités gênantes pour l'idéologie à laquelle on estattaché, doivent être dites pour des raisons de déontologie (c'est un mot très à la mode aujourd'hui).

Qu'en est-ilexactement ? 2.

La quête difficile de la vérité Si les choses dans la presse écrite sont plutôt claires, il n'en est pas de même dans l'audiovisuel, ce qui peuts'expliquer facilement.

Il existe, on l'a vu, une presse d'opinion qui annonce et revendique sa subjectivité mais tentenéanmoins d'atteindre la vérité en se gardant de déformer les faits.

Il existe même depuis peu (sous l'influence de lapresse anglo-saxonne) un journalisme dit d'investigation : loin de se contenter de reproduire les nouvelles que lesagences de presse lui envoient gracieusement, le journaliste de ce type se transforme volontiers en détective et semet en quête personnelle de la vérité ; dans le meilleur des cas, ce n'est pas forcément le « scoop » qui l'intéresse,ni le sensationnel à tout prix, ni le scandale (en général...) : il est ainsi transformé en agent secret et révélant dansun papier mémorable tel ou tel « secret d'état » : révélation de l'espionnage des Démocrates par les Républicainsdans l'immeuble du Watergate, entraînant la chute du président Nixon ; affaire du Rainbow Warrior ou du sangcontaminé en France ; et divers autres scandales politiques...

Le journaliste découvre alors souvent des vérités quel'on voulait cacher.

Tel enquêteur ainsi se déguise en occupant potentiel d'une HLM parisienne et s'aperçoit avecstupeur que tout devient possible avec un « pot-de-vin » substantiel versé à la personne adéquate...

Le lendemainun article paraît dans la presse, avec les noms des corrompus et toutes les précisions requises (aucune diffamationgratuite et crapuleuse dans ce cas).

Apparemment, l'information est véridique et honnête (puisque personne ne laconteste) et complète, si d'autres municipalités sont l'objet d'une même enquête, car il va sans dire que l'objectivitéconsiste à reconnaître la vérité des faits, et non pas à trouver systématiquement des « affaires» y compris là où iln'y en a pas.La presse écrite s'adresse en effet à un public plus averti, ne serait-ce que parce qu'il est moins nombreux et décidedélibérément d'acheter un journal par un acte libre et volontaire, alors que le journal télévisé est vu, entendu defaçon sinon forcée, du moins parfois incidente.

D'autre part une concurrence féroce se joue : pour départager les «journaux » télévisés, l'idéologie n'intervient pas officiellement (à la différence de la presse écrite) : la course àl'audience se détermine sur de tout autres critères.Chacun sait que les liens qui unissaient autrefois le pouvoir politique et la télévision ont été coupés : il n'y a pas silongtemps encore (à peine un quart de siècle) qu'un président élu (Georges Pompidou) pouvait parler du journaltélévisé (unique, de la chaîne unique de l'époque) comme de « la Voix de la France » : autrement dit, le journal enquestion était perçu par le pouvoir comme un journal officiel, l'organe central du gouvernement français...

Difficiledans ce cas d'évoquer une information honnête et complète, donc véridique.

Les choses ont changé grâce à unevolonté politique déterminée de la part du pouvoir depuis les années quatre-vingt et à la multiplication des chaînes :certes certaines « oreillettes » relient encore le journaliste présentateur à son chef de service et seules lesmauvaises langues prétendent que l'oreillette dudit journaliste est reliée directement à celle du président-directeur-général de la chaîne qui lui-même est relié par un fil à l'oreille du Premier ministre, etc.

Cela dit, chacun sait quecertaines chaînes ont des tendances politiques particulières et plus ou moins marquées.

Le plus amusant c'est qu'aulieu de reconnaître cet « attachement » et de lui attribuer une couleur politique (après toute estimable), on seretranche derrière les sondages, donc le goût du public. 3.

Maquillage et vérité Telle est en effet la règle d'une certaine « déontologie » télévisuelle chez certains journalistes.

Le danger provientd'une certaine conception de l'audience et du succès : transformer l'information en spectacle « populaire », et celapar tous les moyens.

Aussi ne s'étonnera-t-on pas que les choses parfois dérapent et s'emballent quelque peu : onse souvient peut-être des « événements » dits de Timisoara en Roumanie, au moment de la chute du tyranCeaucescu en 1989 et des images de charniers complaisamment diffusées par toutes les chaînes européennes sansqu'aucun journaliste (ou si peu) ne s'interroge sur la véracité des faits ici montrés : ce fut pour découvrir un peuplus tard que toutes ces images étaient pure mise en scène destinée à alerter l'opinion internationale sur la situationen Roumanie et que chacun avait été trompé, car tout le monde fut dupe.

L'honnêteté, la vérité disparaissent alorsau profit d'une vision truquée de la réalité, mais capable de tenir le public en haleine, aussi bien qu'un « feuilleton del'été ».

On se souvient aussi de la fausse interview du « lider maximo » Fidel Castro par un célèbre journaliste ; oude la photographie revue et corrigée montrée dans une non moins célèbre (et sérieuse) émission du service publicoù de pacifiques étudiants musulmans se virent affublés de barbes et transformés par la magie de l'ordinateur endangereux intégristes ; mais au moins dans ce cas, il y eut des excuses publiques.

Tout cela prouve tout de mêmeune chose : les images savent mentir mieux encore que les mots, justement parce qu'elles ont l'air vraies et qu'ellesse truquent (grâce à l'aide complaisante, on l'a vu, de l'ordinateur et de la palette graphique) avec une dérisoirefacilité : voir à ce propos les étonnantes séquences d'Euronews (chaîne câblée d'information continue) où sontproposées parfois des images sans commentaires : aucun trucage naturellement, mais des images auxquelles nulleparole ne vient donner sens et qui peuvent être comprises au libre choix de qui les regarde, c'est-à-dire n'importecomment : l'image, c'est là sa force et son danger, doit être interprétée et peut supporter toutes les. »

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