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Le pays. Charles-Ferdinand Ramuz, Le Petit Village.

Publié le 23/02/2011

Extrait du document

C'est un petit pays qui se cache parmi ses bois et ses collines ; il est paisible, il va sa vie sans se presser sous ses noyers ; il a de beaux vergers et de beaux champs de blé, des champs de trèfle et de luzerne, roses et jaunes dans les prés, par grands carrés mal arrangés ; il monte vers les bois, il s'abandonne aux pentes vers les vallons étroits où coulent des ruisseaux et, la nuit, leurs musiques d'eau semblent agrandir encore le silence. Son ciel est dans les yeux de ses femmes, la voix des fontaines dans leur voix ; on garde de sa terre aux gros souliers qu'on a pour s'en aller dans la campagne ; on s'égare aux sentiers qui ne vont nulle part et d'où le lac parait, la montagne, les neiges et le miroitement des vagues ; et, quand on s'en revient, le village est blotti autour de son église, parmi l'espace sombre où hésite et retombe la cloche inquiète du couvre-feu.

Charles-Ferdinand Ramuz, Le Petit Village.

De ce poème de l'écrivain suisse C.-F. RAMUZ vous ferez un commentaire composé en montrant son amour du pays, la naïveté poétique des images, la conception que RAMUZ a de la nature.

« de «beaux» et de «on», dans la même phrase, accentue ce caractère.

L'auteur veut sans doute marquer laspontanéité du sentiment qui l'attache à la région.

En outre, il semble, par ce parler direct, redevenir paysan.Les effets de sonorité.

Ils contribuent à créer une atmosphère poétique.

Noter les allitérations en «s» dans lequatrième vers, en «v» dans le troisième.Remarquons la rime en « i/ie » dans les troisième et premier vers, rappelée dans les vers par «petit», «qui», «il» deuxfois, et «paisible» auxquels il faut ajouter l'assonance «collines».

Du quatrième au huitième vers : les rimesdominantes sont en « é » avec la rime interne, à la césure, «vergers» et au quatrième pied du huitième vers de «carrés ».

Cette régularité est rompue par le son «è» de «luzerne» assonant pourtant avec «trèfle» à l'intérieur duvers.Aux vers suivants « pentes » fait assonance avec « silence », tandis que «eau» rime avec «ruisseau» (rappelonsque l'assonance est la répétition, à la fin de deux vers, de la même voyelle, alors que les consonnes diffèrent).Dans les vers suivants nous trouvons des assonances en « a » : le verbe «avoir», «campagne», «part, vague».Cette voyelle se retrouve à l'intérieur des vers : «garde», «sa terre», «s'égare», «le lac paraît» et surtout avec «lamontagne» qui rappelle «la campagne ».

Une certaine harmonie se dégage de la répétition de ces sons; le soucid'évoquer une «musique poétique» explique sans doute la place de « on a », à la rime, et fortement accentué.

Enfinle texte se termine par la reprise des assonances en « i » et l'intrusion de deux sons «nouveaux».

Encore qu'il faillenoter l'emploi de l'assonance intérieure, à la césure, «sombre/retombe».

Cette étude, assez longue, prouve que si levocabulaire est relativement simple, le jeu des sonorités obéit au contraire à des techniques subtiles.

Le rythme des phrases.

Remarquons tout d'abord une certaine variété dans l'emploi des vers : alexandrins (12pieds), hexamètres (6 pieds), octosyllabes (8 pieds), décasyllabes (10 pieds) et même vers de neuf pieds « la voixdes fontaines...

» (Ne pas oublier pour compter les pieds, que le «e» muet à la rime ne compte pas.)Mais cette variété est compensée par la régularité de l'ensemble.

Les alexandrins ont, de façon classique, leurcoupe au sixième pied.

L'équilibre se retrouve dans les octosyllabes partagés, en général, en 4 H- 4 :« sans se presser/sous ses noyers » 4 - 4La répartition des accents est souvent régulière : « vers les vallons étroits/où coulent des ruisseaux » :4 -2 - 2 - 4Cette disposition correspond d'ailleurs à un parallélisme de la syntaxe : « il monte vers les bois, / il s'abandonne aux pentes »groupe verbal complément de lieu / groupe verbal + complément de lieu ou distribution des compléments d'objets de part et d'autre del'hémistiche :« il a de beaux vergers / et de beaux champs de blé » complément complémentPourtant différents procédés viennent rompre cette monotonie.

Les rejets : au premier vers « parmi » ; la phrasedoit être lue : « C'est un petit village / qui se cache parmi .

6 4 + 2ses bois et ses collines » 2 +4Dans les quatre derniers vers de la première strophe, nous avions noté la régularité du vers «il monte...» Pourtant lecomplément de lieu «vers les vallons étroits» prolonge le vers (puisque ce complément rappelle « vers les bois ») quise poursuit par la relative.

La structure correspond alors au sens, à l'écoulement de l'eau.

Mais la phrase n'est pasterminée, elle semble rebondir avec la conjonction « et » ; avec un rythme croissant («et, la nuit, leurs musiquesd'eau») elle s'élargit dansle décasyllabe suivant.

Là encore, le rythme correspond au sens, au mystère du silence. Ce procédé est réemployé et développé dans la deuxième strophe avec les rejets («on a..., les neiges, blotti autour,retombe la cloche»), l'emploi du «et» qui relance la phrase et donne un rythme plus chaotique à l'ensemble.

L'auteurveut sans doute traduire, par là, les découvertes successives du promeneur, son étonnement devant la beauté dece paysage connu et pourtant toujours nouveau (voir l'emploi de «paraît» : comme un songe, un mirage).

L'auteurprocède ainsi par ajouts (exemple, les cinquième, sixième, septième et huitième vers).

Ils sont le signe d'unevolonté, un peu naïve il est vrai, de tout dire, de tout décrire.

Le troisième thème invite à rechercher la conception de la nature qui se dégage d'un tel poème.

La réflexion doitdonc être plus générale, mais il ne faut pas négliger de citer encore le texte.La plus grande idée à développer est l'accord entre l'homme et la nature : le vers «il s'abandonne aux pentes»suggère la confiance.

L'emploi de «ses bois», «ses collines», «ses noyers», mouvement d'extension (« il monte versles bois...

vers les vallons étroits ») souligne la même idée.Mais rien d'agressif, de dominateur dans cette expansion.

La nature sauvage existe d'ailleurs «le lac», «lamontagne», «les neiges» qui échappent à la domination humaine.

Il faut donc penser que ces marques depossession traduisent plutôt les liens très forts qui unissent nature et village; ils témoignent de l'affection, del'amour que chacun porte à la nature.

Plus évidente encore est la fusion de l'homme et de la nature au début de ladeuxième strophe.

C'est le pays qui imprime alors sa marque aux villageois.Enfin une nuance d'inquiétude perce dans les derniers vers, atténuée, il est vrai, par la musicalité de l'élision du « e» muet («sombre où hésite et retombe»).

D'ailleurs le village se blottit alors autour de son église, comme pour seprotéger de quelque mystérieuse menace.

De même les sentiers «ne vont nulle part».

L'inquiétude peut naître.

Dansce poème elle est sous-jacente et discrète.

Ramuz développera, dans ses œuvres ultérieures, ce sens du mystère.. »

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