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Le meilleur des mondes d'Huxley: Une dénonciation du matérialisme et de l’économisme

Publié le 24/01/2020

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Car définir le bonheur comme la satisfaction de tous les besoins et désirs humains conduit à faire de l’économie (qui, précisément, produit ce dont l’homme a besoin) la condition essentielle dudit bonheur, donc la réalité sociale la plus importante qui soit. Or, en accordant à l’économie cette place prépondérante, on court un grand risque : celui d’oublier par une perversion du raisonnement comparable à celle qui caractérise la démarche utopique, qu’elle est un moyen et non une fin en soi. (Il s’agit d’une attitude que l’on désigne souvent aujourd’hui sous le vocable d’«économisme».)

UNE HUMANITÉ AU SERVICE DE L'ÉCONOMIE

Ainsi, à en croire le discours officiel de l’Etat Mondial, l’économie du Meilleur des Mondes aurait pour seul objectif de répondre aux besoins de la population. Or il suffit d’une lecture, même rapide, du texte pour se rendre compte que de tels propos ne correspondent guère à la réalité et tiennent surtout de la justification idéologique.

Or lesdites méthodes ont pour objectif de rationaliser entièrement le processus de production, et, pour cela, de spécialiser étroitement le rôle des ouvriers, l’intervention de chacun d’eux étant réduite à un petit nombre d’actes simples et soigneusement étudiés. Cette rationalisation du travail industriel conduit ainsi à ôter aux ouvriers toute forme d’initiative et de maîtrise de leur activité. Elle conduit parallèlement à rendre indésirables chez eux les qualités de compétence et de réflexion — considérées comme frustrantes pour des travailleurs 

« ~---- Le conditionnement qui pousse les sujets de l'État Mon­ dial à gaspiller, à consommer le plus possible, à vouloir posséder toujours davantage d'objets manu­ facturés, prouve une chose: c'est que ce monde n'est pas organisé pour que la production satisfasse de vrais besoins mais pour qu'une consommation exacerbée jus­ tifie un développement sans limites de la production.

Manifestement, le Meilleur des Mondes offre le tableau d'une société où la production constitue une sorte de finalité ultime: dans cette société, la «machine» (p.

60) économique, loin d'être au service des hommes, met ceux-ci à son service.

Nous avons vu au chapitre 2 comment cette société est conçue pour que les hommes satisfassent aux exigences de la production.

Il est inutile d'y revenir.

Mais il ne l'est pas en revanche de remarquer que, par rapport à ce cadre-là, le bonheur matérialiste du Meilleur des Mondes n'apparaît pas seulement comme un objectif, mais bien davantage comme une condition.

Pour que tourne parfaitement la «machine économique», il lui faut des «mécaniciens» sans trouble ni problème; il lui faut des gens qui ne se posent pas de questions, qui ne soient pas sujets à la passion, à l'angoisse.

«La machine tourne, tourne, et doit continuer à tourner, à jamais», dit Mustapha Menier, qui ajoute : «Il faut que les rouages tournent régulièrement, mais ils ne peuvent tourner sans qu'on en ait soin.

Il faut qu'il y ait des hommes pour les soigner, aussi constants que les rouages sur leurs axes, des hommes sains d'esprit, stables dans leur satisfaction.

Criant: «Mon bébé, - ma mère, - mon seul, mon unique amour»; gémissant: «Mon péché, mon Dieu terrible»; hurlant de douleur, marmottant de fièvre, geignant sur la vieillesse et la pauvreté, comment peuvent-ils soigner les rouages?» (p.

60-61 ).

La métaphore mécanique de Menier a le mérite de la plus grande clarté.

Pour l' Administrateur, les hommes sont les servants de la machine économique; les qualités qu'on leur demande sont celles mêmes d'une machine, régularité, stabilité, fiabilité; et pour créer en eux lesdites qualités, on leur procure un bonheur matériel total, synonyme à bien des égards d'abrutissement.

Ainsi, la vision matérialiste du bonheur entraîne la sacralisation de l'économie, laquelle justifie à son tour une. »

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