LAMARTINE (Nouvelles Méditations, 1823): Le poète mourant (commentaire)
Publié le 08/02/2016
Extrait du document

Le poète est semblable aux oiseaux de passage
Qui ne bâtissent point leurs nids sur le rivage,
Qui ne se posent point sur les rameaux des bois ;
Nonchalamment bercés sur le courant de l'onde,
Ils passent en chantant loin des bords ; et le monde
Ne connaît rien d'eux, que leur voix.
Jamais aucune main sur la corde sonore
Ne guida dans ses jeux ma main novice encore.
L'homme n'enseigne pas ce qu'inspire le ciel ;
Le ruisseau n'apprend pas à couler dans sa pente,
L'aigle à fendre les airs d'une aile indépendante,
L'abeille à composer son miel.
L'airain retentissant dans sa haute demeure,
Sous le marteau sacré tour à tour chante et pleure,
Pour célébrer l'hymen, la naissance ou la mort ;
J'étais comme ce bronze épuré par la flamme,
Et chaque passion, en frappant sur mon âme,
En tirait un sublime accord.
Ce texte nous permet de définir la poésie romantique et le génie de Lamartine.
a) Ce qu’il y a de romantique dans ce passage, c’est d’abord la conception même de la poésie. Mais nous ne sommes encore qu’en 1823, et c’est Lamartine qui parie. La poésie est donnée comme l’expansion spontanée de l’âme : elle est personnelle, intime; elle n’est pas encore confidentielle. En passant dans ses vers, les sentiments du poète se purifient, s’idéalisent et prennent un caractère de généralité, qui les • décante «, si on peut ainsi parler. Le goût des confessions, • l’étalage du moi » viendra plus tard, et Lamartine n’y échappera pas (au moins en prose). Mais les Premières Méditations ne sont que des soupirs,

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L'airain, retentissant dans sa haute demeure
Sous le marteau sacré tour à tour chante et pleure
Pour célébrer l'hymen, la naissance ou la mort;
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J''tais comme ce bronze épuré par la flamme,
Et chaque passion, en frappant sur mon âme,
En tirait un sublime accord.
(Nouvelles Méditations,
1823.)
Ces trois strophes font partie de la treizième
1
des
Nouvelles
Méditations
qui parurent en 1823
Le poète mourant.
La pre-
mière ébauche de cette pièce remontait à 1817.
A cette époque,
Lamartine était vraiment malade.
Il a plus tard repris ce
thèrhe et l'a développé.
Il était de bon ton pour un poète d'être
mourant.
(La chute des feuilles
et
Le Poète mourant
de Millevoye
ont paru en 1811.) On aurait pu dire que la maladie était l'état
naturel du poète, comme Pascal l'avait dit du chrétien.
Donc le
poète va mourir.
ta coupe de mes jours s'est brisée encor pleine.
Mais il ne s'en afflige pas, car il ne tient pas à la vie, comme
les autres hommes
Pour moi, qui n'ai point pris racine sur la terre,
Je m'en vais sans et tort, comme l'herbe légère
Qu'enlève le souffle du soir.
Viennent ensuite les vers qui nous sont proposés et auxquels
nous bornerons notre commentaire.
I.
Composition.
Trois strophes, trois idées traduites par des images.
1.
Le poète est un être à part, au-dessus de l'humanité; il
n'a point de demeure fixe ici-bas.
II passe indifférent au monde,
qui ne le connaît que par ses chants.
Lamartine le compare aux
oiseaux de passage
et la comparaison se poursuit pendant toute
la strophe; elle fait corps avec l'idée.
t La cinquième dans l'édition définitive (1849)..
»
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