Devoir de Philosophie

Le Pittoresque dans Gaspard de la Nuit, - Fantaisies à la manière de Rembrandt et Callot - de Louis Bertrand, dit Aloysius

Publié le 21/08/2012

Extrait du document

rembrandt

Le désir de Bertrand de se rapprocher de l’art pictural est fort ; et il l’exprime à travers le sous-titre qu’il offre à son œuvre : « Fantaisies à la manière de Rembrandt et Callot «. Jacques Callot était un graveur et peintre du début du XVIIème siècle qui travailla l’eau-forte ; tout comme Rembrandt, qui lui engloba la quasi-totalité du XVIIème siècle. Toutefois, ce dernier demeure célèbre pour son utilisation du clair-obscur.  C’est cet art que veut concurrencer L. Bertrand. Comment y parvenir lorsqu’on se voue à créer une œuvre qui se lit et non qui se voit ? Bertrand tente de créer une écriture de l’impression et de la sensation, qui joue sur les fantasmes de son lecteur. Notons que ses pièces se prétendent « peindre « la réalité, tel l’Ekphrasis qui crée une sorte d’illustration dans le discours par le biais de l’enargeia. L’enargeia prétend, elle aussi, peintre la réalité (dans l’emploi d’un vocabulaire détaillé, place des adjectifs) ; c’est une figure qui travaille la dynamique de l’imagination comme « une réalité concrète «. L’auditeur va donc s’imaginer son propre tableau avec des détails complémentaires qu’on ne retrouverait au sein de l’œuvre. C’est le travail du visible et de ce qui est au-delà.  Comme nous l’avons énoncé auparavant, le livre Gaspard de la Nuit est plein de cette volonté de peindre ; comme dans l’introduction de l’auteur où il nous dit qu’il « avait déjà remarqué dans le même jardin sa redingote râpée qui se boutonnait jusqu’au menton, son feutre déformé que jamais brosse n’avait brossé… « de cet être étrange qui lui avait fournis un manuscrit. Cette longue description physique est ponctuée d’adjectifs qualifiants nombres de substantif s’enchainant pour créer l’enargeia.

rembrandt

« désigne aucune étendue, aucune épaisseur particulière du sentiment, aucun univers séparé, mais seulement l’inflexion d’une technique verbale (…), selon des règlesplus belles.

(…) La poésie (moderne) n’est plus alors une prose décorée d’ornements ou amputées de libertés.

Elle est une qualité irréductible et sans hérédité.

Ellen’est plus attribut, elle est substance et, par conséquent, elle peut très bien renoncer aux signes, car elle porte sa nature en elle (…) : les langages poétiques etprosaïques sont suffisamment séparés pour pouvoir se passer des signes mêmes de leur altérité.

».Aloysius écrit en prose et avec un vocabulaire prosaïque : il se démarque donc doublement de la poésie classique.

D’abord à travers le choix formel qu’est la prose ;mais aussi dans l’usage d’un vocabulaire prosaïque pour camper un décor qui emmène son lecteur au-delà du monde réel.Dans sa longue introduction narrative et dialoguée de 18 pages, il évoque l’histoire de Dijon et raconte comment lui, véritable auteur du livre, a rencontré une nuitun personnage étrange (il finit par se demander si ce n’est pas le diable en personne) qui lui a remis un manuscrit signé de son nom Gaspard de la Nuit .

C’est ainsique Bertrand l’aurait porté à notre connaissance (procédé qui rappelle les romans du XVIIIème siècle dont l’auteur affirme dans une préface que le manuscrit lui aété confié par un anonyme).

Cette longue introduction est aussi porteuse d’un vocabulaire spécialisé et prosaïque.

Notons, en effet, qu’il se trouve dans la « jardin del’Arquebuse, _ ainsi nommé de l’arme qui, autrefois, y signala si souvent l’adresse des chevaliers du papegai ».

Cette référence à l’histoire de Dijon et son perroquet,qui était pris pour cible dans les concours des arquebusiers, ne peut être connue de tous.

Seul un dijonnais qui se plait à étudier l’histoire de sa cité, pouvait en fairemention.N’omettons pas la pièce VII, nommé « Le rêve », du livre « La Nuit et ses prestiges », qui campe son décor dans une « abbaye aux murailles lézardées », « une forêtpercées de sentiers tortueux », et « le Morimont grouillant de capes et de chapeaux ».

Ce « Morimont », était à Dijon, dans des temps dit « immémorial » par l’auteurlui-même, la place aux exécutions.

Ce décor n’est pas sans nous rappeler les temps obscurs du Moyen Age que Bertrand prend plaisir à remettre au goût du jour.

Etbien souvent, la religion, qui tenait alors une place capitale à cette époque d’obscurantisme, n’est pas loin.

Il erre, dans cette œuvre, « la statue gigantesque de Saint-Jean », « les tours de Saint-Eustache le gothique ».A ces termes, d’autres, issus de domaines spécialisés et langage soutenu, se mêlent : tel que « giron », « phalène » dans la pièce IV de « La Nuit et ses prestiges » ; ouencore, « le pistil et les étamines », faisant référence à la fleur dans la pièce I du même livre.Tout ce vocabulaire prosaïque et spécialisé peut, en effet, être lui aussi perçu comme force active de l’âme pittoresque embaumant l’œuvre. II) Le pittoresque comme meilleure arme pour l’expression des « fantaisies » - ou - le rapprochement à l’art pictural. Le désir de Bertrand de se rapprocher de l’art pictural est fort ; et il l’exprime à travers le sous-titre qu’il offre à son œuvre : « Fantaisies à la manière de Rembrandtet Callot ».

Jacques Callot était un graveur et peintre du début du XVIIème siècle qui travailla l’eau-forte ; tout comme Rembrandt, qui lui engloba la quasi-totalitédu XVIIème siècle.

Toutefois, ce dernier demeure célèbre pour son utilisation du clair-obscur.C’est cet art que veut concurrencer L.

Bertrand.

Comment y parvenir lorsqu’on se voue à créer une œuvre qui se lit et non qui se voit ? Bertrand tente de créer uneécriture de l’impression et de la sensation, qui joue sur les fantasmes de son lecteur.

Notons que ses pièces se prétendent « peindre » la réalité, tel l’Ekphrasis qui créeune sorte d’illustration dans le discours par le biais de l’enargeia.

L’enargeia prétend, elle aussi, peintre la réalité (dans l’emploi d’un vocabulaire détaillé, place desadjectifs) ; c’est une figure qui travaille la dynamique de l’imagination comme « une réalité concrète ».

L’auditeur va donc s’imaginer son propre tableau avec desdétails complémentaires qu’on ne retrouverait au sein de l’œuvre.

C’est le travail du visible et de ce qui est au-delà.Comme nous l’avons énoncé auparavant, le livre Gaspard de la Nuit est plein de cette volonté de peindre ; comme dans l’introduction de l’auteur où il nous dit qu’il« avait déjà remarqué dans le même jardin sa redingote râpée qui se boutonnait jusqu’au menton, son feutre déformé que jamais brosse n’avait brossé… » de cet êtreétrange qui lui avait fournis un manuscrit.

Cette longue description physique est ponctuée d’adjectifs qualifiants nombres de substantif s’enchainant pour créerl’enargeia.Celle-ci se retrouve aussi à la page 76 de l’œuvre où l’étrange personnage, qui serait l’auteur des pièces, parle de l’art, ou plutôt de son art : « Ce manuscrit, ajouta-t-il, vous dira combien d’instruments ont essayé, mes lèvres avant d’arriver à celui qui rend la note pure et expressive, combien de pinceaux j’ai usé sur la toile avantd’y voir naître la vague aurore du clair-obscur.

Là sont consignés divers procédés, nouveaux peut – être, d’harmonie et de couleur, seul résultat et récompensequ’aient obtenu mes élucubrations ».

Dans cette tirade, nous imaginons le travail qu’a constitué la création de cet ouvrage à travers la métaphore du peintre quiessaye ses pinceaux ; elle nous révèle aussi que la vague du clair-obscur, caractéristique picturale inventée par Rembrandt, fut atteint : le lien de l’ouvrage à l’artpictural est scellé.D’ailleurs, pour Max Milner, les pièces d’A.

Bertrand sont des « bambochades », œuvres picturales de l’école flamande . III) Une discontinuité formelle et discursive des pièces. La discontinuité formelle est une caractéristique des pièces de l’auteur dans son Gaspard de la Nuit.

Elle passe par la présence des nombreux blancs, comme sil’auteur avait voulu se rapprocher au plus près des recueils de poèmes versifiés afin que son lecteur puisse percevoir une présentation plus « habituelle » de la poésie.En effet, ces textes brefs se présentent tous dans une mise en page, voulue par leur auteur, qui les segmente sous forme d’alinéas séparés comme l’est l’une descaractéristiques de la strophe.

Aloysius Bertrand avait, de surcroit, fournit des instructions à l’imprimeur : « Règle générale.

- blanchir le texte comme si c’était de lapoésie ».

Ces « blancs » étaient, pour son auteur, une « manière d’étendre et de faire foisonner la matière », alors qu’il ne souhaitait pas lui-même développer cettematière en notes étendues : le lecteur doit comprendre par lui-même ; ou même interpréter ce qu’il désire y voir.Cette discontinuité de la forme n’est pas la seule.

En effet, elle est aussi discursive.

En témoigne la pièce VII « La sérénade», Livre second où, dans le premier alinéarègne la parataxe.

Les phrases y sont effectivement juxtaposées sans logique d’enchaînement : « Un luth, une guitarone, et un hautbois.

Symphonie discordante etridicule.

Mme Laure à son balcon, derrière une jalousie.

Point de lanternes dans la rue, point de lumière aux fenêtres.

La lune écornée ».

De même que les dialoguesqui se suivent mais dont les sujets de l’énonciation se mélangent, donnant le sentiment que plusieurs récits s’entrecroisent.

Le premier dialogue n’indique qu’ellessont les identités qui prêtent leur voix ; puis, le second donne la parole non pas à un sujet mais plusieurs qui apparaissent comme « les musiciens dans leur cape ».Cette « tirade » est en réalité l’expression de nombreuses voix qui partagent des appréciations sur un conseiller, un amant et un mari.

Reste au lecteur l’opportunitéde faire le lien entre les divers alinéas.Remarquons aussi les nombreuses anaphores présentes dans ces pièces : elles ne peuvent être qu’un mot ou tout aussi bien une phrase : c’est ce que Sainte-Beuveperçoit comme une « ballade en prose », sorte de refrain.Cet aspect lacunaire et elliptique marque l’originalité de l’auteur ; c’est ainsi que Louis Bertrand est devenu Aloysius. Conclusion : L’idée de l’antienne ou de la ballade en prose, ce discours répété n’est pas la seule caractéristique qui nous a permis de juger de l’aspect pittoresque de Bertrand.

Sesinspirations, l’usage d’un type précis de la langue, la concurrence qu’il a souhaité entretenir avec l’art, et la discontinuité formelle et discursive de son œuvre ; toutcela contribue à la nouvelleté, au pittoresque.

Ce qui s’en dégage est l’idée d’une immédiateté fuyante ; la perception sensorielle étonnamment est sollicitée à lecturede ses pièces.

Son lecteur se retrouve finalement face à une toile calligraphique : un fantasme nous est transmis et nous le développons.Le terme de pittoresque peut évidemment retrouver son synonyme dans le terme de « Fantaisies » qui peut aider à identifier le genre de Gaspard de la Nuit.

Car c’estun genre nouveau et en dehors de tout autre que nous soumet Louis Bertrand ; et la métamorphose de son nom était indispensable pour se maintenir à la hauteur deson œuvre.Son genre mêle prose et poésie, qui précédant ainsi La Bohême galante de Nerval ( 1853, composé de proses et de poèmes versifiés).

Louis Bertrand annonce nonseulement Baudelaire, mais aussi tout un aspect de la littérature du XXème siècle, qui tirera davantage vers le bouleversement des formes poétiques, engendrant une. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles