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« Le Bateau ivre » d'Arthur Rimbaud (commentaire)

Publié le 08/08/2012

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rimbaud

* La voyance offre par le dérèglement des sens des visions neuves :  « délires et rythmes lents « (v.25-26)  « Plus fortes que l’alcool « (v.27)  « plus vastes que nos lyres « (v.27)  * Le monde sous-marin apparaît comme un reflet du monde céleste :  « les azurs verts « (v.23)  « infusé d’astres « (v .22) = avec sa voie lactée  * Les morts descendent comme ils iraient vers le ciel, vers un idéal : cf. vers 23-24. Comme Ophélie, ce noyé s’abandonne aux courants marins. Totalement immergé dans la mer, possédé par elle, ce noyé peut symboliser l’abandon absolu de l’être à cette immensité qu’il veut parcourir. Délivré de son corps, il est l’être « pensif « par excellence, celui qui ne fait qu’un avec l’objet de sa pensée.  * Le monde de l’amour apparaît lui aussi désigné allusivement par les « délires et les rythmes lents «, comparé à « l’alcool « et à la poésie (cf. « lyres «) : c’est l’amour absolu par-delà les artifices de l’alcool, des sortilèges de la parole et du chant, l’amour de la liberté, l’amour de la plénitude, l’amour de l’amour.

rimbaud

« La danse métaphorise l'épanouissement de cette nouvelle liberté au v.

14 : « Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots ».

Ceci est un exemple du mécanisme del'imagination créatrice du « Voyant » : pour imaginer un bateau ballotté sur l'océan, Rimbaud adolescent élargit la vision, qui lui est familière, du bouchon qui dansesur les flots…Ainsi, le Bateau se moque des adultes timorés qui ont peur des naufrages (cf.

v.15).Il se moque aussi des navires pris dans la tempête qui aspirent à retrouver l' « œil » des « falots », destinés à régulariser leurs mouvements.

La métaphore de « l'œilniais des falots » (v.16) procède d'une assimilation des lanternes (les « falots ») du port à des yeux fixes, sans vie, donc stupides (« niais »), ouverts sur les ténèbres.Cette image traduit tout le mépris du Bateau-poète pour la société abêtie et sécuritaire des sentinelles et des gardiens ! 2.

La purificationBaigné dans l'océan, la Bateau éprouve une forme de purification, de « catharsis », qui engendre une sensation nouvelle et raffinée aux vers 17 et 18 :« Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sures,L'eau verte pénétra ma coque de sapin ».L'eau qui l'engloutit lui semble « douce », parce qu'il se sent en parfaite harmonie avec les éléments.

Ainsi, il va peu à peu se confondre avec « l'eau verte » qui le« pénètre », s'identifier à elle : au lieu d'être une coque sur la mer, il sera la mer elle-même.Le rapprochement des adjectifs « douce – sures – verte » se fait par association d'idées :Pommes = douces (toucher) + sures (acides) / le goût sur = fruit vert d'où l'eau verte .Qui dit baptême dit renaissance à la pureté : l'eau qui pénètre le Bateau le libère de tout ce qui marquait sa servitude et son humiliation : « taches de vins bleus »,« vomissures » (v.19) qui symbolisent la laideur et la trivialité des hommes d'équipage et, par extension, de la société.

Le rejet fort « me lava » au vers 20 met leverbe en relief : comme l'acidité des pommes vertes, la mer délivre le navire de tous les miasmes et de toutes les impuretés.L'immersion marine est aussi dispersion des dernières attaches : « dispersant gouvernail et grappin » (v.20).

Le « gouvernail » = métaphore des sens imposés, de toutedirectivité + « grappin » (petite ancre) = métaphore de toutes les entraves.La mer accomplit ici le rôle idéal (de la mère) :* Elle sauve des compromis et des souillures de la vie* Elle offre le véritable chemin de la liberté.C'est que la communion, puis la purification, ne sont plus des rites, mais des moyens de passer à un stade supérieur par une libération intellectuelle, sociale et morale. III.

La poésie de la voyance : strophes 6 et 71.

L'accession à l'ailleursLa liberté est d'abord conquête de la liberté dans la folie et le désordre.

L'accession à l'ailleurs et au nouveau ne peut pas se faire simplement, avec sagesse.

Pourlibérer l'esprit et l'imaginaire, il faut agir d'une manière définitive et violente, en remettant tout en jeu, en n'économisant rien des risques : la dérive est essentielle.La fin de la phase d'initiation et le début de la grande jouissance sont marqués par :« Et dès lors » (v.21) : c'est le sommet du poème.La mer, où le Bateau-poète a décidé de conquérir à la fois bonheur et liberté, c'est « le Poème ».

C'est un monde en soi avec ses constellations de mots, ses galaxies destrophes…Dès lors, le voyage évoqué et l'entreprise littéraire se confondent.

Le Bateau se baigne dans la mer, mais une mer vue par le Voyant, c'est-à-dire découverte et recréée,une mer devenue « Poème ».

Ce passage est particulièrement original : les tableaux prennent un caractère fantasmagorique, les images se succèdent, plusvertigineuses, plus somptueuses, plus hallucinatoires les unes que les autres. 2.

Les caractéristiques de la voyance* La voyance offre par le dérèglement des sens des visions neuves :« délires et rythmes lents » (v.25-26)« Plus fortes que l'alcool » (v.27)« plus vastes que nos lyres » (v.27)* Le monde sous-marin apparaît comme un reflet du monde céleste :« les azurs verts » (v.23)« infusé d'astres » (v .22) = avec sa voie lactée* Les morts descendent comme ils iraient vers le ciel, vers un idéal : cf.

vers 23-24.

Comme Ophélie, ce noyé s'abandonne aux courants marins.

Totalement immergédans la mer, possédé par elle, ce noyé peut symboliser l'abandon absolu de l'être à cette immensité qu'il veut parcourir.

Délivré de son corps, il est l'être « pensif » parexcellence, celui qui ne fait qu'un avec l'objet de sa pensée.* Le monde de l'amour apparaît lui aussi désigné allusivement par les « délires et les rythmes lents », comparé à « l'alcool » et à la poésie (cf.

« lyres ») : c'est l'amourabsolu par-delà les artifices de l'alcool, des sortilèges de la parole et du chant, l'amour de la liberté, l'amour de la plénitude, l'amour de l'amour. b) La voyance donne à voir en se servant d'un nouveau langage.* Richesse des couleurs : « bleuités » (v.25), mot probablement créé par Rimbaud« azurs verts » (v.23)« rousseurs amères de l'amour » (v.28)* Latinismes et néologismes témoignent de la liberté de la langue rimbaldienne :« infusés », « bleuités », « flottaison », « lactescent » (latinisme, devenu « laiteux »)* Adjectif de couleur qui métamorphose le réel : « azurs verts » (v.23)* Technique des correspondances qui ici donne goût à la couleur :« dévorant les azurs verts » (v.23)« rousseurs amères » (v.28).Rimbaud joue avec tous les codes possibles du langage, du mot étrange et rare à la rencontre surprenante de termes pour dire l'inexprimable.

De la même manière, ilest habile à employer l'alexandrin avec des coupes inattendues mais expressives (cf.

v.23-24).On appréciera enfin la qualité musicale de la strophe 6 notamment, avec l'association de voyelles ouvertes et chantantes et de consonnes occlusives. Conclusiona) Cette aventure peut symboliser les aspirations de Rimbaud adolescent :* La passion du voyage, de l'évasion,* La recherche du nouveau,* La révolte contre la platitude de l'existence civilisée où tout est réglé.b) L'interprétation s'enrichit si on la met en relation avec l'aventure personnelle de Rimbaud :* Sa vie privée en rupture avec toute morale ou ses convictions révolutionnaires* Son projet de renouveler l'expression poétique, qu'il manifestait à la même époque dans la fameuse Lettre du Voyant.. »

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