L'art narratif : le réalisme subjectif
Publié le 02/08/2014
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Gardons-nous de créditer le terme réalisme d'une signification absolue : il serait naïf d'imaginer que Balzac ou Flaubert ne cherchent qu'à copier la réa¬lité en elle-même : ils veulent exprimer sa signification profonde. L'écrivain adopte un point de vue particulier qui témoigne de sa façon personnelle d'en¬visager et de ressentir la réalité. L'analyse de son ail narratif implique donc une étude du point de vue.
«
E X P 0 S É S F C H E S
ici.
des personnes détcnninécs, il se teinte d'une connotation subjective et, dans «Une partie de canipagne »,signale l'ironie de ['auteur vis-à-vis de ses personnages.
Le jugement de valeur
Lorsque le prono1n per:-.onnel indéfini renvoie à un cas général.
la subjectivité s'cxprin1e au travers d'un conslat qui exprime une tnanièrc de jugement de valeur.
Ainsi.
la présence d'un narrateur-tén1oin se trahit lors de l'évocation de la banlieue proche de Paris, que Maupassant n'ain1ait pas et qualifiait de rnisérable: «On eût dît
qu'une lèpre l'avait ravagée r ...
].
>>(p.
128: GF p.
96).
La vigueur des canotiers sug
gère cette remarque sur« cette grâce élastique des membres qu'on acquiert par
l'exercice, si différente de la déformation
quïmprime à l'ouvrier l'effort pénible,
toujours le 1nê1nc »(p.
132; GF, p.
99).
L'allusion est plus sociologique que n1orale.
L'exemplarité
Le recours au « vous >> renvoie, de manière explicite, au narrateur, quelque ano
nyme qu'il soit, et requiert la connivence du lecteur.
Relisons la présentation d'Hen
riette :
1< une de ces femmes dont la rencontre dans la rue vous fouette d'un désir
subit, et vous laisse[ ...
]» (p.
130; GF, p.
97).
Cette double occurrence engage à
poser la question du lecteur.
Grand séducteur, Maupassant semble s'adresser à son
public masculin -les
lecteurs de l'époque apprécient les notations libertines.
Ili> Ill -LA PRÉSENCE DE L'AUTEUR
La satire du bourgeois
Certaines interventions d'auteur constituent de façon incontestable des charges
contre l'esprit petit-bourgeois.
Notons la critique du Parisien en goguette (p.
134 : GF, p.
1 OO) : et, plus loin, cette satire du commerçant sans envergure : « L'es
pérance de prendre du goujon, cet idéal du boutiquier( ...
].» (p.
134; GF, p.
102).
Un spectateur complice
Parfois.
l'auteur intervient dans la narration.
Il commente la psychologie de
Mme Dufour qui 1< [ ..• ] sollicitée par une curiosité féminine qui était peut-être du
désir, les regardait à tout moment, les comparant sans doute avec regret» (p.
132;
GF, p.
100).
La remarque dote le personnage, peu caractérisé, d'une forme d'inté
riorité.
La modalisation exprimée par l'adverbe de doute« peut-être>) et la locution
adverbiale
d'affirmation« sans doute», trahit une interprétation qui, de supposi
tion, devient fait indubitable.
Elle laisse percer une ironie n'excluant pas la
conni
vence, car lauteur admet la légitimité de la tentation.
L'ironie du discours
Ironique, le discours joue sur les signifiants pour souligner les coups du sort.
Certaines expressions trouvent leur réalisation concrète dans la suite.
M.
Dufour
prétend avoir rossé des Anglais et les deux canotiers se rendent sur l'île aux An~
glais.
Quand Henriette et Henri se rapprochent de l'île, ils entendent une chute, qui
figure, au sens propre, l'anticipation de la chute, au figuré, de la
jeune fille.
Conclusion : Maupassant s'efforce de demeurer objectif, mais son point
de vue trahit une conception pessimiste de l'humanité, aveuglée par ses
représentations culturelles et sociales..
»
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