Le personnage du gracioso - La vie est un songe, de Calderon
Publié le 05/08/2014
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Le personnage du gracioso
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Le gracioso* est un personnage type de la comédie espagnole, dont les
caractéristiques et le rôle évoquent les valets de la comédie italienne et plus
tard de Molière. Mais Calderon ne se contente pas de remprunter au répertoire
du théâtre traditionnel, il l'enrichit d'apports nouveaux qui lui confèrent
une signification ambiguë rejaillissant sur l'univers calderonien luimême.

«
E X P 0 S É S F C H E S
Un double
Au regard de sa place dans les séquences, il apparaît comme une sorte de
double accompagnant certains personnages : Rosaura dans la première journée,
Sigismond ensuite.
Il fait son entrée juste après Rosaura dans la première scène,
remet son épée
à Clothalde en même temps que sa maîtresse ; de même, lorsque
Sigismond est enfermé à nouveau dans la tour, Clarfn est incarcéré juste après.
Une connivence lie en effet les deux personnages : Clarfn met en garde le
jeune prince au vers 1443, prend son parti contre les domestiques (v.
1328-1329).
Double
comique du héros tragique en même temps qu'anti-héros contrastant
avec celui-ci, il est la figure inversée du roi, tendant à celui-ci le miroir grimaçant
de sa déchéance et
le rappelant à son humaine condition.
Ill -SIGNIFICATION DU GRACIOSO
!J!1 héros profane
Derrière les traits caractéristiques du gracioso, qui lui donnent sa dimension
comique, se dissimule une signification plus profonde : le gracioso est un être
simple, qui perçoit la vie à travers ses sens,
d'une manière immédiate et s'accorde
à elle.
Son langage direct, souvent cru exprime son adhésion spontanée à la
vie.
Le gracioso a en effet choisi la jouissance, les valeurs de la vie.
Son domaine
est celui de l'immanence heureuse.
pn P~!sonnage ~~~~~E~!!_r
Aussi est-il, curieusement, dans ce théâtre qui dénonce le paraître, l'inconsis
tance des apparences, l'homme du paraître.
La vie et ses jouissances apparais
sent comme la seule réalité dans un monde voué à l'illusion.
D'ailleurs, ses
clins d'œil au public.
qui rompent la convention théâtrale, rappellent au spectateur
qu'il est au théâtre, pris lui-même au faux-semblant des apparences et à tout
moment susceptible de s'y perdre.
En outre,
à travers son regard, la valeur de l'honneur et les conventions qui
supportent l'univers social apparaissent comme ce qu'ils sont : des artifices.
«Le valet refuse d'être dans les affaires d'honneur[ ...
] parce qu'il a choisi d'exis
ter», écrit Didier Souiller dans Calderôn et le grand théâtre du monde, p.
370.
C'est d'ailleurs lui qui, avant de mourir, rappelle à Basyle et à sa cour la fatalité
de la mort,
le memento mori chrétien : « Sachez que vous allez mourir, / si Dieu a
décidé que vous deviez mourir 1 » (v.
3094-3096).
Avertissement qui vient relativi
ser la puissance des grands et l'orgueil royal ; message entendu par Basyle qui
reconnaît ses fautes (v.
3108-3111).
Clarîn le clairon
Il est aussi ce nom comique, renvoyant le personnage à la matérialité d'un
instrument de musique.
Nom qui sert de prétexte à de multiples jeux de mots et
renvoie à sa double fonction théâtrale et symbolique : héraut tonitruant et pétara
dant plus que héros, illustration pathétique de l'enflure vaine, de la rumeur déri
soire de la vie.
Conclusion : Le contrepoint comique du gracioso vient rappeler l'ambi
guïté secrète du théâtre calderonien : à la fois dénonciation de la comé
die humaine et exaltation de celle-ci.
lmlllll-=--@l.
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