LE LION ET LE RAT — LA COLOMBE ET LA FOURMI (FABLES DE LA FONTAINE) - COMMENTAIRE
Publié le 06/05/2011
Extrait du document
«
Sans doute ces deux moralités ne sont-elles pas à mettre sur le même plan et n'ont-elles pas la même importance.Mais c'est précisément la raison pour laquelle La Fontaine ne les juxtapose pas.
La première exprime la nécessité dela solidarité : c'est une idée générale, de portée universelle, et c'est cette vérité morale qu'illustreront les deuxrécits qui suivent.
Voilà pourquoi La Fontaine l'a placée en tête de sa fable double, c'est-à-dire en facteur commun,pour ainsi dire, à l'ensemble des deux récits.
Au contraire, la moralité contenue dans les v.
17-18 n'a qu'une valeurlimitée : elle ne s'applique qu'à la première des deux fables et n'a rien à voir avec la seconde; de plus c'est unesimple constatation d'expérience, et non l'énoncé d'une grande vérité morale.
Sa place est donc en retrait, enconclusion du premier récit, comme instruction complémentaire (et secondaire) par rapport à la moralité énoncée encommençant.
2 Il ne faut pas se méprendre sur la signification profonde de la leçon morale qui nous est proposée ici.
Cettesolidarité que La Fontaine nous donne en exemple ne procède pas d'un pur mouvement de générosité, d'un élanaltruiste.
C'est une entraide intéressée, non un geste de charité; s'il faut rendre service aux autres, c'est parce quela dure expérience de la vie enseigne qu'on peut aussi avoir besoin de leur assistance : leçon de solidaritéréciproque et non d'amour de son prochain que développera Le Cheval et l'Ane (VI, 16):
En ce monde il se faut l'un l'autre secourirSi ton voisin vient à mourir,C'est sur toi que le fardeau tombe.
D Portée philosophique de la fable : la leçon de l'infiniment petit
Document
« La Fontaine s'amuse de l'ampleur démesurée que prennent au regard d'une fourmi le décor et ses éléments : le «ruisseau » devient « océan », le brin d'herbe « promontoire »...
Cette plongée par l'imagination dans l'univers del'infiniment petit, cette confrontation de grandeurs disproportionnées s'accompagnent toujours chez La Fontained'une méditation sur la Sagesse suprême qui a présidé à la création, et sur la Providence qui la gouverne.
La fableen reçoit un prolongement philosophique et un élargissement religieux, ouvre sur le mystère.
Ici le salut de la fourminaufragée est dû à l'intervention providentielle de la colombe charitable et compatissante.
Protection invisible,attentive : la Fourmi « se » sauve, dit La Fontaine, et non : est sauvée.
Elle peut se croire par ses seuls effortsl'artisan de son propre salut; à la différence du Chartier embourbé, qui après avoir imploré le secours d'Hercule, nese tire .finalement d'embarras que par ses propres moyens, à la seule instigation d'une voix mystérieuse, il faut aucontraire que le Ciel aide la fourmi avant qu'elle puisse elle-même s'aider.
Mais par suite de sa petitesse, elle ne peutconnaître l'origine de cette intervention.
La fable à ce titre est exemplaire : elle propose à l'homme une image enréduction de sa situation dans un univers qui le dépasse, avec cette différence que l'animal, qui suit innocemmentson instinct, bénéficie de la solidarité de la nature, tandis que, depuis la chute, le pacte est rompu pour l'hommelivré aux illusions de l'amour-propre et aux erreurs d'une raison aveugle.
»
(J.-P.
COILINET, Le Monde littéraire de La Fontaine, 1970, p.
190.).
»
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