► Le narrateur du Temps retrouvé croise une femme qu’il a aimée dans sa jeunesse et pour laquelle il conserve une vive affection. Il perçoit, sous ses traits vieillissants, les traces de sa beauté d’autrefois. En vous inspirant de l’extrait proposé, vous imaginerez la description qu’il pourrait en faire.
Publié le 09/09/2018
Extrait du document
Le Temps retrouvé est le dernier tome d’À la recherche du temps perdu, vaste fresque dans laquelle l'auteur transpose l’expérience de sa vie. Retiré du monde depuis plusieurs années, le narrateur se rend à une soirée mondaine lors de laquelle il croise d’anciennes connaissances « métamorphosées » par la vieillesse.
Le vieux duc de Guermantes ne sortait plus, car il passait ses journées et ses soirées avec elle! Mais aujourd’hui, il vint un instant pour la voir, malgré l’ennui de rencontrer sa femme. Je ne l’avais pas aperçu et je ne l’eusse sans doute pas reconnu, si on ne me l’avait clairement désigné. Il n’était plus qu’une ruine, mais superbe, et moins encore qu’une ruine, cette belle chose romantique que peut être un rocher dans la tempête. Fouettée de toutes parts par les vagues de souffrance, de colère de souffrir, d’avancée montante de la mort qui la circonvenaient2, sa figure, effritée comme un bloc, gardait le style, la cambrure que j’avais toujours admirés ; elle était rongée comme une de ces belles têtes antiques3 trop abîmées mais dont nous sommes trop heureux d’orner un cabinet de travail. Elle paraissait seulement appartenir à une époque plus ancienne qu’autrefois, non seulement à cause de ce qu’elle avait pris de rude et de rompu dans sa matière jadis plus brillante, mais parce qu’à l’expression de finesse et d’enjouement avait succédé une involontaire, une inconsciente expression, bâtie par la maladie, de lutte contre la mort, de résistance, de difficulté à vivre. Les artères ayant perdu toute souplesse avaient donné au visage jadis épanoui une dureté sculpturale. Et sans que le duc s’en doutât, il découvrait des aspects de nuque, de joue, de front, où l’être, comme obligé de se raccrocher avec acharnement à chaque minute, semblait bousculé dans une tragique rafale, pendant que les mèches blanches de sa magnifique chevelure moins épaisse venaient souffleter de leur écume le promontoire envahi du visage. Et comme ces reflets étranges, uniques, que seule l’approche de la tempête où tout va sombrer donne aux roches qui avaient été jusque-là d’une autre couleur, je compris que le gris plombé des joues raides et usées, le gris presque blanc et moutonnant des mèches soulevées, la faible lumière encore départie aux yeux qui voyaient à peine, étaient des teintes non pas irréelles, trop réelles au contraire, mais fantastiques, et empruntées à la palette, à l’éclairage, inimitable dans ses noirceurs effrayantes et prophétiques, de la vieillesse, de la proximité de la mort.
Marcel Proust, Le Temps retrouvé, 1927.
l. Il s’agit d’Odette, sa maîtresse. 2. Agir sur quelqu’un avec ruse, pour parvenir à ses fins.
3. Sculptures de la tête.
Voici le devoir d’un élève qui a composé en temps limité.
Je me rendais chez Mme de Favières, lorsque, sur le boulevard Saint-Germain, je croisai une femme qui ne me sembla pas inconnue... J'allais la dépasser, l’esprit ailleurs, lorsque quelque chose dans son aspect, sa démarche sans doute, rappela à moi le visage et l’allure d’une femme qu’il me semblait avoir connue autrefois..., à vingt ans. Sans cela, peut-être n’aurais-je rien remarqué et aurais-je continué ma route... Cette vague impression m’arrêta et, en la dévisageant discrètement, je reconnus, du fond de ma mémoire, Mme de Beaumont. .. - Violette de Beaumont. .. - que je revoyais pour la première fois depuis tant d’années... Elle m’apparut vieillie, sensiblement différente de la jeune femme dont j’étais alors tombé amoureux au premier regard.
«
r.
n vous inspirant de l'extrait proposé ,
-v ous impose : le statut du narrateur: il se situe dans l'histoire, c'est
un narrate ur-personnage (il emploie le " je ,) ; le point de vue ou
fo calisation : il s'a git d'un point de vue interne ;
-v ous indique que vous pouvez reprendre quelques procédés d'écri
ture de Proust et peut même vous mettre sur la voie du pasti che.
Définition
Extrait de roman (genr e) qui raconte (type de texte) une rencontre
(th ème) et décrit (type de texte) une femme vieillie mais encore belle
(th ème) , ? (registre) , à la manièr e de Proust, pour rendre compte de
son vieillissement et des sentiments du narrate ur pour elle (buts) .
Pour réussir l'écriture d'invention : voir guide méthod ologique.
Le roman : voir lexique des notions.
Le statut du narrateur, le point de vue : voir lexique des notions.
• Chercher des idées
La consigne vous impose des contraintes ; vous avez néanmoins des
choix à faire.
En premier lieu, choisissez un nom pour cette " femme ,
(éve ntuellement un titre de noble sse; cf.
" duc de Guer mantes ").
Le fond
• L'aspect narratif
Deux moments sont mentionnés : la rencontre, la jeunesse.
- Les circonstances de la rencontre : lieu et époque sont laissés à
votre choix.
Vous pouvez reprendre ceux du texte de Proust (une soirée
mondaine ) ou en imaginer d'autres, mais compatibles avec la vie du
narrate ur (vo ir le paratexte : '' retiré du monde ...
").
- « sa jeunesse » : le narra teur pourra faire des retours en arrière sur
son passé et sa liaison avec la " femme qu'il a aimée , -+ détails auto
biographiques, mais limités (ce n'est pas l'essentiel).
• Le portrait, la description : c'est l'essentiel du texte.
- Le portrait est en fait double : celui de la " beauté d'autrefois , et
celui de la femme aux " traits vieillissants "·
Mais les deux doiven t se répondr e et se superposer : le narrate ur doit
mesurer le vieillissement et les changements (il y aura donc des diffé
rences, des détails en contraste, mais aussi établir des liens (« traces ")
entre ces deux portraits (le narrate ur retro uve des traits de jeune sse)..
»
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