Le Rôle civilisateur de la Langue française.
Publié le 15/02/2012
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Ma patrie est partout où rayonne la France, déclarait Lamartine dans sa fameuse Mmseillaise de la Paix. Le poète, à qui parfois ce vers fut reproché, savait ce qu'il disait. Partout où pénétra la langue française, au cours des siècles, penétra la civilisation. Notre idiome, plus qu'aucun autre, est humain en même temps que national. Image de l'âme française, il a fait aimer, avec notre pays, la politesse, l'urbanité, la générosité, la sociabilité, tout ce qui constitue l' « humanité «. Héritière la plus authentique des langues grecque et latine, la langue française a continué dans le monde leur oeuvre civilisatrice. Elle semble avoir été prédestinée à...
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role dans l'histoire du monde et celle des idees est, on peut le soutenir, une
notion, presque une invention de l'Ame, de la langue francaises.
Avec la Renaissance, celle-ci enfante une autre conception, celle de I' hu-
maniste.
Elle a enchants les coeurs; elle va ouvrir les intelligences, elargir les Ames.
Car l'humaniste n'est pas seulement un esprit cultive, sa culture
l'a rendu plus civil, plus sociable, plus traitable, plus equitable, plus humain.
Ronsard et ses amis, erudits et savants, ne l'isolent pas du public, ne rejet-
tent pas les obligations civiques et sociales.
Des les premieres lignes de son
Art poetique, Ronsard formule ces conseils Or, pour ce que les Muses
ne veulent loger en aucune Ame, si elle n'est bonne, sainte, vertueuse, to seras de bonne nature, non mechant, refrongne, ni chagrin, mais anime d'un
gentil esprit.
) Et comment oublier les Discours sur les miseres de ce temps,
tout vibrants de douleur patriotique, tout chauds de la blessure revue par ce
bon citoyen? Neanmoins, l'humanisme francais doit davantage a nos prosateurs du
xvr.
siecle.
Chez eux le souci de la pensee l'emporte sur la preoccupation
de l'art, et c'est precisement le caractere de notre humanisnie national.
Ramus, emerveille en entrant dans la Terre promise de l'Antiquite, emit : Je tombai, comme conduit par quelque bon ange, en Xenophon, puis en
Platon...
et lors 'comme epris de joie...
ce que je gofitais surtout, ce que j'aimais en Platon, c'etait l'esprit dans lequel Socrate refutait les opinions
fausses, se proposant avant tout d'elever ses auditeurs au-dessus des sens, des prejuges et du temoignage des hommes, afin de les rendre a la justesse
naturelle de leur esprit et a la liberte de leur jugement.
) Rabelais et Montaigne s'efforcent de realiser, chacun scion son tempe-
rament ce qu'entrevoit Ramus.
L'un plus Gaulois, i'autre plus Francais font
oeuvre nationale et humaine.
Its desserrent l'etau de 'la scolastique, qui
comprime les esprits.
La et fork d'Aristote etouffait l'autel du Seigneur » ;
ils y portent hardiment la cognee.
Tandis que les fanatiques - it en etait dans les deux partis - s'entretuent an nom de Rome ou de Geneve, ils
refusent de mettre leur main dans ces mains sanglantes.
Moderes, ils passent
pour des mecreants, tout au moms des sceptiques.
Its exercent leur esprit critique sur tous les sujets; ils fondent en France et en Europe le parti
des independants, des esprits moderateurs, sinon des libres-penseurs.
Et
tandis qu'an Italie la Renaissance se perd dans la sensualite, en Allemagne
et en Suisse dans la secheresse et le despotisme, Rabelais et Montaigne, plus
idealistes que les uns, plus tolerants que les autres, leguent aux peuples a
venir ce mot d'ordre humanite!
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a
A l'humaniste du xvie siècle succede l'honnete homme du xvif.
Et c'est
la langue qui faconne et propage ce nouveau type du civilise.
La societe
francaise le passe a nos ecrivains, nos ecrivains le passent a l'Europe et a
la posterite.
L'honnete homme, c'est le Severe de Corneille, qui n'a pas
encore la charite d'ame des chretiens, mais déjà in charite de l'esprit.
Tandis que Polyeucte sacrifie pour Dieu sa vie et son bonheur, lui sacrifie,
par simple grandeur d'ame, son cceur brise.
Sans doute le martyr l'emporte
en beaute morale sur l'honnete homme, mais cet ideal humain ne manque
pas de grandeur.
L'honnete homme, dans Moliere, c'est Ariste, c'est Cli-
tandre, c'est Cleonte, qui, comme le voulait Pascal, repudient l'enseigne de
philosophe, de savant, de poke, ou de devot et qui « ne se piquent de rien
encore qu'ils soient capables de parler de tout.
L'honnete homme, c'est Des-
preaux, qui adresse au poke ce conseil:
Aimez donc la vertu, nourrissez-en votre etme,
qui ose declarer : Le vers se sent toujours des bassesses du cceur...
rôle dans l'histoire du monde et celle des idées est, on peut le soutenir, une notion, presque une invention de l'âme, de la langue françaises .
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Avec la Renaissance, celle-ci enfante une autre conception, celle de l'hu
maniste.
Elle a enchanté les cœurs; elle va ouvrir les intelligences, élargir les âmes.
Car l'humaniste n'est pas seulement un esprit cultivé, sa culture l'a rendu plus civil, plus sociable, plus traitable, plus équitable, plus humain.
Ronsard et ses amis, érudits et savants, ne l'isolent pas du public, ne rejet
tent pas les obligations civiques et sociales.
Dès les premières lignes de .son Art poétique, Ronsard formule ces conseils : « Or, pour ce que les Muses ne veulent loger en aucune âme; si elle n'est bonne, sainte, vertueuse, tu seras de bonne nature, non méchant, refrongné, ni chagrin, mais animé d'un gentil esprit.» Et comment oublier les Discours sur les misères de ce temps, tout vibrants de douleur patriotique, tout chauds de la blessure reçue par ce bon citoyen?
Néanmoins, l'humanisme français doit davantage à nos prosateurs du xvx• siècle.
Chez eux le souci de la pensée l'emporte sur la préoccupation
de l'art, et c'est précisément le caractère de notre humanisme national.
Ramus, émerveillé en entrant dans la Terre promise de l'Antiquité, écrit : «Je tombai, comme conduit par C{Uelque bon ange, en Xénophon, puis en Platon...
et lors comme épris de Joie...
ce que je goûtais surtout, ce que
j'aimais en Platon, c'était l'esprit dans lequel Socrate réfutait les opinions fausses, se proposant avant tout d'élever ses auditeurs au-dessus des sens,
des préjugés et du témoignage des hommes, afin de les rendre à la justesse
naturelle de leur esprit et à la liberté de leur jugement.
» Rabelais et Montaigne s'efforcent de réaliser, chacun .
selon son tempé rament; ce qu'entrevoit Ramus.
L'un plus Gaulois, l'autre plus Français font œuvre nationale et humaine.
Ils desserrent l'étau de · la scolastique, qui comprime les esprits.
La « forêt d'Aristote étouffait l'autel du Seigneur »; ils y portent hardiment la cognée.
Tandis que les fanatiques - il en était
dans les deux partis -s'entretuent au nom de Rome ou de Genève, ils
refusent de mettre leur main dans ces mains sanglantes.
Modérés, ils passent pour des mécréants, tout au moins des sceptiques.
Ils exercent leur esprit critique sur tous les sujets; ils fo:(ldent en France et en Europe le parti des indép~ndants, des esprits modérateurs, sinon des libres-penseurs.
Et tandis qu'én Italie la Renaissance se perd dans la sensualité, en Allemagne et en Suisse dans la sécheresse et le despotisme, Rabelais et Montaigne, plus
idéalistes que les uns, plus tolérants que les autres, lèguent aux peuples à
venir ce mot d'ordre: humanité! ·
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A l'humaniste du xvx• siècle succède l'honnête homme du xvxl".
Et c'est la langue qui façonne et propage ce nouveau type du civilisé.
La société
française le passe à nos écrivains, nos écrivains le passent à l'Europe et à la postérité.
L'honnête homme, c'est le Sévère de Corneille, qui n'a pas encore la charité d'âme des chrétiens, mais déjà la charité de l'esprit.
Tandis que Polyeucte sacrifie pour Dieu sa vie et son bonheur, lui sacrifie, par simple grandeur d'âme, son cœur brisé.
Sans doute le martyr l'emporte en beauté morale sur l'honnête homme, mais cet idéal humain ne manque
pas de grandeur.
L'honnête homme, dans Molière, c'est Ariste, c'est Cli tandre, c'est Cléonte,.
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