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Le Rat qui s'est retiré du monde Livre VII, fable 3

Publié le 27/03/2015

Extrait du document

fable

— les interventions qui ponctuent le poème (énoncé d'une maxime v. 11­12 mis en valeur par l'enjambement et le changement de mètre ; question posée directement au lecteur v. 32). C'est là un procédé de conteur, faisant appel à la connivence du lecteur, lui adressant des clins d'oeil : cela donne au poème beaucoup de vivacité, et aussi de la cohérence car en interve­nant aussi bien dans le récit que dans la «moralité «, La Fontaine renforce les liens entre les deux parties.

Les Levantins en leur légende

Disent qu'un certain Rat las des soins d'ici-bas,

Dans un fromage de Hollande

Se retira loin du tracas.

5         La solitude était profonde,

S'étendant partout à la ronde.

Notre ermite nouveau subsistait là-dedans.

Il fit tant de pieds et de dents

Qu'en peu de jours il eut au fond de l'ermitage

Le vivre et le couvert: que faut-il davantage?

Il devint gros et gras; Dieu prodigue ses biens

A ceux qui font voeu d'être siens.

Un jour, au dévot personnage

Des députés du peuple Rat

15 S'en vinrent demander quelque aumône légère

Ils allaient en terre étrangère

Chercher quelque secours contre le peuple chat;

Ratopolis était bloquée:

On les avait contraints de partir sans argent,

20       Attendu l'état indigent

De la République attaquée.

Ils demandaient fort peu, certains que le secours

Serait prêt dans quatre ou cinq jours.

Mes amis, dit le Solitaire,

25 Les choses d'ici-bas ne me regardent plus:

En quoi peut un pauvre Reclus

Vous assister? que peut-il faire,

Que de prier le Ciel qu'il vous aide en ceci?

J'espère qu'il aura de vous quelque souci.

30         Ayant parlé de cette sorte,

Le nouveau Saint ferma sa porte.

Qui désignai-je, à votre avis,

Par ce Rat si peu secourable?

Un Moine? Non, mais un Dervis:

 

35 Je suppose qu'un Moine est toujours charitable.

fable

« (COMMENTAIRE ) Eni~'!-~'!_!~~-! :.!'.'!J~ortrai~~'!l~Îg!I Un Rat qui se replie dans la solitude pour méditer et mener une vie contemplative: en réalité, un glouton qui s'empiffre de fromage et qui refuse d'apporter de l'aide à ses congénères que le peuple chat menace.

Un être détestable, menteur, imposteur, égoïste? Sans doute, mais aussi tellement jouisseur dans son extase matérialiste et tellement roublard dans son discours mensonger, qu'on peut avoir des doutes sur sa noirceur.

lli!J~!ais_i!'_ de~~r1ter La fable poétique, inventée par La Fontaine à partir des modèles anciens, notamment le modèle ésopique, repose sur un principe: le plaisir de conter (un principe que le second recueil des Fables développe beaucoup).

On analysera ici sur quels procédés se fonde cette démarche poétique.

Un espace de fantaisie.

Où sommes-nous transportés? L'espace que dessine la fable est un espace imaginaire et plaisant, qu'on ne peut se figu­ rer de manière ni réaliste ni cohérente.

Le vers 1 («Levantins») nous pro­ jette dans un Orient vague, l'Orient des rêves livresques (ici « ligendes » signifie conte, récit fabuleux) puis la mention du fromage de Hollande (v.

3, soulignée par le changement de mètre) nous ramène très prosaï­ quement à l'Europe (sans doute aussi à la circonstance historique et poli­ tique qui a inspiré l'écriture de cette fable, en 1675: guerre de Hollande menée par Louis XIV).

Invention de La Fontaine, le nom imaginaire de la capitale des rats ( « Ratopolis ») nous dirige vers la Grèce antique, lieu d' ori­ gine des fables («polis» signifie «cité» en grec ancien).

La moralité de la fable replace le Rat dans un contexte oriental (un «dervis »est un religieux musulman; voir le nom moderne de «derviche») mais le parallèle avec la fonction de moine suggère qu'on pourrait tout aussi bien être en Europe.

Nous sommes donc désorientés, pour notre plus grand plaisir de lecteur.

Un jeu plaisant sur l'animalité et l'humanité.

Dans la caractérisation de ses personnages, La Fontaine pratique un constant va-et-vient, parfois un amal­ game, entre les deux registres, l'animal et l'humain.

On analysera ainsi le vers 8 («pieds» pour «pattes» alors que «dents» est ambivalent); utilisation du registre humain avec «personnage», «députés» (c'est-à-dire envoyés) «répu­ blique»; mélange des deux registres dans «peuple chat».

Notez aussi qu'à la fin du récit le fromage se métamorphose en vraie demeure (v.

31: «W porte»).

La virtuosité du conteur.

Plusieurs procédés d'expressions la rendent perceptible: 46. »

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