« Le meilleur de l'homme, disait Goethe, c'est l'inquiétude. » L'inquiétude est-elle pour l'artiste et l'écrivain une source d'inspiration ? Pour répondre à la question, vous ne manquerez pas de prendre appui sur quelques exemples précis.
Publié le 08/03/2011
Extrait du document
Le sujet ne se borne pas au domaine restreint de la littérature. La question vous est posée relativement à l'artiste en général, mais une connaissance solide des œuvres littéraires de divers genres et de diverses époques devrait suffire à argumenter votre développement d'exemples adéquats et précis. De plus, il relève davantage de votre compétence de connaître la genèse des œuvres littéraires que celle des œuvres picturales par exemple. Vos exemples doivent appuyer vos arguments et non constituer la matière unique de votre développement (danger de ce genre de sujets)... ... car on attend de vous de répondre à une question précise. La meilleure solution consisterait sans doute à situer et à poser le problème dans l'introduction à le débattre dans le développement sous la forme d'un raisonnement dialectique pour aboutir graduellement à une réponse que votre conclusion doit pouvoir reprendre et éventuellement élargir.
«
Pour les œuvres littéraires, telles que la poésie ou le roman, la réponse ne peut être aussi catégorique.
2.
Le moi face au monde.
De très nombreuses œuvres littéraires, sinon la plupart, rendent compte de l'inquiétude, voire de l'angoisse qui saisitle « moi » dans son incapacité à se définir, face au monde qui l'entoure.
Le cas de Rousseau reste tout à fait particulier: la rédaction des Confessions ne prend son essor que lorsqueRousseau, se sentant acculé de toutes parts, ressent le terrible besoin de se justifier aux yeux de tous et de Dieu :Les Confessions en effet débutent ainsi : « Que la trompette du jugement dernier sonne quand elle voudra, jeviendrai ce livre à la main me présenter devant le souverain juge ».
Mais c'est la période romantique qui plus particulièrement a révélé ces âmes tourmentées, perpétuellementinquiètes, que Musset, en proie au « Mal du Siècle » (à l'impossibilité de croire à une foi religieuse ou à quelquenoble idéal), incarne de manière exemplaire.
D'une façon générale, l'homme romantique, complexé, révolté, en proie à un déséquilibre constant, et donc à unerecherche de son moi originel, a compris que seuls l'art et la littérature peuvent le sauver.
C'est ainsi, bien que plustard dans l'histoire littéraire, que Verlaine transcrira en poème son inquiétude :
« Je ne sais pourquoi Mon esprit amer
D'une aile inquiète et folle vole sur la mer» (Sagesse, III, 7).
et Baudelaire son angoisse:
« Et l'Angoisse, atroce, despotique
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir » (« Spleen »).
comme si l'œuvre d'art (le poème ici) devenait unmoyen de démythifier une réalité trop horrible ou trop difficile à assumer (d'où peut-être l'importance des thèmes duvoyage, de l'exotisme, pendant cette même période littéraire qui témoignent par ailleurs d'un besoin d'évasion et derêve).
3.
L'artiste et le contexte historique, social, politique.
• Si la littérature romantique incarne le besoin de transcender une inquiétude personnelle, elle se révèle encore dansle besoin de dénoncer une inquiétude collective.
Les œuvres de Lamartine, Hugo, Vigny se veulent volontiers «socialisantes ».
Chez Vigny perce constamment une méditation sur la condition humaine.
De la « Nuit de Mai » à la «Nuit d'Octobre », l'auteur dévoile le rôle de la souffrance dans la vie et dans la création poétique.
Chez Hugo,l'œuvre surgit quelquefois d'une inquiétude politique et humanitaire en général, qui trouvera son aboutissement chezun Zola par exemple.
• Le XXe siècle, secoué par les deux guerres mondiales, a largement contribué à répandre dans les espritsl'inquiétude, l'angoisse, le doute, et cela dans tous les domaines.
Claude Edmonde Magny a pu faire cette remarquesur la période de l'entre-deux-guerres : « A mesure que l'on avance dans le temps, les œuvres deviennent de plusen plus noires, comme pour refléter les impressions de la conscience collective.
» Les incertitudes du temps ontd'ailleurs conduit, par-delà l'œuvre littéraire, à un engagement politique des écrivains : Aragon, Malraux, Eluard,Drieu la Rochelle, Camus, Sartre, etc...
Chez Malraux, l'œuvre risque même parfois, à trop refléter les inquiétudes d'un moment, de basculer dans lereportage (La Condition humaine / révolution de 1927 à Shangai, L'Espoir / guerre d'Espagne, Le Temps du mépris /montée du nazisme en Allemagne).
• Mais la littérature du XXe siècle se caractérise surtout par une inquiétude issue des bouleversements dans lesrapports de l'homme au monde, en somme par une véritable « crise de la conscience ».
(Cf.
Camus et l'absurde,Sartre et l'existentialisme, Ionesco, Beckett et le vide métaphysique...)
Malraux fait surgir les grandes interrogations métaphysiques de notre époque.
Dans son désir de saisir la notiond'homme, il interroge les grandes civilisations et les œuvres d'art qu'elles ont laissées; il soulève aussi les questionsque la mort pose à la signification du monde.
Mais sa grande idée (dans les Antimémoires), selon laquelle l'hommed'action et de pensée ait le devoir, avant que la mort ne transforme irrémédiablement le passé en destin, d'en faireune œuvre, c'est-à-dire le lieu d'une question, semble fournir une réponse directe au problème soulevé par laremarque de Goethe.
L'œuvre serait donc le lieu d'une question, la source d'une inquiétude, après avoir été sonaboutissement.
III) DE LA LITTÉRATURE À L'INQUIÉTUDE
Une autre inquiétude, spécifique au xxe siècle, aboutira à des œuvres qui semblent s'interroger elles-mêmes.
Qu'est-ce que la littérature, qu'est-ce qu'écrire, pourquoi écrire, pour qui écrit-on, telles sont les questions qu'a pu seposer J.-P.
Sartre.
En même temps que les conventions picturales éclatent, la notion d'antiroman apparaît.
Lalittérature devient elle-même le lieu de l'inquiétude.
L'inquiétude voyage donc par le travers de l'œuvre, du créateur.
»
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