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Le narrateur et le récit - Thérèse Raquin de Zola

Publié le 14/03/2020

Extrait du document

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peu, et toujours à propos de personnages secondaires. Par exemple à propos des Parisiens empruntant le passage du Pont-Neuf :

« On y voit des apprentis en tablier de travail, des ouvrières reportant leur ouvrage, des hommes et des femmes tenant des paquets sous leur bras ; on y voit encore des vieillards se traînant dans le crépuscule morne qui tombe des vitres, et des bandes de petits enfants qui viennent là, pour faire du tapage en courant, en tapant à coups de sabots sur les dalles » (p. 32).

On ne saura jamais quelles sont les pensées, les souffrances, les préoccupations ou les espoirs de ces gens. Leur conscience demeure opaque. Tout comme on ignore ce que peut ressentir l’agent qui dresse le procès-verbal sur la mort de Camille (p. 119) ; ou cette visiteuse de la morgue qui fascine tant Laurent parce qu’elle contemple fixement « le corps d’un grand gaillard, d’un maçon qui venait de se tuer net en tombant d’un échafaudage; il avait une poitrine carrée, des muscles gros et courts, une chair blanche et grasse; la mort en avait fait un marbre » (p. 128). La « dame » est-elle sensible à la beauté de cet étrange spectacle? Dissimule-t-elle son désespoir?

La focalisation interne

Elle est utilisée quand la narration, ou du moins une partie de celle-ci, est envisagée du point de vue d’un personnage. C’est par son regard que Ici réalité est appréhendée. La description physique de Laurent s’effectue ainsi à travers les yeux de Thérèse : « Elle arrêta un instant ses regards sur son cou ; ce cou était large et court, gras et puissant » (p. 58). Il en va de même des invités du jeudi soir : « [...] parfois des hallucinations la prenaient, elle se croyait enfouie au fond d’un caveau, en compagnie de cadavres mécaniques, remuant la tête, agitant les jambes et les bras » (p. 55-56).

La focalisation interne se prête parfaitement au récit des hallucinations. L’effet produit sur le lecteur est immédiat. Celui-ci adhère d’autant mieux aux réactions du personnage qu’il lui semble les vivre avec lui. C’est ainsi le cas des nuits de terreur que vit Laurent :

« [...] ce fût Camille qui lui ouvrit, Camille tel qu’il l’avait vu à la Morgue, verdâtre, atrocement défiguré. Le cadavre lui tendant les

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« trouvait une boutique dont les boiseries d'un vert bouteille suaient l'humidité par toutes leurs fentes » (p.

33)? Or il est bien évident que l'existence même de la mercerie de Mme Raquin tout comme son implantation dans le passage du Pont-Neuf relève de l'invention la plus complète.

Mais le lecteur qui ne s'inter­ roge pas sur les conditions de l'énonciation ne s'en aperçoit pas.

Il lit le roman comme si tout était vrai.

Prenons encore le cas de la dernière phrase du livre : « Et, pendant près de douze heures, jusqu'au lendemain midi, Mme Raquin, roide et muette, les contempla [Thérèse et Laurent] à ses pieds, ne pouvant se rassasier les yeux, les écrasant de regards lourds » (p.

301).

Mme Raquin, personnage imaginaire, paralysée et ne pouvant plus écrire, n'a assurément pas apporté là son témoignage.

Le nar­ rateur se dissimule derrière elle.

Cette volonté de vérité s'inscrit parfaitement dans le projet natu­ raliste : décrire le réel tel qu'il est et l'expliquer1.

Il y a adéquation entre les buts poursuivis et la technique narrative.

1 Les interventions discrètes du narrateur Si dissimulé soit-il, le narrateur ne peut toutefois faire oublier sa présence à un lecteur attentif.

Celle-ci se manifeste de trois façons.

Il s'agit d'abord des commentaires explicatifs que comporte le récit.

Par exemple : « Mme Raquin retrouva à Paris un de ses vieux amis, le commissaire de police Michaud, qui avait exercé à Vernon pendant vingt ans, logé dans la même maison que la mercière » (p.

53).

Si le récit n'était pas une pure fiction, les informations que renferme cette phrase n'auraient pas lieu d'être.

Elles ne prennent sens que pour le lecteur, que le narrateur renseigne ainsi au passage.

Mais son intervention reste fort discrète, dans la mesure où elle se fond dans la fiction.

Parfois l'intervention est plus sensible parce qu'elle instaure une certaine distance entre le narrateur et sa narration, comme s'il 1.

Cf.

p.

63 à 66.

PROBLÉMATIQUES ESSENTIELLES 71. »

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