Langage de maître, langage de valet
Publié le 15/03/2015
Extrait du document

Aux discours artificiels du maître, le valet oppose son franc-parler. Les serviteurs sont presque toujours exemptés de la mauvaise foi des maîtres qui se donnent sans cesse la comédie, même quand il s'agit d'amour. En ce sens les subalternes sont paradoxalement plus libres que leurs supérieurs, car ils échappent aux contraintes d'une idéologie qui impose le culte de l'apparence.
L'amour est, encore une fois, un révélateur de la profonde liberté de la parole des valets. La scène d'ouverture du Jeu de l'amour et du hasard met aux prises Silvia et sa soubrette Lisette, à propos du mariage. La maîtresse croirait déroger à son rang en ayant l'air de trouver un quelconque plaisir à la chose. Elle va jusqu'à prétendre que la beauté et « la bonne mine « sont des « agréments superflus « chez un mari. À quoi la servante répond : « Vertuchoux. Si je me marie jamais, ce superflu-là sera mon nécessaire. «

«
E X P 0 S É S F C H E S
De la même manière quïls refusent d'être les dupes de la« qualité» de leurs
patrons, les serviteurs ne se privent pas de les parodier en se faisant !'écho sarcas
tique
du« beau langage» qui est l'apanage des classes élevées de la société.
Que l'imitation soit volontaire, comme dans L'Îie des Esclaves, où Cléanthis et
Arlequin organisent une mise en scène grotesque du comportement amoureux des
maîtres (scène 6), ou qu'elle soit dictée par la naïveté, comme dans Le Jeu de
l'amour et
du hasard (III, 3 et 5), la parodie révèle l'artifice qui règne dans la
société des maîtres.
Un instrument de vérité
«Allons, procédons noblement, décrète Cléanthis, n'épargnez ni les compli
ments, ni les révérences
», conseille-t-elle à Arlequin, qui lui répond : «Et vous,
n'épargnez point les mines.
Courage; quand ce ne serait que pour nous moquer de
nos patrons.
»L'intention satirique qui préside à ce« spectacle dans le spectacle»
est claire.
Et à travers la parodie du langage précieux, qui se poursuit tout au long
du dialogue entre les valets,
c'est la fausseté du monde des maîtres qui est visée.
«Traiter l'amour à la grande manière» dispense d'être sincère.« Vous ne m'aimez
pas, déclare Arlequin à Cléanthis, sinon par coquetterie, comme
le grand monde.
»
Aux maîtres le langage sert de masque ; pour les valets, il est instrument de vérité.
~ Ill -LE SENS DE LA RÉALITÉ
Liberté et franc-parler
Aux discours artificiels du maître, le valet oppose son franc-parler.
Les servi
teurs sont presque toujours exemptés de la mauvaise foi des maîtres qui se donnent
sans cesse la comédie, même quand
il s'agit d'amour.
En ce sens les subalternes
sont paradoxalement plus libres que leurs supérieurs.
car ils échappent aux
contraintes d'une idéologie qui impose le culte de l'apparence.
L'amour est, encore une fois, un révélateur de la profonde liberté de la parole
des valets.
La scène d'ouverture du Jeu
de l'amour et du hasard met aux prises Sil
via et sa soubrette Lisette, à propos du mariage.
La maîtresse croirait déroger à son
rang en ayant !'air de trouver un quelconque plaisir à la chose.
Elle va
jusqu'à pré
tendre que la beauté et « la bonne mine » sont des « agréments superflus » chez un mari.
À quoi la servante répond: « Vertuchoux.
Si je me marie jamais, ce superflu
là sera mon nécessaire.
»
Une mise à nu de l'inconscient des maîtres
On ne peut exprimer avec plus d'à-propos le véritable enjeu du mariage, que les
conventions sociales feignent d'ignorer.
En redonnant sa place au désir, Lisette
s'attire les rebuffades
indignées de Silvia, qui la
traite« d'insolente», de« folle»,
et lui enjoint de se taire.
Le langage du serviteur met à nu l'inconscient du maître,
et les ressorts cachés de son comportement.
Dubois traduit en clair les réticences et
les silences
d' Araminte (Les Fausses Confidences), Suzanne raille les langueurs
platoniques de Chérubin, le jeune page, épris de la Comtesse (
« Le bon jeune
homme! avec ses longues paupières hypocrites.
Allons, bel oiseau bleu, chantez la
romance à Madame
» (II, 4 ), et ne se méprend pas sur la colère de sa maîtresse à
!'égard
de son petit soupirant (II, 3).
Rien n'en impose aux serviteurs, qui ne se payent pas de mots et qui savent
remettre tous les discours de leurs maîtres au diapason de la réalité..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- MAÎTRE PUNTILA ET SON VALET MATTI (résumé)
- Le valet, maître du jeu ?
- JODELET ou Le maître-valet de Paul Scarron (résumé)
- Jodelet ou le Maître valet [Paul Scarron] - résumé et analyse.
- Jodelet ou le Maître valet [Paul Scarron] - Fiche de lecture.