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Le « cabinet particulier » - Une partie de campagne de Maupassant

Publié le 14/09/2018

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maupassant
Juste au-dessus de leur tête, perché dans un des arbres qui les abritaient, l'oiseau s'égosillait toujours. Il lançait des trilles et des roulades, puis filait de grands sons vibrants qui emplissaient l'air et semblaient se perdre à l'horizon, se déroulant le long du fleuve et s'envolant au-dessus des plaines, à travers le silence de feu qui appesantissait la campagne. Ils ne parlaient pas de peur de le faire fuir. Ils étaient assis l'un près de l'autre, et, lentement, le bras de Henri fit le tour de la taille de Henriette et l'enserra d'une pression douce. Elle prit, sans colère, cette main audacieuse, et elle l'éloignait sans cesse à mesure qu'il la rapprochait n'éprouvant du reste aucun embarras de cette caresse, comme si c'eût été une chose toute naturelle qu'elle repoussait aussi naturellement. Elle écoutait l'oiseau, perdue dans une extase. Elle avait des désirs infinis de bonheur, des tendresses brusques qui la traversaient, des révélations de poésies surhumaines, et un tel amollissement des nerfs et du cœur, qu'elle pleurait sans savoir pourquoi. Le jeune homme la serrait contre lui maintenant ; elle ne le repoussait plus, n'y pensant plus. Le rossignol se tut soudain. Une voix éloignée cria : " Henriette ! - Ne répondez point, dit-il tout bas, vous feriez envoler l'oiseau. " Elle ne songeait guère non plus à répondre. Ils restèrent quelque temps ainsi. Mme Dufour était assise quelque part, car on entendait vaguement, de temps en temps, les petits cris de la grosse dame que lutinait sans doute l'autre canotier.

Psychologie : les avatars du désir

 

Dans l'univers romanesque de Maupassant, ce besoin d'idéal habite d’ailleurs tout être humain et peut être excité par des sensations agréables, parfum d'un bois de lilas (<< Le Père >>), nature printanière (<< Au printemps >>), beauté du clair de lune sur un lac (<< Clair de lune >>). Ici, c'est principalement le chant du rossignol qui fait naître chez la jeune fille << des désirs infinis de bonheur >>, << des révélations de poésies surhumaines >>. Le désir, présenté comme une réalité physiologique, est ainsi accompagné de l'idéal qui l'exalte, le dépasse, le légitime et finalement assure sa satisfaction.

 

En voici deux exemples, tiré des textes cités. Sur le bateau qui le conduit à Suresnes un matin de printemps, le narrateur voit dans les yeux de sa voisine << des profondeurs inconnues, tout le charme des tendresses, toute la poésie que nous rêvons, tout le bonheur que nous cherchons sans fin >> (<< Au printemps >>, I, 285). Un homme s'intéresse à une << une petite bru-nette >> rencontrée dans l'omnibus : << Il lui semblait que la possession entière de cette petite personne serait pour lui un bonheur fou, presque au dessus des réalisations humaines >> (<< Le Père >>, I, 1072).

Commentaire de << Juste au-dessus >> à << l'autre canotier >>

maupassant

« elle est placée au premier plan depuis le début de la troisiè me.

Ses sensations et ses sentiments, à peine suggérés jusque-là, y ont été indiqués : elle s'abandonne progressivement à une ivresse sensuelle déterminée par des causes physiques (l'action de la chaleur, du vin, de la nature aquatique et printanière sur un corps qui semble bâti pour inspirer et goûter le délire des sens) et que viennent accentuer les rêveries sentimentales que le rossignol éveille en elle.

Le point de vue de la jeune fille est toujours privilégié dans ce passage, qui précise la progression de ses sensations Uusqu'à ), de son émotion Uusqu'aux larmes) et de ses sentiments Uusqu'à ).

Le choix de la focalisati on* interne permet au narra­ teur de décrire l'intensité de ces phénomènes tout en indiquant leur caractère mystérieux pour la jeune fille.

Le lecteur, lui, es t placé dans une position de supériorité par rapport au per­ sonnage : il peut faire la part , chez el.le, des rêves naïfs, idéa­ listes, illusoires, et des réalités physiologiq ues, des > qui annoncent et appellent le plais ir.

Il comprend aussi, à la voir repousser > les premières caresses de son compagnon, que ses défenses morales sont en train de tomber.

Le narra teur, au contraire, ne fournit aucune information suppléme ntaire sur le canotie r, auquel il attr ibue simplement les gestes et les paroles de l'homme qui sait maintenant pou­ voir profiter de l'occ asion1.

Là encore, il se réserve ainsi la possibilité de lui donner ensuite un peu plus d'épa isseur et de surprendre à nouveau son lecteur.

Mais la nouvelle s'intitule bien>: l' acte de la fille prend sens par rapport à celui que la mère accomplit parallèlement (et même par rapport à l'inaction du père et de l'apprenti) .

Le narrateur affecte de rester à distance, se contentant de ra pporter ce qu'< < on enten dait>>: on, c'est-à­ dire aussi bien Henri, qui comprend qu'elle ne risque pas de venir le dérange r, que le lecteur, à qui est laissé le soin d'ima- 1.

La nouvelle intitulée «Le Père >> (1883) précise ainsi les pensées d'un horrune que le printemps a poussé vers une jeune fille: > (I, 1073).. »

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