Le personnage du DOCTEUR JEKYLL
Publié le 22/02/2012
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Stevenson voit donc le progrès humain comme une lente marche vers le Bien.
D'ailleurs, la transformation morale deJekyll s'accompagne d'une transformation physique, comme s'il redevenait un peu un singe ou un hommepréhistorique.
Cette conception s'oppose donc totalement à toutes les idées de «bon sauvage », d'autant plusvertueux qu'il est plus près de la nature (voir le chapitre consacré à Paul et Virginie).
Pour Stevenson, plus l'hommeest primitif, plus il est proche du Mal.
Le remords et la conscience morale sont des produits de la civilisation.On peut préciser ce point à la lumière des travaux de la psychologie freudienne.
Freud (1856-1939) considère quel'homme est soumis à des pulsions instinctives, parfois nées de ses origines primitives.
Or ces pulsions, dans leurmanifestation la plus primaire, ne sont pas acceptables du point de vue social.
L'éducation a donc pour but de créerchez chacun d'entre nous une instance capable de refouler ces pulsions, de les censurer : le surmoi.
Ce surmoi semanifeste par la conscience morale, par le sentiment de culpabilité, par la honte...Il est remarquable que Stevenson annonce avec son récit les analyses que Freud publiera trente-cinq ans plus tard.Car la drogue du docteur Jekyll n'est finalement pas autre chose qu'un moyen de se débarrasser provisoirement dusurmoi.
Ce n'est sans doute pas un hasard si le récit parut en 1886, à une époque où les conventions socialesfaisaient peser sur les individus de terribles contraintes psychologiques.
Deux ans plus tard, en 1888, Jackl'Eventreur terrorisera Londres par des meurtres d'un incroyable sadisme.Si le docteur Jekyll devient laid en même temps qu'il devient mauvais, c'est, nous l'avons dit, qu'il régresse surl'échelle de l'humanité et se rapproche de l'homme primitif.
Mais c'est aussi parce que, plus ou moins consciemment, les notions de beauté et de bonté sont pour nous trèsproches.La conception grecque classique, illustrée par Platon, identifie le Beau, le Bien et le Bon.
C'est dire que laid, mal etmauvais sont eux aussi identifiés l'un à l'autre.
L'idée de « monstre » sort tout droit de là : ce qui est laid doit êtreméchant.
Les contes enfantins, les récits de chevalerie, les films d'épouvante disent la même chose.Or cette idée est profondément discutable.
Elle conduit par exemple à redouter ou à repousser sans aucune raisondes êtres difformes.
On pourra, sur ce point, se reporter à l'étonnant film La Monstrueuse parade réalisé par TodBrowning en 1932; ou étudier certains personnages de Victor Hugo, comme Quasimodo dans Notre-Dame de Paris ouGwynplaine dans L'Homme qui rit.On pourra aussi rapprocher le récit de Stevenson d'une autre courte histoire, écrite en 1891 par l'Irlandais OscarWilde : Le Portrait de Dorian Gray.
On y voit un noble, totalement immoral, rester jeune et séduisant malgré les piresdébauches, tandis que son portrait subit les flétrissures à sa place.
Les thèmes du double, de la laideur physique etmorale, de la punition y sont traités de façon brillante et originale.Enfin, il faut noter que Stevenson, comme beaucoup d'autres auteurs de son temps, regarde les progrès de lascience avec un sentiment ambigu.
Si Jekyll est un scientifique brillant, il fait de son savoir un mauvais usage.
Ildépasse une frontière interdite en s'aventurant sur le terrain du Mal, ce qui le mènera à sa perte.
Par là, Jekyll estun peu le cousin de Frankenstein ou du capitaine Nemo.
Succès et avatars
Le succès du livre fut énorme dès sa parution.
Le public, friand d'histoires fantastiques, apprécia les qualitésdramatiques du récit et, très probablement, fut sensible à son arrière-plan symbolique.
Il s'en vendit, les premièressemaines, plus de 40 000 exemplaires et un prédicateur réputé de Londres fit même un sermon à son sujet.Outre les adaptations théâtrales, on compte près d'une trentaine d'adaptations cinématographiques de l'oeuvre deStevenson.
Les plus notables sont celles de John Robertson (1920) avec John Barrymore, de Rouben Mamoulian(1932) avec Fredric March et de Victor Fleming (1941) avec Spencer Tracy et Ingrid Bergman.
Chaque fois, lesscènes de transformation de Jekyll en Hyde ont donné l'occasion d'effets spéciaux très spectaculaires, dont lesecret est parfois encore gardé aujourd'hui.Le Français Jean Renoir a lui aussi adapté l'histoire de Stevenson, sous le titre Le Testament du Dr Cordelier (1959),avec Jean-Louis Barrault dans le rôle principal.En 1963, le comique Jerry Lewis réalise une parodie intitulée Dr Jerry et Mr Love (The nutty professor), dans laquelleune potion transforme un petit professeur timide et laid en séducteur cynique.
Citons aussi le curieux Dr Jekyll andSister Hyde (1971) de Roy Ward Baker, dans lequel sa drogue permet à Jekyll de changer de sexe...Enfin, l'histoire de Stevenson a aussi inspiré une assez belle chanson au compositeur Serge Gainsbourg..
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