LE RETOUR D'ACHILLE AU COMBAT - Commentaire de l'Iliade d'Homère
Publié le 16/03/2011
Extrait du document
La fabrication des armes. Si, comme nous avons cru en apercevoir plus d'un indice dans les chants précédents, le premier poète qui ait conté la mort de Patrocle le faisait combattre sous ses propres armes, le chant XVIII ne saurait lui appartenir tout entier. Il a en effet, pour sujet principal la démarche que Thétis fait auprès d'Héphaïstos, afin que le dieu forgeron fabrique pour Achille de nouvelles armes, le consentement d'Héphaistos, et l'exécution du travail qu'il a promis. Ce chant n'en est pas moins, quelles qu'en soient la date et l'origine, un des plus remarquables de l'Iliade. Il a, à un haut degré, cette aisance brillante qui distingue la poésie homérique. Il a aussi le mérite d'être, comme le banquet des dieux au chant Ier, la visite d'Hector à Troie au chant VI, la ruse d'Héré au chant XIV, un de ces intermèdes qui nous reposent des longues batailles.
- Achille apprend la mort de Patrocle. (1-34).
- Thétis consolant Achille. (65-126).
- Le bouclier d'Achille. (478-608).
- La réconciliation d'Achille et d'Agamemnon. (Chant XIX)
- Discours d'Achille. (56-73).
- Plainte de Briséis. (282-302).
- La prédiction du cheval Xanthos. (399-424).
«
présent magnifique, en ce jour où ils te jetèrent dans la couche d'un homme mortel.
Plût au ciel que tu fussesdemeurée dans la mer, avec les immortelles, et que Pélée eût pris une mortelle pour compagne ! Il en fut autrement,pour que toi aussi tu eusses la peine infinie de voir mourir ton fils, que tu n'accueilleras plus, de retour en sa patrie,puisque moi-même je n'ai plus le goût de vivre et de rester parmi les hommes, à moins qu'Hector ne soit maintenantle premier a perdre la vie, sous le coup de ma lance, et qu'il ne me paie la rançon du meurtre de Patrocle, fils deMénoitios.
»
Thétis, en versant des pleurs, lui fit alors cette réponse : « Mon fils, je devrai me résigner à voir ta vie bien courte,si tu parles ainsi, car, aussitôt après Hector, tu dois trouver le trépas.
»
Avec un grand soupir, Achille lui répondit : « Ah ! que je meure tout de suite ! puisque je n'ai pas pu défendre moncompagnon contre la mort ! Il a péri, loin de sa patrie, et il ne m'a pas eu pour le sauver.
J'irai donc maintenant,puisque je ne dois plus rentrer dans mon cher pays natal, puisque je n'ai pas apporté le salut à Patrocle, ni à mesautres compagnons, à tous ceux qui, si nombreux, ont été frappés par le divin Hector ; et que me voici, près desvaisseaux, inutile fardeau de la terre, alors que je suis tel au combat qu'aucun des Achéens à la tunique d'airain nem'égale ; au combat — à l'assemblée, d'autres valent mieux que moi.
Ah ! périsse la discorde, parmi les dieux etparmi les hommes ! Périsse la rancune, qui endurcit même le sage, et qui semble plus douce que la libation de miel,quand elle croît dans la poitrine des hommes, comme une vapeur qui s'élève.
Ainsi, maintenant, le Haut SeigneurAgamemnon m'a rempli de colère.
Mais laissons le passé, malgré notre douleur, et domptons notre cœur dans notrepoitrine, puisqu'il le faut ! Je pars, pour rencontrer le meurtrier d'une tête qui m'était chère, Hector ! La mort, je larecevrai moi-même, à l'heure où Zeus voudra l'accomplir, ainsi que les autres dieux immortels.
Sa Force, Héraclès,non plus, n'a pas évité la Kère, quoiqu'il fût le favori de Zeus, le Seigneur fils de Cronos ; le destin l'a vaincu, ainsique la terrible rancune d'Héré.
Ainsi, moi-même si le même destin m'est réservé, je resterai gisant, quand je seraimort.
Aujourd'hui, puissé-je m'illustrer noblement ! Puisse quelque Troyenne ou quelque Dardanienne à l'ample robeessuyer de ses deux mains, sur ses joues délicates, des larmes abondantes, en gémissant, par mon fait ! Qu'ilss'aperçoivent qu'il y a longtemps que j'ai renoncé au combat ! Toi, n'essaie pas de m'arrêter, parce que tu m'aimes ;tu ne me persuaderais pas.
»
Thétis n'essaie pas de combattre cette résolution implacable.
Mais elle rappelle à Achille que ses armes sont auxmains d'Hector.
Ainsi s'introduit le thème particulier de ce chant.
La Déesse s'en retourne, et renvoie son cortège au sein des flots.
Elle même se dirige vers l'Olympe, pour y chercherHéphaïstos.
Avant que nous assistions à son entretien avec le forgeron divin, se place une tirade qui nous ramèneau champ de bataille, et nous fait voir Hector réussissant à saisir par trois fois le cadavre de Patrocle à la jambe, ettrois fois repoussé par les deux Ajax, Aucune allusion n'est faite à Ménélas et à Mérion, qui, à la fin du chant XVII,avaient réussi à emporter le corps.
Cela ne laisse pas de surprendre, si le poète a bien en vue la même situation.Est-ce l'indice de remaniements ? Est-ce simplement un raccord négligent, destiné à introduire 1 intervention d'Iris,envoyée par Héré..
qui va signaler le péril à Achille ? Celui-ci, sur son conseil, puisqu'il ne peut sans armes se mêleraux combattants, va seulement se montrer au bord du fossé, et Athéné, pour rendre son apparition subite pluseffrayante, nimbe sa tête d'une auréole dorée.
Il pousse un grand cri, par trois fois, et trois fois le désordre se metdans les rangs des Troyens épouvantés.
Le cadavre de Patrocle est définitivement sauvé.
Il est ramené au camp etest déposé sur un lit funèbre.
Achille a suivi, en larmes, le triste cortège ; Héré précipite le coucher du soleil ; etcette lugubre journée se termine enfin pour les Achéens.
Une assemblée des Troyens se tient, au commencement de la nuit ; elle ressemble singulièrement à celle du chantVIII, et Ton y voit de nouveau s'affronter le prudent Polydamas et le bouillant Hector.
Pendant cette même nuit,tout entière, les Achéens pleurent Patrocle.
Achille, dans une belle plainte, exprime ses regrets, loue la vaillance deson ami, et lui jure de ne pas procéder à la cérémonie des funérailles avant de l'avoir vengé.
Toutefois, on lave lecadavre ; on l'oint d'huile ; on introduit de la graisse dans ses plaies ; on le place sur un lit et on le voile de la têteaux pieds.
Suit une courte scène olympique que Zénodote considérait comme interpolée, et sur laquelle beaucoup de critiquesmodernes portent le même jugement.
Zeus interroge ironiquement Héré sur la faveur excessive qu'elle accorde auxAchéens « comme s'ils étaient nés d'elle » ; Héré se défend en quelques mots.
Que ces vers soient ou non uneaddition au texte primitif de ce chant, ils paraissent avoir pour objet de servir d'introduction, en nous faisant passerdu monde des hommes chez celui des dieux, à la conversation entre Thétis et Héphaistos.
L'arrivée de Thétis chez le forgeron divin est d'une grâce aimable à laquelle se mêle une vérité familière.
Thétis letrouve boitant et suant autour de ses soufflets, en train de fabriquer vingt trépieds, mobiles grâce à des roulettesd'or.
Sa femme, Charis, reçoit la Déesse marine avec l'aménité qui lui est naturelle ; elle appelle son époux, quis'incline devant une si noble divinité ; et lui exprime la reconnaissance qu'il conserve pour un bienfait qu'elle lui arendu autrefois.
Puis il range soigneusement ses outils, se lave le visage, s'essuie les mains, fait toiletta et, quand ilest présentable, demande à Thétis l'objet de sa visite.
Quand elle lui a exposé sa requête, il lui promet de lasatisfaire de son mieux, et il entreprend aussitôt sa besogne ; il remet ses soufflets en activité, et il fond au feu lesmétaux précieux : le bronze, l'étain, l'or, l'argent, qu'il va employer pour la fabrication des armes.
De celles-ci, l'une seulement est décrite, avec la plus grande précision que l'on puisse demander à un poète.
C'est lebouclier, choisi de préférence pour des raisons qui apparaîtront clairement à la seule lecture de cette description.
»
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