Le « Petit traité de poésie française », l'art poétique du Parnasse.
Publié le 25/03/2011
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Matière. — Résumer, d'après le Petit traité de la poésie française de Th. de Banville, les idées de la réforme parnassienne.
Plan proposé : Introduction. — Le livre technique du Parnasse est le Petit traité de poésie française. Remarquons d'abord qu'il apparaît au moment où le Parnasse est en pleine floraison (1876 environ). Par conséquent, il n'a pas pu servir à la formation du Parnasse, à l'instruction des poètes qui l'ont composé ; mais il résume cependant un ensemble d'idées générales que les Parnassiens ont suivies même sans se concerter au préalable.
«
contrarier l'effet du mot final, de bien s'harmoniser avec lui, en formant des résonances variées entre elles, mais dela même couleur générale (conciliation de l'unité et de la variété, p.
9 et 10).
La rime trouvée, il n'y a plus qu'untravail de goût et de coordination, un travail d'art qui s'apprend par l'étude des maîtres et par la fréquentationassidue de leurs œuvres.
Bien plus, le vrai poète trouve instinctivement non seulement la rime jumelle, mais toutesles rimes d'une strophe ou d'un morceau, puis tous les mots qui feront image, puis tous les mots corrélatifs quidoivent compléter ceux-là et former un tout énergique, gracieux, vivant et solide.
Alors il ne reste plus qu'à ajouterles soudures, c'est-à-dire les chevilles.
6° Il y a toujours des chevilles dans tous les poèmes : c'est une loi absolue ; les mauvais poètes les placentbêtement, les autres font des miracles d'invention et d'ingéniosité ; c'est toute la différence.
La démonstration estfaite (p.
80 sq.) notamment par deux vers de Racine et par le Régiment du baron Madruce de Victor Hugo.
7° De quelle utilité dans ce cas est le Traité de Banville ? Si la rime est tout le vers, si elle est révélée au seulpoète, à quoi servent ces conseils ? Banville répond : quoi qu'il en soit, on peut toujours faire des vers supportables; et il se déclare homme à donner comme un autre une consultation empirique.
«Vous savez que la rime est l'outiluniversel, que notre langue, enrichie par le romantisme, s'est enrichie de rimes ; il ne vous manque qu'à suppléer undon absent, celui de trouver artificiellement cette rime qui vient chercher le vrai poète » (p.
69 sq.).
Pour cela,n'allez pas suivre tous les modèles : ce serait la confusion ; choisissez le livre de poésies que vous sentez etadmirez le mieux.
Lisez-le sans cesse comme un luthérien lit sa Bible et un Anglais son Shakespeare ; pénétrez dansl'atelier de votre maître unique, vous remarquerez les mêmes moyens employés pour amener les mêmes effets.
Vousapprendrez votre art sans vous en apercevoir.
Gardez-vous des règles.
Il faut que la musique savante et compliquéedu vers entre dans votre cerveau sans que vous y preniez garde ; il faut que la phrase versifiée se chante d'elle-même dans votre tête.
Dans votre mémoire se graveront une foule de mots propres à être employés à la rime, etceux qui peuvent leur servir de rimes jumelles (augmentez cette provision par des dictionnaires, des encyclopédies,des ouvrages techniques, des catalogues de librairies et de ventes, des livrets de musées, etc.).
Voilà votre têtemeublée ; vous voilà armé pour la rime ; il ne vous reste plus que deux exercices indispensables : apprendre àcaractériser chaque chose par un mot unique, et il est impossible que vous n'y parveniez pas ; puis, après avoircherché dans votre mémoire ou dans un dictionnaire la rime la plus riche possible, à cheviller comme V.
Hugo.
8° Il est facile de voir ici, à côté d'idées très justes, des preuves de la désinvolture élégante et souriante de Banville:
a) On n'entend dans un vers que le mot qui est à la rime.
Cela est contredit presque à chaque pas, car alorspourquoi Banville insiste-t-il sur la nécessité des sons non similaires, mais analogues, sur celle des combinaisons desmots longs et courts ? Pourquoi Banville n'a-t-il pas écrit qu'on entendait surtout le mot mis à la rime ? Alors nousaccepterions son opinion, beaucoup plus banale sans doute, mais du moins très vraie.
b) La grande contradiction que Banville a vue n'a pas été réfutée par lui.
Car si Boileau, Voltaire et Scribe ont euvraiment le don de ne pas rimer, pour quelles raisons n'y auraient-ils pas suppléé grâce à la méthode de Banville ougrâce à une autre ? « Ne rimez pas malgré Minerve », dit d'abord Banville.
— « Rimez malgré Minerve », dit-ilensuite, et pour cela faites votre éducation de poètes.
— On ne saurait nier que Boileau ait, lui aussi, appris àtrouver le mot caractéristique, à l'accoupler avec des mots qui le mettent en valeur soit comme coloris, soit commeson, et, si Boileau est poète, il l'est surtout par là.
c) L'exemple de Hugo n'est pas caractéristique : « l'hôtesse de Hugo » ce n'est pas du tout la rime, cela est demauvaise guerre.
d) Quant aux reproches adressés à la Satire II, on y a souvent répondu.
Mais la plus forte objection est la suivante: pourquoi prendre la Satire II pour caractériser l'art de Boileau ? Il n'y est pas complet, et cela est une injustice.
e) Et voici la contradiction la plus grave : sans doute la cheville est nécessaire, mais de là à en faire le procédéconstant du poète il y a loin.
Entre les deux chapitres relatifs à la rime (III et IV), se trouve le chapitre des licencespoétiques : « Il n'y en a pas », et celui de l'inversion : « Il n'en faut jamais ».
Et ce n'est pas la seule fois que noustrouvions dans le Traité une telle défense de la sincérité du fond et de la forme, une telle protestation contre lalâcheté humaine (Cf.
tout ce qui a trait à l'enjambement et à l'hiatus).
Banville dit au chapitre V : « Le grandobstacle à la perfection de notre poésie, c'est l'amour de la servitude, la lâcheté humaine », et son chapitre deconclusion (XI, p.
258 sq.) renferme de nombreux conseils de ce genre : « Sache bien que, quels que puissent êtreton genre et ta science, tu ne saurais jamais parvenir à écrire de beaux poèmes sans un secours divin et surnaturel;...
sans la justesse de l'expression, pas de poésie...
etc.
» Ici Banville donne bien la main à Boileau, et c'est par làque les symbolistes ont voulu se rattacher à lui : « Il ressort de son traité que ceux qui abordent le métier poétiquedoivent s'en tirer sans trucs et sans facilités convenues, obtenues aux dépens du tour logique de la phrase ; celadonne la main aux théories des vers-libristes, qui ne subordonnent jamais cette allure nécessaire de la phrase auxredoublements des sonorités, à la redondance des strophes, ni à la rotondité des rythmes, comme dirait M.
Mendès.» (G.
Kahn.)
Or que devient la justesse de l'expression, que devient celle de la pensée dans la théorie des chevilles ? Si V.
Hugoavait travaillé sans cesse, comme le dit Banville, eût-il été l'admirable poète que nous connaissons ? Si Banville lui-même, quoi qu'il en dise, avait ainsi travaillé il aurait été d'abord moins lyrique, et ensuite moins fécond.
Peut-êtremême que, si les Parnassiens ont mérité le reproche d'avoir parfois garni le vers à la façon d'une poupée moderne,.
»
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