Le merveilleux - Histoire de la littérature
Publié le 25/01/2018
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Le merveilleux
Boileau condamnait le merveilleux chrétien et réduisait le merveilleux païen à de gracieuses allégories; mais le merveilleux occupait une grande place dans l'esprit d'un public qui lisait Le Tasse et l'Arioste, qui connaissait plus ou moins bien les tableaux des Italiens de la Renaissance et de Poussin et qui allait à l'Opéra. Le genre romanesque, tendant de plus en plus à la prose et au réalisme, avait depuis longtemps oublié le merveilleux mystique des romans de chevalerie et même le fantastique de Rabelais, quand un caprice de la mode fit naître une floraison de contes de fées. Il y en avait un (l'histoire du prince Adolphe et de la princesse Félicité) dans Hypolite, comte de Duglas, en 1690; deux dans Inès de
Cordoue, en 1696 (Le prince rosier et Riquet à la Houppe); vinrent ensuite les recueils de Perrault (1697), de Mme d'Aulnoy (1697), de Mlle de la Force (1697), du chevalier de Mailly (1698), de Préchac (1698), de Mme d'Auneuil (1702), etc. Mme d'Aulnoy, en rappelant, au cours du conte inséré dans Hypolite, comte de Duglas, Psyché emportée dans les airs par Zéphire et Renaud retenu par les enchantements d' Armide, indiquait l'origine littéraire de ces récits '; ils avaient aussi une origine populaire, marquée par Perrault dans ses préfaces 8 : le conte de Peau d' Ane, disait-il, (c est conté tous les jours à des enfants par leurs gouvernantes et par leurs grand'mères >>, ou encore : (c ces contes donnent une image de ce qui se passe dans les moindres ( = les plus humbles) familles, où la louable impatience d'instruire les enfants fait imaginer des histoires dépourvues de raison >>. Les contes de Perrault sont loin de manquer de raison : la fantaisie y est d'un dessin net et rapide, elle ne s'écarte pas de la logique, l'imaginaire y est aussi simple et familier que le réel, lui-même noté dans ses détails les plus savoureux. Seule l'enfance peut frémir aux contes de Perrault et voir en eux quelque chose de magique : les adultes y trouveront une allusion légère, à peine déguisée, cruelle, tendre et ironique, à la société et aux mœurs en France à la fin du xvne siècle. Même si le dépaysement de l'imagination est plus grand dans certains contes de Mme d'Aulnoy, le conte de fées tel qu'on l'écrit à cette époque n'est pas l'ancêtre du roman fantastique; il faut le considérer comme une source du conte philosophique du siècle suivant. On le voit bien par les contes de Catherine Bernard; insérés dans Inès de Cordoue, ils n'ont pas à respecter les vraisemblances qui s'imposent au roman proprement dit; ils permettent à l'auteur d'imaginer en toute liberté des curiosités psychologiques comme on recommençait à les aimer de son temps : une jeune fille devient amoureuse d'un rosier, une femme ne sait plus distinguer son amant de son mari; pour un esprit sceptique et triste comme le sien, le conte permet la parodie des beaux sentiments, l'ironie satirique, sans que le romanesque en souffre; son pessimisme peut aller jusqu'au nihilisme sous le couvert de la fantaisie, comme dans le dénouement du Prince rosier, dense et bref, où chaque trait porte et où l'amour des deux jeunes gens protégés des fées s'achève dans la jalousie et dans la haine.

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Cordoue, en 1696 (Le prince rosier et Riquet à la Houppe) ; vinrent ensuite les
recueils de Perrault (1697), de Mme d'Aulnoy (1697), de Mlle de la Force (1697),
du chevalier de Mailly (1698), de Préchac (1698), de Mme d'Auneuil (1702),
etc.
Mme d'Aulnoy, en rappelant, au cours du conte inséré dans Hypolite,
comte de Dugl as, Psyché emportée dans les airs par Zéphire et Renaud retenu
par les enchantements d' Armide, indiquait l'origine littéraire de ces récits 1;
ils avaient aussi une origine populaire, marquée par Perrault dans ses préfaces 2 :
le conte de Peau d' Ane, disait-il, >.
Les contes de Perrault sont loin de manquer
de raison : la fantaisie y est d'un dessin net et rapide, elle ne s'écarte pas
de la logique, l'imaginaire y est aussi simple et familier que le réel, lui-même
noté dans ses détails les plus savoureux.
Seule l'enfance peut frémir aux
contes de Perrault et voir en eux quelque chose de magique : les adultes y
trouveront une allusion légère, à peine déguisée, cruelle, tendre et ironique, à
la société et aux mœurs en France à la fin du xvne siècle.
Même si le dépaysement
de l'imagination est plus grand dans certains contes de Mme d'Aulnoy, le conte
de fées tel qu'on l'écrit à cette époque n'est pas l'ancêtre du roman fantastique;
il faut le considérer comme une source du conte philosophique du siècle
suivant.
On le voit bien par les contes de Catherine Bernard; insérés dans Inès de
Cordoue, ils n'ont pas à respecter les vraisemblances qui s'imposent au roman
proprement dit; ils permettent à l'auteur d'imaginer en toute liberté des curiosités
psychologiques comme on recommençait à les aimer de son temps : une jeune
fille devient amoureuse d'un rosier, une femme ne sait plus distinguer son amant
de son mari; pour un esprit sceptique et triste comme le sien, le conte permet
la parodie des beaux sentiments, l'ironie satirique, sans que le romanesque en
souffre; son pessimisme peut aller jusqu'au nihilisme sous le couvert de la fantaisie,
comme dans le dénouement du Prince rosier, dense et bref, où chaque trait porte
et où l'amour des deux jeunes gens protégés des fées s'achève dans la jalousie et
dans la haine.
Une variante du conte de fées apparut en 1702 avec les Mille et une Nuits
traduites par Galland; de nos jours, certains trouvent cette traduction bien pâle
auprès de celle du Dr Mardrus : elle devait pourtant sauver le conte de fées de la
sécheresse qui le menaçait en l'enrichissant de l'exotisme oriental, étrange, fabuleux,
sensuel.
Elle fut suivie en 1710 -1712 de la traduction des Mille et un jours, contes
persans, par Pétis de la Croix.
Alain a très bien vu ce qui allait sortir de cette
littérature :.
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