Le Procès de Kafka : miroir du XXe siècle ?
Publié le 05/08/2014
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Le Procès : miroir du XXe siècle ?
Ce roman inachevé, dont son auteur voulait qu'il disparût, a sensibilisé la conscience moderne. Si chaque génération relit Le Procès pour y puiser la projection de ses propres questionnements, c'est sans doute parce que l'interrogation de Kafka non seulement porte témoignage sur le monde de 1914, mais aussi préfigure un devenir historique et idéologique. Il est rare qu'une oeuvre se fasse à ce point le creuset des interrogations de son siècle. D'où provient cette aptitude du roman ? Quelles ques¬tions s'y trouvent posées ? Comment Welles dialogue-t-il avec son précurseur ?

«
marxiste et les systèmes totalitaires assujettissent l'homme au déterminisme
historique.
Le Procès témoigne de manière aiguë de ce conflit entre l'affirmation du
moi et sa négation.
L'affirmation du moi: la psychanalyse
En explorant la structure et le mode de fonctionnement du psychisme, Freud
reconnaît la spécificité du moi.
Le roman
de Kafka, de la même façon, se fédère autour
de
K.
: c'est par ses yeux que tout est vu, par son jugement que tout est apprécié.
Le système a beau déployer tout son appareil bureaucratique, jamais la situation n'est
appréhendée par le pouvoir.
Le véritable jugement c'est
K.
qui le fonde, c'est lui qui,
par ses monologues intérieurs, institue le procès.
Il substitue son surmoi personnel au
surmoi social, auquel les autorités voudraient qu'il obtempère.
La négation du moi par !'Histoire: le marxisme
En partant de la dialectique du maître et de l'esclave de Hegel, Marx a démontré
combien l'individu est déterminé par la classe à laquelle il appartient.
Kafka n'adhère
pas à ce type de déterminisme : il
ne pense pas K.
en tant que petit-bourgeois.
Ce qui
l'intéresse, c'est ce que le monde veut faire
de K.
: un homme asservi, un matricule.
Dès lors,
Le Procès peut être lu comme la volonté et l'impossibilité de résister à cette
violation de l'individu par !'Histoire.
Le questionnement sur sa place dans le monde agite Kakfa depuis l'enfance.
À l'inverse, quelqu'un comme Welles, enfant prodige, adulé, se taille sa place; étant
au centre des choses, il peut se faire l'écho des interrogations de son temps.
Le parti pris de !'Histoire chez Welles
Kafka pourrait symboliser la conscience des temps modernes.
En 1963, Welles
abandonne l'abstraction
de la fable kafkaïenne pour dialoguer avec ses contemporains.
C'est pourquoi il lance le débat sur les conditions
de travail, dominées par la taylori
sation, sur l'ordinateur auquel
il faut fournir « des données précises, économiques,
sociologiques, psychologiques
», sur le bien-fondé des applications scientifiques
susceptibles
de compromettre la liberté ou l'existence de l'homme.
Il dénonce le
conditionnement des masses par les médias, ce que lui-même avait brillamment
expérimenté lors de son émission radiophonique consacrée
au Meilleur des mondes de
Wells.
En faisant émerger dans la conscience collective des images de la
Shoah ou de
la bombe atomique, le cinéasste place son public face à une Histoire dont il souhaite
qu'il assume la responsabilité.
C'est sans doute parce qu'il reste dans l'abstraction et l'intemporalité que Kafka
donne à chaque génération la possibilité de formuler ses interrogations.
Il en était con
scient, comme le prouve cette note d'un Cahier de 1918 :
« J'ai vigoureusement
absorbé l'élément négatif
de mon temps, [ ...
] un temps que je n'ai pas le droit de
condamner, mais que je pense jusqu'à un certain point représenter.
» Comme les
mythes,
Le Procès pose le problème de la situation de l'homme dans le monde, de l'ex
ercice de sa liberté, des fondements des sociétés.
Il met
au jour la crise des valeurs
ouverte par la mort
de Dieu énoncée par Nietzsche, béance idéologique mise à profit
par des systèmes totalitaires sans foi
ni loi..
»
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