Devoir de Philosophie

Le fascisme de la langue (Barthès)

Publié le 15/09/2015

Extrait du document

langue

« Nous ne voyons pas le pouvoir qui est dans la langue, parce que nous oublions que toute langue est un classement, et que tout classement est oppressif: ordo veut dire à la fois répartition et commination. Jakobson l’a montré, un idiome se définit moins par ce qu’il permet de dire, que par ce qu’il oblige à dire. Dans notre langue française (ce sont là des exemples grossiers), je suis astreint à me poser d’abord en sujet, avant d’énon-cer l’action qui ne sera plus dès lors que mon attribut : ce que je fais n’est que la conséquence et la consécution de ce que je suis; de la même manière, je suis obligé de toujours choisir entre le masculin et le féminin, le neutre ou le complexe me sont interdits; de même encore, je suis obligé de marquer mon rapport à l’autre en recourant soit au tu, soit au vous : le suspens affectif ou social m’est refusé. Ainsi, par sa structure même, la langue implique une relation fatale d’aliénation. »

langue

« Langage (et pouvoir) 1 155 cer l'action qui ne sera plus dès lors que mon attribut: ce que je fais n'est que la conséquence et la consécution de ce que je suis; de la même manière, je suis obligé de toujours choisir entre le masculin et le féminin, le neu­ tre ou le complexe me sont interdits; de même encore, je suis obligé de marquer mon rapport à l'autre en recourant soit au tu, soit au vous: le suspens affectif ou social m'est refusé.

Ainsi, par sa structure même, la langue implique une relation fatale d'aliénation.» Voilà en quoi, aux yeux de Barthes, la langue est fasciste: elle oblige à dire.

Elle oblige, en fait, continue Barthes, à affirmer et à répéter: affirmer, car dans la langue l'affirmation est toujours première par rapport à la négation; répéter, car la langue est toujours sociale, constituée des stéréotypes qui permettent la communi­ cation.

Si bien que parler, c'est inévitablement asséner une vérité commune- aux deux sens de cet adjectif.

Parler, c'est automatiquement se ranger aux côtés de cette « doxa », cette opinion commune, cette idéologie dominante dont toute l'œuvre de Barthes de Mytholo­ gies (1957) au Plaisir du texte (1973) aura été la dénon­ ciation.

Comment, dans ces conditions, se soustraire à la loi du langage et à l'aliénation à laquelle elle nous soumet? Par la littérature, répond Barthes.

Le véritable texte littéraire, en effet, ne se résume pas dans une significa­ tion unique mais s'ouvre à la pluralité des lectures et des interprétations.

De ce fait, il n'est plus le lieu d'aucun pouvoir mais le lieu dans lequel tout pouvoir rencontre sa limite: «Il ne reste, si je puis dire, qu'à tricher avec la langue, qu'à tricher la langue.

Cette tricherie salutaire, cette esquive, ce leurre magnifique, qui permet d'entendre la langue hors-pouvoir, dans la splendeur d'une révolution permanente du langage, je l'appelle pour ma part: littérature.

». »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles