Le Diable au corps - Radiguet - première rencontre
Publié le 11/12/2011
Extrait du document

S’inspirant d’une expérience personnelle, Raymond Radiguet raconte dans Le Diable au corps une histoire d’amour entre un narrateur anonyme et une femme plus âgée, mariée à un soldat parti au front. Outre la caractère scandaleux de l’intrigue, l’œuvre est restée célèbre car son auteur l’a écrit alors qu’il n’avait que seize ans. Raymond Radiguet sait qu’il va être jugé à la sortie de son livre, du fait de sa grande jeunesse. Il cherche donc à montrer qu’il est capable de réinventer la littérature et notamment la scène de première vue. Il tisse ainsi sur un canevas convenu le récit d’une rencontre originale.
[lecture]
Pbq : Comment le topos de la première rencontre acquiert ici une certaine originalité notamment grâce au point de vue subjectif du narrateur ?

«
est une insoumise qui n’obéit ni à sa mère, ni à son fiancé et se moque, de plus, « de l’opinion des
inconnus » .
C’est donc un premier p oint commun qu’elle partage avec le narrateur qui avait affirmé
dès l’incipit de l’œuvre (métaphore filée du fromage) qu’il refusait de respecter les règles morales
dictées par la société et par ses parents.
Ils se rapprochent de plus au niveau de la littérature,
« charmé de la façon dont elle aimait Baudelaire mais qui n’était pourtant pas la mienne ».
Le
narrateur semble ici avoir trouvé une femme à sa mesure.
Il ne la considère cependant pas comme son égal et dès cette première rencontre, se pose plus
co mme un juge que comme un simple observateur.
Il critique tout d’abord son apparence, « vous
avez tort de vous coiffez de la sorte », ce qui est plutôt une manière inattendue d’aborder une
femme qu’on cherche à séduire.
Marthe ne réagit que faiblement à ces critiques qu’elle accepte sans
se vexer, « d’habitude, je ne me coiffe pas si mal ».
De plus, elle manque de perspicacité et ne
comprend pas les remarques du narrateur.
Lorsqu’il lui adresse un compliment détourné, « vous
ressemblez peu à madame votre mèr e », celle -ci comprend la remarque au premier degré ce qui crée
un décalage avec le narrateur qui reste « attristé de cette réponse » qu’il juge « pénible » .
Enfin, les
peintures de Marthe déplaisent au narrateur même s’il n’ose le lui dire, « je trouvais ces sortes de
fleurs ridicules ».
Terminée donc la vision stendhalienne de l’être aimé qui ne pousse à ne voir que
ses qualités, les défauts de Marthe apparaissent dès son entrée en scène .
II) Un portrait en creux du narrateur
1) Un double visage
Le point de v ue interne du texte empêche le lecteur d’accéder aux pensées de Marthe, il ne
peut donc pas savoir ce qu’elle pense vraiment du jeune homme.
Cependant, le récit que le
narrateur fait de cette rencontre permet de fa ire de lui un portrait en creux assez peu flatteur.
Il
apparaît ainsi très imbu de lui- même.
Il s’étonne notamment que Marthe ne partage pas le mépris
qu’il éprouve pour sa mère et se fél icite de « l’étroitesse » de son fiancé qu’il traite de « nigaud ».
De
manière sous -entendue, il s’estime donc supérieurs à des êtres qu’il connait à peine.
Il se pense de
plus capable d’ « éblouir » la jeune femme ainsi que le reste de sa famille en racontant l’histoire d’un
village.
Son arrogance se couple cependant à une certaine timidité, « timide » est ainsi répété deux
fois et le verbe « intimider » est utilisé une fois et le narrateur, s’il cherche à s’en départir, « seuls ses
parents et mon père m’empêchent de me pencher sur son cou et de l’embrasser » , ne se convainc
pas lui -même et évoque « un autre garço n » la facette timide d’un narrateur qui triche avec sa nature
profonde mais fait preuve de sincérité avec le lecteur.
2) Des techniques de séduction alambiquées
De plus, les stratégies de séduction qu’utilise le narrateur pour plaire à Marthe sont
extrêmemen t ambiguës .
Contrairement, à Julien Sorel ou la princesse de Clèves qui se retrouve nt
complètement désarmés devant l’amour et montrent ainsi leur véritable nature, le narrateur reste
dans le domaine de l’artificialité.
Il cherche d’abord à séduire Marthe par la flatterie mais ses
compliments sont à chaque fois détournés.
Il qualifie de « madrigal », la comparaison qu’il fait entre
Marthe et sa mère mais cette galanterie ne peut être comprise que par lui, Marthe ne saisit pas le
double sen s de cette remarque qui est, du reste, tout à fait malvenue .
Il utilise ensuite une litote
pour rendre grâce à la beauté du visage de Marthe dont les cheveux, mal coiffés, paraissent indignes,
« les cheveux lisses vous iraient mieux ».
Le narrateur ne passe donc que par la critique pour.
»
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