Le Pont Mirabeau d'Apollinaire - LECTURE MÉTHODIQUE
Publié le 11/07/2011
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l'ont beaucoup reprise.
Elle est ici particulièrement expressive, malgré une très grande simplicité apparente, en
raison de l'adéquation parfaite du thème, de la fluidité des vers, et du mouvement giratoire du poème, comme
on le verra plus loin.
Comparaisons et images : le souvenir des amours mortes
En établissant la comparaison entre l'eau du fleuve et l'amour, le vers 13 élargit le thème de la fuite du temps
:
L'amour s'en va comme cette eau courante
Notons, au passage, que «comme», aux vers 15 et 16, n'a plus de valeur de comparaison, mais est un adverbe
d'exclamation.
Les vers 21 et 22, dans leur rapprochement, associent également l'amour et la Seine.
L'évocation de l'amour passé, malgré les orages vécus par les deux amants, n'a aucun caractère dramatique, ni
désespéré.
Elle est comme filtrée, adoucie par le souvenir :
Et nos amours Faut-il qu'il m'en souvienne (v.
2 -3).
Cette interrogation (mais qui peut être aussi, dans une délicieuse ambiguïté, une exclamation en forme de
soupir) se fait sur un ton de lassitude, sans agressivité.
Le vers 4 rappelle aussi bien les souvenirs heureux
que malheureux :
La joie venait toujours après la peine
La quasi-généralisation du présent indique la continuité du souvenir, comme la continuité du courant du fleuve.
Mais le souvenir évoque une histoire d'amour qui a fini, sans pouvoir jamais revenir en arrière, comme le
fleuve du temps :
Ni temps passé Ni les amours reviennent (v.
20-21).
La dernière comparaison entre l'eau et l'amour se place, elle aussi, sous le signe de la lassitude (v.
8 -10) :
Tandis que sous Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l'onde si lasse
La belle image de l'union des amants (sur laquelle nous reviendrons plus loin) est comme assombrie par la
pesanteur du temps.
L'onde s'épuise d'être regardée, comme s'épuise le regard mutuel des amants, dans une
liaison qui a trop duré.
Une image symbolique de la permanence de l'Être
Les amours sont mortes, mais le poète est toujours là pour les chanter.
La continuité du fleuve, c'est aussi la
continuité psychique du poète, la permanence de son être, affirmée quatre fois dans le refrain, et terminant le
poème :
Les jours s'en vont je demeure
Le symbole du pont, forme éternellement fixe au -dessus du flot continu du fleuve, est au centre du poème.
L'affirmation de l'Être n'a aucun caractère triomphant ; il suffit du vers 15 pour nous l'indiquer:
Comme la vie est lente
La lenteur de la vie est moins le signe de l'ennui que celui du sentiment de la permanence : le fleuve s'écoule,
mais demeure éternellement.
Il faut voir là l'affirmation de la continuité de la conscience et, plus généralement,
de la vie..
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