L’ART DANS L’ASSOMMOIR D'EMILE ZOLA : « Le naturalisme consiste à voir la réalité à l'aide d'un talent »
Publié le 29/06/2012
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« La tête du boulon était polie, nette, sans une bavure, un vrai travail de bijouterie, une rondeur de bille faite au moule «[22] Humain, le travail des artisans est cela qui s’oppose aux produits de la machine. C’est ce que souligne Gervaise en s’adressant à Goujet pour valoriser son travail: « Vous comprenez, s’écria-t-elle avec feu, ils sont trop bien faits (…). J’aime mieux les vôtres. On sent la main d’un artiste «[23] Faut-il rappeler certains métiers qu’exercent les femmes comme cardeuse (Mme Gaudron), fleuriste (Leurat, Nana, Pauline,…) et fabricante de poupées (Mlle Romanjou)… Partant, l’art populaire est inscrit dans la quotidienneté, la praxis (mouvement et gain pain) et s’oppose à l’art intellectuel dit bourgeois. C. La situation de l’artiste populaire : a) La misère : Souvent, l’artiste mène une vie de misère. Une couturière est expulsée par Marescot, parce qu’elle ne peut pas payer son loyer. Il est victime d’un système de production capitaliste inhumain. Ou bien il est licencié, comme Mme Putois et Clémence, ou bien son salaire est rabaissé, comme c’est le cas de Goujet (de 12 à 9 Fr.). b) La production sur commande : Certains artistes populaires ne peuvent survivre que grâce à des travaux sur commande. Ainsi, Baudequin est un dessinateur qui produit suivant les demandes et les exigences d’un atelier de cartonnage. Ses dessins sont destinés à des boîtes desquelles dépend tout l’avenir de l’artiste. Les voisins de ce dernier le décrivent en ces termes :
«
a) Le cas de La Joconde et de La Maîtresse de Titien:Face à la beauté parfaite de la Joconde et de son caractère presque irréel de ces œuvres, la réaction de la noce est fortement ironique.
Coupeau trouve notamment queLa Joconde ressemble à l'une des ses tantes ; de même que Mme Lorilleux compare la chevelure de la maîtresse de Titien à la sienne.
En outre, la sculpture n'est pasappréciée, en ce qu'on la trouve « très vilaine ».
Dans un discours indirect libre, le narrateur nous fait savoir qu'un des protagonistes se plait à comparer le temps desPhéniciens et aujourd'hui.
« On travaillait joliment mieux la pierre au jour aujourd'hui »[11]
Les adverbes « joliment » et « aujourd'hui » modalisent l'énoncé et laissent entendre une prise de position pour l'art ouvrier, qui se trouve magnifié au détriment del'art phénicien.
b) Voir / regarder
Un autre aspect du Louvre est signaler à savoir le nombre de tableaux exposés.
En effet, les visiteurs n'ont presque pas de temps de voir l'immense quantité desœuvres.
C'est dire que faute de « voir » ils se contentent de « regarder » :
« Ils suivirent l'enfilade de petits salons, regardant passer les images, trop nombreuses pour être vues… »[12]
Le peuple est passif au niveau de la réception, parce qu'il n'a pas les moyens de décortiquer les productions artistiques.
« Il aurait fallu une heure devant chacune si l'on avait voulu comprendre »[13]Cette difficulté de communiquer avec l'art s'exprime dans l'ahurissement ou dans la simple indication, comme le fait M.
Madinier, voire dans l'ignorance des codesartistiques :
« Comme c'était bête de ne pas écrire les sujets sur les cadres »[14]
c) Une communication possibleIl faut noter que les Copistes ont quand même attiré l'attention de la foule.
La raison en est que ces derniers donnent à voir des formes en chair et en os inscrites dansle mouvement.
C'est dire que la classe ouvrière est plus happée par un art réaliste, qui est censé reproduire des réalités quotidiennes (« une vielle dame, montée surune échelle, promenant un pinceau à badigeon dans le ciel tendre d'une immense une toile »[15]) que par un art trop intellectuel (« sécheresse fine des primitifs »,« splendeurs des Vénitiens », et « vie grasse et belle de la lumière des Hollandais »).En somme, le Louvre se présente dans L'Assommoir comme un espace sacré où le peuple se trouve intrus.
II.
Vers une conception populaire de l'artRomancier engagé, Zola est écrivain qui s'efforce de réhabiliter une culture populaire dans toutes ses formes.
Il prend soin de décrire un certain nombre de lieux avecune minutiez incroyable.A.
La description des lieux :a) Une pluralité des lieuxC'est le cas entre autres autre de : Le lavoir La maison ouvrière L'Atelier des Lorilleux La forge chez Goujet Les toits La rue Le quartier…
b) Le bar : l'AssommoirA côté de l'Arc de Triomphe, de la Petite Civette (Prunes), chez la mère Baquet, Papillon, c'est L'Assommoir qui retient le plus l'attention, parce qu'il bénéficie d'untraitement particulier de la per de Zola.
Ainsi, au chapitre 2[16] , la description renvoie à cette de technique de travelling que l'on trouve au cinéma, du fait que l'onpasse d'un lieu général (coin de la rue des Poissonniers et du Boulevard de Roche Chouart) à un lieu particulier (L'Assommoir) en parcourant l'enseigne, la porte, lasalle et les étagères ( bouteilles) avant que le regard du descripteur se pose sur l'appareil de l'alambic qui se trouve au fond.
C'est une mise en exergue de ce quiconstitue le malheur des ouvriers par excellence.Dans le premier chapitre, Zola procède par ce qu'il est censé d'appeler « camera subjectif ».
Gervaise a beau attendre son mari Lantier.
Elle regarde par la fenêtre(motif du cadre) une scène en plein nuit.
Découragée, elle se retourne pour parcourir la chambre dans un mouvement circulaire en donnant à voir la conditioninhumaine du personnage :
« Et, lentement, de ses yeux voilés de larmes, elle faisait le tour de la misérable chambre garnie, meublée d'une commode, de noyer dont un miroir manquait, de troischaises de paille et d'une petite table graisseuse, sur laquelle traînait un pot à eau ébréché »[17]
Le regard finit par se poser sur les enfants.
A ce propos, le lexique de la vision est fort frappant tant par sa richesse que par sa variété : fenêtre, voir, apercevoir, yeux,regard…
B.
La caractérisation des personnages :Très souvent les personnages sont désignés par le métier qu'ils exercent.
En réalité, ce sont des artisans dont chapelier (Lantier), zinguer (Coupeau), dessinateur(Baudequin), forgeron (Goujet), chainiste (Lorilleux).
Voici ce que le texte nous fournit de ce dernier :
« Il enroulait le fil préparé par sa femme autour d'un mandarin, une baguette d'acier très mince.
Puis, il donne un léger coup de scie, qui tout au long du mandarincoupa le fil, dont chaque tour forma un maillon.
Ensuite, il souda (…) et rapidement il les (maillons) mouillait d'une goutte de borax, les rougissait à la lampe sous laflamme horizontale du chalumeau »[18]
Coupeau, lui, fait l'éloge d'un ami à lui qui réalise un chef-d'œuvre « rien qu'avec des morceaux de zinc découpés et bien soudés »[19].
Il se compose d'une « colonne,puis d'une gerbe, puis d'une corbeille de fruits, puis d'un drapeau »[20].Le zingueur est rehaussé au rang des artistes, comme en souligne ce fragment de L'Assommoir :
« Maintenant penché sur un établi, il coupait son zinc en artiste.
D'un de compas, il avait tracé une ligne »[21]
Un autre cas mérite d'être signalé.
C'est celui du forgeron (Goujet) dont le travail est à rapprocher du bijoutier qui partage avec l'artiste quelques touches indéniables.Un passage en est illustratif :.
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