Le monologue de figaro -Acte V scène 3 (commentaire)
Publié le 07/10/2018
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-Toutefois, ce passage s’ éloigne, au fil du monologue, du ton tragique pour nous transporter vers la tragi-comédie et le picaresque . Ces deux notions font écho à l’ atmosphère des romans et du théâtre espagnol de l’ époque, ce qui est en accord avec la pièce elle - même, dont l’ action se situe en Espagne. Le « picaro » espagnol, héros des récits dits « picaresques » est un marginal dont la vie itinérante et chaotique est faite d’ aventures un peu louches. C’ est exactement le cas de figaro . Sa naissance est plus qu’ obscure, elle est énigmatique : « Fils de je ne sais qui ». En fait c’ est inexact : il a appris au troisième acte qu’il était le fils abandonné de Marceline et Bartolo : voilà qui trahit
peut être encore la confusion dans laquelle son esprit est plongé. Mais l’ important, ici, est qu’ il est voué , par son destin , à la marginalité : malgré ses dons intellectuels et son talent littéraire, ni les carrières honnêtes de médecin, par ex , ni le succès mondain, - du théâtre- ne lui sont accessibles. Toujours pénalisé par ses origines douteuses , il ne peut qu’ attrister les bêtes malades.
Beaumarchais nous fait ici un clin d’ œil : ses propres déboires ont servi de modèle à ceux de figaro .
II) Une critique sociale et politique
Figaro règle ses comptes ave une société injuste qui l’ a toujours malmené.
1) Une société qui favorise les « gens bien nés »
-Figaro se sent dupé par son maître, ce qui augmente bien sûr son ressentiment. Il peste contre « le perfide » et se reproche d’ avoir été « un benêt ». En fait il se sent impuissant devant le comte : lorsqu’il répète « vous ne l’ aurez pas .vous ne l’ aurez pas » , en parlant de Suzanne, cette répétition trahit l’ aveu de faiblesse . Il ne peut rien contre la volonté souveraine du maître , et n’ a que la parole pour se donner l’ illusion du pouvoir.
-Dans la diatribe qui suit , Figaro s’ en prend en bloc aux privilèges de la naissance. Il oppose le statut social du Comte au génie individuel qu’ il estime posséder, lui , un homme du peuple, qui n’ a que son seul mérite pour obtenir ce qu’ il veut dans la vie. Le
contraste est exagéré, et involontairement comique. Figaro , emporté par l’ indignation , s’ attribue des mérites presque surhumains : « plus de science et de calcul.qu’ on en mis depuis cent ans à gouverner toutes les Espagnes ». Il n’ est pas anodin que le valet utilise une comparaison politique : Figaro vient rejoindre le Comte sur son terrain pour affirmer ses compétences . On mesure , en lisant ces lignes, tout le pouvoir contestataire de la pièce : sous l’ Ancien Régime on attribuait à la caste nobiliaire une disposition innée, un « génie » au sens propre, pour le gouvernement des peules. C’ est ce qui justifiait ces « biens » dont jouissait cette classe sociale : « Noblesse, fortune, un rang, des places » Il s’ exprime à travers une énumération qui fait la somme des nombreux privilèges injustes et immérités des nobles , du Comte, et qui s’ oppose à Figaro « perdu dans la foule obscure » .
Il se fait ici le porte parole du « Tiers-Etat »qui revendique les compétences réservées aux nobles qui se sont seulement « donnés la peine de naître ». Il y a même en dernier lieu l’ amorce d’ une défi : « et si vous voulez jouter ». certes, tout ceci reste au niveau des paroles, et non des castes : le comte n’ est même pas là pour l’ entendre. Mais le valet met le maître au défi de « jouter », c’ est - à - dire de se mesurer , avec lui .
-C’ est un société qui ne sait pas reconnaître les mérites puisque
, ayant étudié la médecine , on ne lui donne que la possibilité d’ exercer en tant que vétérinaire( métier qui était loin d’ avoir la considération qu’ il a aujourd’hui ) : « j’ apprends la chimie , la pharmacie, la chirurgie et tout le crédit
«
2)Un figaro désabusé mais non désespéré
Figaro manifeste ici des sentiments qui tranchent avec le ton de « franche gaieté »
qui caractérise la pièce .
-Il est jaloux.
Lui qui dans les actes précédents trouvait ce sentiment « stupide », est pris d’ un délire de jalousie.
Si la femme l’ a trompé c’ est parce que LA femme est irrésistiblement portée à la perfidie et au mensonge.
L’
extrait commence presque sur un ton tragique : la figure de l’ apostrophe(« Ö femme ») appartient plutôt au style
noble de la tragédie ou des grands discours moraux et philosophiques , tels ceux de Rousseau.
Le triple répétition
du mot « femme » renforce cet effet oratoire de pathétique .
On peut être frappé par la misogynie de cette phrase
qui inspire ces phrases : d’ une part , l’individualité de chaque femme se noie dans une commune « nature
féminine »jugée négativement.
D’ autre part cette nature est définie à l’ aide des mots « créature » et « animal ».
l’
expression « créature faible et décevante » évoque le style des traités religieux, qui voient dans les filles d’ Eve
des créatures portées au péché.
Elles sont trop « faibles pour résister aux tentations , et elles s’ avèrent «
décevante » : cet adj doit peut être se comprendre ici dans le sens ancien de décevoir , c’ est –à –dire « tromper
», qu’ a conservé l’ anglais to deceive.
De même , le mot « animal » n’ a peut être que le sens ancien d’ « être
vivant » ; mais il faut tout de même noter que Figaro parle de son
« instinct », ce qui donne inévitablement au terme « d’ animal
» la valeur péjorative que nous lui prêterions aujourd’hui.
La femme est donc , selon Figaro, quelque peu inférieure
à l’ homme, qui , lui , est donc , selon la formule d’ Aristote « animal doué de raison ».
-Figaro , après avoir brossé ce portait peu flatteur de la femme en général , revient au cas particulier de Suzanne,
et se remémore le moment précis( correspondant à l’ acte IV scène 9)où Suzanne l’ a « trompé »en remettant au
comte un billet de rendez-vous.
Le désarroi de figaro se manifeste par la construction grammaticale fautive de cette
phrase commençant par « Après m’ avoir obstinément refusé » et se terminant par « au milieu même de ma
cérémonie ».
C’ est une phrase incomplète, sans proposition principale.
Figaro parle par à-coups : dominé par l’
émotion, il ne peut guère « organiser » son discours.
2) Un retour sur une vie ratée
-Dès qu’ il se calme un peu , après s’ être assis « sur un banc », Figaro se penche mélancoliquement sur son
passé.
On peut suivre son cheminement psychologique : le présent , sombre et sans espoir s’ explique à la lumière
du passé marqué , lui , par l ‘infortune et l’ injustice du sort.
Là encore , pendant un bref instant, comme au début
du monologue, c’ est le ton de la tragédie qui perce sous la vivacité du discours : « Est-il rien de plus bizarre que
ma destinée ? » Encore une fois ce genre de phrase est à comprendre au second
degré , puisque nous anticipons une fin heureuse, chose impossible dans la tragédie.Mais il faut noter que la
notion de « destinée » appartient à l’univers tragique.
Comme figaro dans cette scène , les personnages de la
tragédie ont le sentiment qu’ une force supérieure et implacable –La destinée des Anciens-s’ acharne sur eux .Du
reste , à la fin du passage, Figaro estime qu’il aurait mieux fait de se « mettre un pierre autour du cou » c’ est – à –
dire de se suicider, par désespoir, en se noyant.
Plus loin dans la même tirade, il reviendra sur cette tentation du
suicide : « pour le coup , je quittai le monde, et vingt brasses d’ eau m’ en allaient séparer… »lit -on dans la suite de
cet extrait ..
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