« Le Décourageux », les Amour Jaunes, T. Corbière
Publié le 24/05/2011
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"C'était à peine français; l'auteur parlait nègre, procédait par un langage de télégramme, abusait des suppressions de verbes, affectait une gouaillerie, se livrait à des quolibets de commis-voyageur insupportable, puis tout à coup, dans ce fouillis, se tortillaient des concetti falots, des minauderies interlopes, et soudain jaillissait un cri de douleur aiguë, comme une corde de violoncelle qui se brise", déclare des Esseintes (Huysmans, A rebours) à propos des Amours jaunes de T. Corbière. Contrairement aux apparences, ce jugement est tout sauf une condamnation de la part de ce fervent admirateur de Mallarmé; pourtant, au premier abord, quoi de plus éloigné des images suaves et sibyllines de l'Après-midi d'un faune? S'il fallait établir un parallèle avec notre extrait, ce serait sur le thème de l'hermétisme: comment s'assurer de la pleine compréhension de « Décourageux «, au regard des formules triviales et énigmatiques, du rythme heurté, de la véritable esthétique du paradoxe que semble développer ce poème?

«
désarçonnants; cela nous mènera à dégager de l'extrait un art poétique propre à Corbière.
Soulignons avant tout les difficultés qu'éprouve le lecteur à se saisir du sens des vers.
Nous nous
intéresserons tout d'abord à leur rythme heurté; il faudra également analyser le caractère pour le moins
paradoxal des images dans « Décourageux »; enfin, nous conclurons ce premier éclairage sur le texte par une
étude de la part du jeu.
Vaste désharmonie que tout cela!
A la première lecture, le poème n'est pas sans rappeler les Complaintes de Laforgue: de fait, nous
sommes bien loin du sonnet quant à la rigueur de la forme! Notons tout d'abord que les strophes deux, trois,
quatre, cinq et dix sont des tercets - perdus, semble-t-il, au milieu de quatrains.
Une organisation tout aussi
nébuleuse concerne l'enchaînement des rimes; si les tercets sont liés comme ceux d'un sonnet (AAB / CCB), une
hétérogénéité certaine distingue les quatrains: seul la première strophe présente des rimes embrassées plutôt
que croisées.
A cet égard, notons que la transition de l'avant-dernier quatrain au dernier tercet est laborieuse: il
faut en effet attendre le vers trente-cinq pour saisir la rime du vers trente-et-un (« chanté » / « virginité »).
Peut-
être faut-il y voir une tentative de lier intimement ces deux types de strophe? Quoi qu'il en soit, si une logique
dans la forme du poème peut être confusément saisie ( un quatrain / quatre tercets, un axe de symétrie
symbolisé par l'apparition du discours direct, quatre quatrains / un tercet), le rythme de celui-ci reste
profondément original.
Du reste, cette excentricité se retrouve à plus petite échelle: que penser de ces tirets
qui déplacent et contrarient la césure:
« Il voyait trop - Et voir est un aveuglement » (v.
4) ?
C'est que la césure classique de l'alexandrin donne un vers encore plus byzantin ("Il voyait trop - Et voir") !
Même phénomène au vers trente-quatre, dont la césure artificielle est soulignée par un retour à la ligne:
« - Est-ce l'art?...
- Lui resta dans le Sublime Bête »
Dans ce cas-ci, le tiret a clairement pour fonction de souligner la seconde partie du vers (dont nous étudierons
l'importance plus tard); mais quel rôle lui attribuer lorsqu'il commence une strophe, si ce n'est de marquer que
le poète change d'image pour se caractériser (héros de roman dans la troisième strophe, il devient chercheur.
»
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