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L'Assommoir de Zola : L'alambic

Publié le 12/09/2006

Extrait du document

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Gervaise accepte d'accompagner son ami Coupeau dans un bistrot, L'Assommoir, tenu par le père Colombe. Elle découvre alors avec stupeur l'alambic qui sert à distiller l'alcool. Et elle se leva. Coupeau, qui approuvait vivement ses souhaits, était déjà debout, s'inquiétant de l'heure. Mais ils ne sortirent pas tout de suite ; elle eut la curiosité d'aller regarder, au fond, derrière la barrière de chêne, le grand alambic de cuivre rouge, qui fonctionnait sous le vitrage clair de la petite cour ; et le zingueur, qui l'avait suivie, lui expliqua comment ça marchait, indiquant du doigt les différentes pièces de l'appareil, montrant l'énorme cornue d'où tombait un filet limpide d'alcool. L'alambic, avec ses récipients de forme étrange, ses enroulements sans fin de tuyaux, gardait une mine sombre ; pas une fumée ne s'échappait ; à peine entendait-on un souffle intérieur, un ronflement souterrain ; c'était comme une besogne de nuit faite en plein jour, par un travailleur morne, puissant et muet. Cependant, Mes-Bottes, accompagné de ses deux camarades, était venu s'accouder sur la barrière, en attendant qu'un coin du comptoir fût libre. Il avait un rire de poulie mal graissée, hochant la tête, les yeux attendris, fixés sur la machine à soûler. Tonnerre de Dieu ! elle était bien gentille ! Il y avait, dans ce gros bedon de cuivre, de quoi se tenir le gosier au frais pendant huit jours. Lui, aurait voulu qu'on lui soudât le bout du serpentin entre les dents, pour sentir le vitriol encore chaud, l'emplir, lui descendre jusqu'aux talons, toujours, toujours, comme un petit ruisseau. Dame ! il ne se serait plus dérangé, ça aurait joliment remplacé les dés à coudre de ce roussin de père Colombe ! Et les camarades ricanaient, disaient que cet animal de Mes-Bottes avait un fichu grelot, tout de même. L'alambic, sourdement, sans une flamme, sans une gaieté dans les reflets éteints de ses cuivres, continuait, laissait couler sa sueur d'alcool, pareil à une source lente et entêtée, qui à la longue devait envahir la salle, se répandre sur les boulevards extérieurs, inonder le trou immense de Paris. Alors, Gervaise, prise d'un frisson, recula ; et elle tâchait de sourire, en murmurant : « C'est bête, ça me fait froid, cette machine… la boisson me fait froid… «

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« Ainsi, Zola dépeint avec réalisme L'Assommoir son alambic et ses clients.

Toutefois, en véritable artiste, il ne secontente pas de donner « une photographie banale » de la réalité: la description se charge en effet de plusieursfonctions. II- La puissance de l'alambicÀ travers cette peinture réaliste, Zola exprime en effet son point de vue sur le monde en suggérant la puissance dela menace que représente l'alambic. A) Les fonctions symbolique et narrativeTout d'abord cet extrait n'a pas seulement pour but de rendre compte de la réalité, il prend tout son sens dans sesfonctions symbolique et narrative.

En effet, l'alambic est perçu par plusieurs personnages successivement, grâce àtrois focalisations internes successives: Gervaise (» elle eut la curiosité d'aller regarder », 1.

3), Coupeau ( et lezingueur qui l'avait suivie, lui expliqua », 1.

5), Mes-Bottes ( les yeux attendris, fixés sur la machine à soûler », 1.14-15).

Apparemment, la réaction de ces personnages est opposée.

D'une part, Gervaise a peur de l'alambic, qui lui« fait froid » (1.

28) ; d'autre part, Mes-Bottes recourt à des termes mélioratif pour exprimer sa dévotion: l'adjectif« gentille» (1.

15) est ainsi soutenu par une exclamative enthousiaste.

La description de l'alambic du père Colombefait donc apparaître deux catégories d'ouvriers: Gervaise et Coupeau, intègres et travailleurs, Mes-Bottes et sescamarades, ivrognes.

Pourtant, œ clivage n'est que superficiel.

En effet, le connecteur d'opposition « Mais» (« Maisils ne sortirent pas tout de suite », 1.

2) trahit la fascination des deux premiers pour « la machine à soûler» (1.

14-15).

Alors qu'ils «s'inquiét de l'heure» (1.

2), ils s'attardent devant l'alambic, incapables de s'en détacher.

Cettedescription, située au début du roman, annonce donc déjà la chute du couple formé par Gervaise et Coupeau, que le«vitriol» (1.

18) finira par détruire. B) La condamnation d'un fléau socialLe romancier va plus loin et suggère que l'alambic ne menace pas seule ment ses personnages mais le peuple toutentier.

En effet, la description quitte le registre réaliste pour devenir fantastique.

Les personnifications se multiplient pour métamorphoser l'alambic en un personnage inquiétant (« mine sombre », L 9, « un souffle intérieur », L10, « un ronflement », L 10, « un travailleur morne, puissant et muet », 1.

11).

Les hyperboles (« énorme », 1.

7, «sans fin », 1.

8) et les négations ( pas une fumée », 1.

9, « sans une flamme, sans une gaieté », 1.

23) en font unêtre à part, à nul autre pareil.

L'alambic prend donc le visage d'un monstre de feu.

Le pouvoir de cet êtremonstrueux sur ceux qui l'entourent est d'autant plus net qu'alors que les personnifications lui donnent vie, desmétaphores transforment Mes-Bottes, celui qui est déjà sous sa coupe, en une machine ( « Il avait un rire de pouliemal graissée », 1.

14).

La gradation finale, rythmée par un rythme ternaire ( qui devait envahir la salle, se répandresur les boulevards extérieurs, inonder le trou immense de Paris », 1.

25-26), dit explicitement le danger qu'ilreprésente.

L'emploi du modalisateur de certitude « devait» souligne que le mal est inéluctable. [Conclusion partielle]La description de l'alambic joue donc un rôle fondamental dans l'économie du roman car elle permet de présenter lespersonnages et annonce la suite de l'intrigue.

Elle permet également à Zola de dénoncer les méfaits de l'alcoolismesur le monde ouvrier parisien. ConclusionCet extrait apparaît comme très représentatif de l'esthétique naturaliste: le romancier y peint le réel avecexactitude mais sans asservisse ment.

Il en donne une vision personnelle et exprime son point de vue: en effet, lapeinture de l'alambic du père Colombe permet au romancier de donner à voir au lecteur, concrètement, l'un desfléaux du monde ouvrier.. »

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