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LE PERSONNAGE DE JULIEN SOREL DANS LE ROUGE ET LE NOIR DE STENDHAL

Publié le 14/03/2011

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stendhal

Il domine tout le livre.    Figure étrange, inquiétante, complexe à l'extrême, une des plus originales que l'art ait jamais évoquées devant vous.    Julien est un « plébéien altéré «. Joli garçon, de tournure élégante et distinguée, intelligent, pourvu de quelque instruction, mais aigri par la pauvreté et les mépris qu'elle lui attire, il souffre cruellement dans son orgueil. Quand son père lui parle d'entrer chez les Rénal, son premier mot est : « Avec qui mangerai-je ?« — et en s'entendant appeler « Monsieur « par Mme de Rénal, il a un tressaillement de joie. Il lui faut à tout prix sortir de la condition inférieure où il est né, tout son être crie vengeance. Ambitieux d'autant plus redoutable qu'il aime raisonner.

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« Dénouement bien bizarre et, en vérité, un peu plus faux qu'il n'est permis...

Tous les personnages perdent la tête.Vous vous rappelez la situation : Julien est devenu l'amant de Mlle de La Môle, et Mlle de La Môle est enceinte.

Cen'est pas tout : secrétaire favori de M.

de La Môle, Julien a été fait confident, complice et ministre d'uneconspiration politique...

Tant y a que Julien est absolument maître de la situation ; il tient toutes les avenues.

M.

deLa Môle, faible du reste, très sensible aux cajoleries de sa fille, n'a pas autre chose à faire que de se résigner à avoirJulien pour gendre.

Et l'on voit en effet qu'il s'y résigne peu à peu, qu'il pourvoit Julien d'une manière de titre denoblesse et d'un brevet d'officier; il s'achemine. Tout à coup il arrive quelque chose qui met tous ces gens-là dans un état extraordinaire.

Une femme mariée écritque Julien a été autrefois son amant.

Dès lors, tout est rompu, tout croule, tout est désespéré.

M110 de La Môleécrit : « Tout est perdu ! » M.

de La Môle ne veut plus rien entendre, ni se résigner à rien; il retire tout ce qu'il adonné; il devient implacable.

Julien, l'impeccable ambitieux, l'homme de sang-froid effrayant et de volontéimperturbable, est le plus insensé de tous.

Il n'a qu'à attendre.

Quelque bizarre effet qu'ait produit sur M.

de La Môlela lettre de Mme de Rénal, il faudra bien que M.

de La Môle revienne au sang-froid et se retrouve devant lesnécessités de la situation.

Julien n'a qu'à attendre.

Il n'attend pas.

Il court à Mme de Rénal et lui tire un coup depistolet. Faguet a-t-il raison de se moquer ? Avec un psychologue tel que Stendhal, il est prudent de ne pas juger trop vite.Il n'est pas de ceux qu'on peut traiter, comme on dit, par-dessous la jambe. Julien échoue, Julien meurt sur l'échafaud, cela est vrai, tandis que l'autre grand ambitieux de la même époque, leRastignac de la Comédie humaine, deviendra le roi des salons parisiens.

Rastignac sera millionnaire, il sera ministre. Rien de plus logique, quoique puisse dire Faguet. Rastignac est une de ces âmes qu'on déchiffre du premier coup d'œil; âme médiocre, âme vulgaire, que Paris aséduite et viciée.

Après quelques mois de séjour à la pension Vauquier, quelques visites à Mmes de Restaud et deNucingen, quelques entretiens avec le cynique Vautrin, il a jeté sa gourme d'innocence et n'est plus qu'une force quiva droit au but.

L'amour même n'est à ses yeux qu'un moyen de faire fortune, et une femme ne compte pour luiqu'autant qu'elle peut le mener à ses fins.

Aucun désaccord en lui, aucune lutte; il n'a pas plus de cœur que deconscience; il n'a que des appétits.

Il saura les satisfaire. Combien Julien est plus compliqué ! On n'est pas pour rien l'enfant de Stendhal. Il a de l'énergie, c'est entendu; mais autant ou plus de sensibilité, une sensibilité vive, frémissante, uneimpressionnabilité, une nervosité maladive.

Ne faut-il pas qu'il soit un peu un malade, pour qu'en pénétrant auséminaire la morne tristesse de l'édifice, l'impression de silence, de froid, de solitude, d'emprisonnement, suffise àl'abattre sans connaissance aux pieds du directeur ? Quelques mois plus tard, il aperçoit soudain dans la cathédralela silhouette de Mme de Rénal; il est une seconde fois sur le point de défaillir.

Il a de la volonté, on ne peut le nier, ilcache ses larmes; mais un rien les fait remonter à ses paupières, et c'est assez d'une chanson brutalementinterrompue par un geôlier pour l'émouvoir jusqu'au fond de l'âme.

Il a du sang-froid, il ne cesse de comprimer soncœur; mais ce cœur, un rien le fait battre; que l'abbé Pirard lui parle avec bonté, et il sent qu'il est à lui pour la vie.Parce qu'il se contraint à jouer le rôle d'un hypocrite, parce qu'il se dégrade à feindre constamment, le croyez-vousfermé au sentiment de l'honneur ? L'honneur, on ne peut sans doute en avoir une conception plus fausse que lasienne, mais on ne peut non plus en être plus soucieux, et c'est à ce qu'il croit son honneur, son devoir, qu'il sacrifietout.

Telle est sa fierté qu'il voit des offenses là même où il n'y en a pas l'ombre, et quand, à son arrivée chez lesRénal, la mère de ses élèves veut lui donner quelques pièces d'or pour s'acheter un peu de linge, il se cabre. Avec cela, une vie cérébrale très intense; le goût de l'analyse, de la méditation, de l'enquête psychologique.

Ils'attarde à disséquer les âmes, la sienne comme celle du voisin; il promène autour de lui je ne sais quelle curiositéinsatiable et perverse.

Il connaît et goûte tous les subtils tourments de l'âme moderne ; il excelle à aigrir sessouffrances et à empoisonner ses joies en les analysant sans cesse.

Amoureux, il s'efforce de lire au plus profond decelle qu'il aime ; l'Octave de la Confession d'un enfant du siècle ne sera pas plus inquiet, plus torturé en observantsa maîtresse qu'il ne l'est auprès de la déconcertante Mathilde ou parfois même de l'ingénue Mme de Rénal.

Et lesmystères de l'âme féminine ne sont pas les seuls qui enfièvrent sa pensée; il s'attaque à d'autres problèmes, à ceuxde notre destinée aussi bien qu'à ceux de la vie sociale : « Ah ! s'il y avait une vraie religion !...

Une moucheéphémère naît à neuf heures du matin dans les grands jours d'été pour mourir à cinq heures du soir; commentcomprendrait-elle le mot nuit ?...

» Est-ce donc un penseur ? Sans doute, et aussi un dilettante.

Il risque de se perdre pour goûter une brèvejouissance d'orgueil, et dût-il se faire chasser ignominieusement, il saisit la main de Mme de Rénal, d'une femme qu'àce moment il déteste, à seule fin de pouvoir se dire ensuite : « J'ai su oser.

» Il se plaît à éprouver sa force, à fairedes exercices de volonté, des expériences sur soi-même ou sur autrui; ces jeux cruels sont même le plus raffiné deses plaisirs, et en constatant que Mme de Rénal se prend au piège, il se dit ironiquement : « Ma petite intrigue avecla maîtresse du logis va me distraire un moment.

» Et tout d'abord il ne raisonne pas autrement avec Mathilde. Qu'il se connaît mal, quoiqu'il s'inspecte et s'interroge sans cesse.

Dans un cas comme dans l'autre il se prend à sonjeu; le voilà tour à tour épris de Mme de Rénal et de Mathilde, éperdument, follement épris.

Car il est un amant, unamant aussi passionné, aussi désintéressé qu'un Desgrieux, un Saint-Preux ou un Werther.

Lorsqu'il aime, il ne vit. »

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