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Le pont - Jean JOUBERT : Cinquante toiles pour un espace blanc

Publié le 26/02/2011

Extrait du document

Des paysans passent un pont, portant des torches dont tremblent dans l'eau noire les crinières. D'un pas menu ils glissent vers l'obscur. Cette rive, je la connais : ses maisons frêles, 5 ses craintives clôtures, les jardins où l'enfant, debout près de la pompe, souffle sur une ombelle(1). Je la connais comme la voix des mères et le soupir de l'homme auprès du feu. Le ciel décroît. Une lueur encore 10 effleurant une rose diffère l'abandon. Ici, rien dirait-on ne peut dresser de lances, et s'il y eut en rêve une blessure, la main sur notre front toujours en effaça l'image. Paix des regards aux fenêtres étroites, 15 grâce modeste du roseau. Mais l'autre rive ! Une montagne la domine, un fantôme plutôt, et ténébreux puisque la nuit qui suinte s'épaissit. Des rocs grimacent. Dans les taillis 20 jappent des loups, d'une rage étrangère. Pourtant le pont, de geste d'homme, fut jeté jadis sur ce fleuve maintenant invisible dont le courant gronde, cruel. Nous attendons la lune, sa clarté. Peut-être 25 d'elle apprendrons-nous le vrai visage. Déjà sa bouche souffle au ciel une buée d'argent. (A Hokusai) Jean JOUBERT : Cinquante toiles pour un espace blanc (1982)

(1) Ombelle : plante dont la floraison forme un bouquet fin et fragile.

Vous ferez un commentaire composé de ce poème de Jean JOUBERT. Vous pourrez, par exemple, montrer comment ce poème, inspiré d'une estampe d'Hokusai (peintre japonais: 1760-1849), évoque un paysage pittoresque et symbolique. Vous organiserez le commentaire à votre guise en évitant toutefois de dissocier artificiellement le fond et la forme.

« glose sur la toile, cet « espace blanc » où est figuré un pont sur un fleuve, au crépuscule, devant une montagne. • Présentation du plan. I.

Un paysage pittoresque • pittoresque même famille que «peinture» = digne d'être reproduit par une peinture. • Comme dans tout paysage, travail des lignes, formes, mouvements, couleurs. • Mais ce qui frappe en premier ici c'est le peu de couleurs : — noir et sombre torches qui se reflètent + nuit progressive ; — 2 luminosités : torches, approche de la lune. • Ces couleurs en effet évoluent au cours du texte : passage insensible à partir de la fin du crépuscule : « une lueurencore / effleurant une rose » (suggestion de couleur).

Auparavant elle était présentée par une traduction symbolique : «Le ciel décroît».

Noter la métrique: enjambement et coupe le précédant: 4/6.

L'élément de 4 pieds est donc plusbref, imitatif de la rapidité finale de la descente du soleil. • D'où de fortes zones d'ombre déjà où les personnages du tableau vont disparaître. «D'un pas menu ils glissent vers l'obscur», alexandrin au rythme progressif : démarche des Japonais sur leurs gétasmarche décomposée en plusieurs temps des Occidentaux. • C'est alors l'arrivée de la nuit «qui suinte», «s'épaissit» : termes désagréables.

Sonorités allitératives sifflantes... • ...

avant celle de la «lune», ici synonyme de «clarté».

Délicate observation sur la lumière.

La lune est annoncéepar une lueur préliminaire avant son surgissement.

C'est diffus, léger, traduit en correspondance avec l'humidité —>gracieuse image: «buée d'argent».

De plus, c'est ici une couleur suggérée, non le blanc ou le jaune du prisme. • Ainsi cette palette restreinte établit plutôt des contrastes.

Id.

chez le peintre qui accorde une grande valeur auxespaces blancs (cf.

titre d'ailleurs donné par Joubert au recueil).

Pour Hokusai, la couleur est une valeur décorativeétablissant les harmonies ou bien les contrastes, comme ici. • Un tableau présente aussi des lignes et des formes.

Ici utilisation du linéaire.

La luminosité même est traduite en traits: «crinières».

Noter aussi la fleur: «ombelle». • Mais plus encore les formes et les masses : deux éléments différents de part et d'autre du pont. • Une rive habitée toute en formes légères: «maisons frêles», «craintives clôtures», «pompes», «fenêtres étroites»,«grâce modeste du roseau», le tout encore assez linéaire. • «Mais l'autre rive!» = contraste annoncé par phrase nominale (= sans verbe) exclamative + la conjonctioncoordinative d'opposition.

Là ce sont des masses: «montagnes, rocs» ou ensemble: «courant». • Masses « épaissi[es] » encore par l'obscurité (« ténébreux-nuit»). • Enfin un tableau la plupart du temps — ou dessin — saisit et fixe le mouvement.

Ici celui des hommes : « paysanspassent », « glissent », « enfant souffle » ; des éléments naturels ou fabriqués: «tremblent dans l'eau», «lueureffleurant», « montagne qui se dresse » : « domine » ; et le discret mouvement de la lumière qui va jaillir «sabouche souffle...», 26e vers. II.

Un paysage symbolique • Symbole = signe de reconnaissance. • tout véritable artiste — peintre ou poète ici — ne se contente pas d'une présentation descriptive. • Dans sa célèbre série des Ponts, Hokusai — et c'est aussi ce que J.

Joubert veut transmettre — laisse percevoirune sensibilité délicate que certains éléments du dessin précisent grâce à une simplification hardie des formes. • Qu'est-ce que le pont ? • Le passage entre deux mondes : — celui de la rive habitée, discrète comme la démarche de ses habitants qui «. »

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