Le Cahier de Douai : naissance d’un génie poétique
Publié le 28/09/2018
Extrait du document
C) La folie et la mort.
Ophélie et Rimbaud font les mêmes rêves : « Ciel ! Amour ! Liberté » (v.39) qui se fondent dans le mot « rêve »
qui est visiblement inaccessible et conduit à la mort. Cette folie est la conséquence d’un hiatus entre la fragilité de
l’enfant : « pâle Ophélia » (v.17) et l’ampleur du rêve: « esprit rêveur » (v.22), qui se manifeste aussi par la puissance de la
nature, qui est personnalisée : « souffle [...] tordant [...] chevelure » (v.), « grands monts » (v.). Une reprise anaphorique
de « c’est que » insiste sur le résultat inéluctable de son destin. Au vers 22-23, son esprit et son coeur entendent la
nature et rendent fou. Il faut donc des dispositions particulières; l’abandon d’Hamlet suggérée au vers 2829 montre bien
cette folie. De plus, Rimbaud compatit à cette folie : « Oh, pauvre folle » (v.) car lui-même souffre de l’incapacité de
s’exprimer à-propos de certaines choses : « étranglaient » (v.). La « vision » (v.) est l’objet d’une diérèse qui crée une
amplification. Le dernier vers de la deuxième partie suggère qu’Ophélie a vu les mystères de l’infini, mais c’est pour cette
raison qu’elle est devenue folle. Au dernier quatrain, on a une reprise du début, ce qui exprime une certaine circularité.
« Le poète » est peut-être Rimbaud mais il se peut aussi que ce soit une tout autre âme visionnaire ; on peut croire qu’il
entrevoit la silhouette d’Ophélie.
Conclusion : Le poète qui regarde la scène insiste sur l’esthétisme dans l’évocation picturale d’Ophélie mais aussi
dans sa facture, la perfection des rythmes et des rimes comme dans un poème parnassien même si on découvre qu’il est
au-dessus d’un poème parnassien puisqu’il touche aussi le lecteur par sa sensibilité, le lyrisme, romantisme
superlatif de l’adjectif lent (v.3), dans le deuxième quatrain, la lenteur est soulignée par la reprise de l’expression « voici
plus de mille ans » (v. 5 et 7) avec un tétramètre qui éternise le temps. Le verbe « passe » est mis en valeur par le rejet du
vers 5 à 6. Le long « fleuve noir » insiste sur ce calme qui est appuyé par les allitérations en [l] qui renforcent l’idée de
lenteur.
La tristesse est vue à travers le « long fleuve » noir est connoté par le Styx, le fleuve des âmes en enfer ou par
Charon, nocher des enfers car il y a aussi le sujet de la noyade: Ophélie est un corps sans sépulture. On peut suggérer les
causes de sa mort: « folie » (v.7) est une référence directe au drame de Shakespeare. Aussi, au vers 8, la « romance » et la
résonnance des « hallalis » (v.4) forment un tableau de tristesse qui s’appuie sur les assonances en [an] qui évoquent
lenteur et tristesse, tristesse à la fois de situation et des sons parallèlement.
II) Les interactions entre la jeune fille et le cadre :
A) La nature.
La nature est amicale et l’accueil d’Ophélie est fait dans la consolation: « le vent baise ses seins » (v.9) ; le vent
est donc comparé à un amant. « Les eaux bercent son corps », c’est comme si la nature voulait accompagner Ophélie
jusque dans la mort. « Les saules [...] pleurent » (v.11) et « les nénuphars [...] soupirent » (v.13); la nature partage sa
tristesse. Les roseaux « s’inclinent » (v.12) et par cette personnification, ils rendent hommage. L’aune, tout comme
Ophélie, dort. La nature fait preuve de légèreté et d’amicalité dans ses mouvements : les saules « frissonnants », les
nénuphars « froissés », du nid s’échappe « un petit frisson d’aile » (v.15), toute la nature s’accorde pour éprouver de la
«
intégralité
du recueil Les Fleurs du Mal de Charles Baudelaire.
Textes complémentaires :
• Prologue d’Une saison en enfer
• Poème « L’horloge » de Spleen et Idéal des Fleurs du mal de Baudelaire
• « La Jetée » de Mes Propriétés de L’espace du dedans
• « Le bateau ivre » de Rimbaud (v.69–92)
En complément : Lettres dites du Voyant, à Georges Izambard (août 1870)
En parallèle au poème « Ophélie » : lecture de l’image, quatre tableaux représentant la mort d’Ophélie :
Rembrandt, M.
Cure, J.E.
Millais et O.
Redon et extraits de quatre textes : Banville, Leconte de Lisle,
Shakespeare
et Brecht.
Texte 1: « Vénus Anadyomène »
Introduction: Le sonnet « Vénus Anadyomène » est tiré du Cahier de Douai* écrit par Rimbaud en 1870,
peut être
considéré comme un exercice de parodie (la parodie consiste en l’imitation satirique d’un texte ou d’une
image qui les
détourne de leurs intentions initiales afin de produire un effet comique ou dérangeant) Ici, il s’agit de
l’imitation satirique
d’un texte (Parnassien) ou d’une image (Vénus Anadyomène de Botticelli).
Comme l’indique le titre, il prend
pour thème
le mythe antique de la naissance d’Aphrodite sortie des flots, mais il s’oppose au modèle traditionnel en
produisant une
image dégradante du corps de la femme.
Nous montrerons comment Rimbaud arrive à ses fins en étudiant
les aspects
dépréciatifs de cette description, et ensuite les effets parodiques tirés de son organisation.
I) Une dégradation dépréciative :
A) Les dégradations physiques liées à l’âge..
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