Le poète est-il uniquement un exilé du Monde ?

« morts » extraits des Contemplations : « Et dire qu’elle est morte ! hélas ! que Dieu m’assiste ! ».

Enfin, d’autres, telque Voltaire avec son « Poème sur le désastre de Lisbonne », se sont servis de leur talent pour montrer au reste sumonde leur sensibilité face aux malheurs des Hommes : la poésie leur permet donc d’afficher leurs sentiments.Enfin, la condition du poète est aussi celle d’un homme immergé dans un monde lancé dans une évolutionvertigineuse qu’il ne comprend pas forcément et qui lui fait peur.

En effet, Vigny voit apparaître les premiers cheminsde fer et laisse entrevoir l’étendu de son effarement devant un tel spectacle dans « La maison du berger » extraitde son œuvre Les destinées : « Sur ce taureau de fer qui fume, souffle et beugle, l’homme a montré trop tôt ».D’autres nous offrent, grâce à leurs poèmes, une vision de l’univers social et industriel des grandes villes de leurépoque comme c’est le cas de Verhaeren dans « Les usines » extrait des Villes tentaculaires, poème dans lequel ildécrit avec finesse les villes de la fin du XIXème siècle, ayant subies l’essor de la révolution industrielle.Ainsi la condition du poète est également celle d’un homme éprouvant des sentiments divers et variés, non limités àcelui l’exil.

Mais, outre cet aspect de sa personnalité, n’occupe-t-il pas une place toute particulière dans le monde ? Le poète possède un rôle réel au cœur de la société.D’abord, on peut qualifier certains poètes de courtisans maniant leurs vers pour plaire au roi tandis que d’autres sontsemblables à des humoristes en herbe.

En effet, Marot inclus dans L’adolescence clémentine un poème, « PetiteEpître au roi » visant à attirer l’attention de François Ier et de sa sœur : il y allie à merveille la flatterie du courtisanet l’humour rafraîchissant.

De plus, certains utilisaient leur sens de la répartie, leur vision du monde pour conférer àleurs poèmes un comique irrésistible.

« Bon conseil aux amants » (Toute la lyre) de Victor Hugo en est un exempleirréfutable : il y décrit les comportements amoureux qu’il a pu observer tout concluant son poème par un chute toutà fait inattendue et d’un humour pétillant « Vous qui cherchez à plaire ne mangez pas l’enfant dont vous aimez lamère ».

De même, Raymond Queneau, poète contemporain, s’adonne lui aussi à la poésie comique dans l’un despoèmes de son recueil l’Art poétique : il ironise sur l’obsession que représente la postérité pour les artistes « je dismerde et remerde et reremerde drôlement feintée la postérité qui attendait son poème ».

La poésie ne peut doncpas être dissociée de l’humour.Ensuite, la condition de certains poètes est celle de prêcheur de « bonnes paroles ».

Il existe d’abord ceux qui seservent de leurs poèmes pour décrire ce que représente, pour eux, l’art de la poésie comme Boileau qui, dans Artpoétique, nous dévoile les principes majeurs d’une écriture poétique où l’expression d’idées précises s’associe à lapureté de la langue et à un travail stylistique recherché.

De même, Gautier, dans « l’Art » extrait d’Emaux etcamées, prône un retour à un art poétique fondé sur les valeurs du travail technique et celles de la beauté formelle,intemporelle ou éternelle « L’art robuste seul à l’éternité ».

D’autres mettent leur poésie au service de la religion.

Eneffet, Sponde, dans le sonnet IX de Sonnets sur la mort, développe le thème de la vanité et invite ses lecteurs à sedétacher du monde, qui est hypocrite, pour se tourner vers Dieu.

Tous ces poètes cherchent donc à travers leurtalent conseiller leurs lecteurs tout en se mettant au service de différentes causes comme la littérature ou lareligion.Enfin, on ne peut oublier que le poète possède aussi un rôle de défenseur du monde, brandissant ses vers commeune arme face aux injustices.

Victor Hugo, par exemple, dénonce l’horreur de la nuit du 4 août 1789 dans soncélèbre poème « Souvenir de la nuit du quatre » (extrait des Contemplations) : il se place en protecteur du peupleet commence sa critique par un vers virulent et sans appel « L’enfant avait reçu deux balles dans la tête ».

Demême, certains artistes étrangers ont eux aussi écrit des poèmes engagés comme Pablo Neruda qui dénonce lesatrocités commises lors de la guerre civile espagnole dans « Explico algunas cosas » (J’explique quelques petiteschoses) extrait de Espana en el corazon (L’Espagne dans le cœur).

De plus, la poésie est aussi le moyen de critiquerla société elle-même.

Rimbaud avec « A la musique » nous dresse un portrait peu flatteur de la société matérialisteet vantarde de son époque.

Jean Anouilh, quant à lui, nous offre une vision satirique de l’artiste dans « La cigale »(Fables) qui loin d’être le personnage qu’on s’imagine, frivole et dépensier, est devenu froid et calculateur.

Maispeut-on vraiment parler de la poésie critique de la société sans parler des Fables de La Fontaine ? Toutes sesœuvres, « La mort et le bûcheron », « la Cour du Lion », « Les animaux malades de la peste » … sont, en effet, dessatires de la société (du roi, des courtisans, du peuple, des hommes en général…).La condition d’un poète est donc aussi celle d’ « œil » de la société, mettant tour à tour son talent et saperspicacité au service du roi, de la religion, de la littérature ou bien s’en servant comme d’une arme contre lesinjustices, d’un support à leur humour mordant… En conclusion, la condition d’un poète peut, certes, être celle d’un exilé dans le monde mais elle n’est pas sidéfinitive et sans appel.

En effet, il peut aussi exprimer d’autres sentiments que l’exil à travers ses vers comme,entre autre, l’amour, la tristesse et l’incompréhension.

Enfin, il possède également un rôle réel au sein de sa société: il peut se changer en courtisan émérite, en humoriste talentueux mais aussi en ardent défenseur des causesperdues… Les poètes ne peuvent-ils pas être également considérés comme des bouffées d’air frais, de rêves etd’idéal dans un monde de plus en plus matérialiste ? Leur imagination n’est-elle pas un bien précieux à préserver denotre société dont les techniques si pointues et en continuelle évolution ne favorisent pas, en revanche, ledéveloppement de l’imaginaire ?. »