Lamartine de l'émancipation des esclaves discours 1835
Publié le 20/11/2022
Extrait du document
«
Alphonse de Lamartine : De l’émancipation des esclaves
Extrait du discours prononcé à la chambre des députés le 23 avril 1835.
Lamartine, écrivain et homme politique, de par ses nombreuses prises de position depuis son
entrée à la Chambre des députés, contribua avec des gens comme Victor Schoelcher, à
l’élaboration du décret du 27 avril 1848, relatif à l’abolition de l’esclavage dans les colonies.
L’orateur qui a précédé Lamartine proposa l’ajournement1 de la question des colonies.
1
MESSIEURS,
Je ne viens pas combattre les conclusions de l’honorable colonel qui descend de cette
tribune ; mais je viens m’opposer à l’ajournement 1 et au silence qu’il invoque dans cette
question.
[…]
5
Loin de moi, messieurs, la pensée de m’affliger 2 de ce que la question des colonies
ramène ici la question de l’esclavage, question qui reviendra, selon nous, tant qu’elle n’aura
pas été résolue dans le sens de la raison, de la justice et de l’humanité ; nous ne pouvons
nous empêcher d’admirer, au contraire, cette toute-puissance de la conscience humaine que
rien ne peut étouffer, qui se soulève chaque fois qu’on prononce le mot d’esclave, qui
cherche à agir ou dans les assemblées délibérantes, ou dans des sociétés volontaires, et qui,
10
pour des intérêts qui lui sont étrangers, où elle semble complètement désintéressée, force
des hommes d’opinions, de religions et de nations diverses, à s’entendre d’un bout de
l’Europe à l’autre pour ce noble but de l’émancipation ! C’est là ce que j’admire, c’est là ce
qui devrait prouver aux plus incrédules, qu’il y a en l’homme quelque chose de plus fort, de
plus irrésistible que la voix de l’intérêt personnel, quelque chose de divin, de surhumain, qui
15
crie en lui-même contre ses mensonges, contre ses sophismes, et qui ne lui laisse le repos
que quand il a satisfait à ses inspirations de justice, et inauguré dans ses lois le principe qu’il
a dans son cœur !
[…] Nous ne devons pas oublier, nous n’oublierons pas que chaque parole
inflammable3 prononcée ici retentit non-seulement dans la conscience de nos collègues,
20
dans l’inquiétude des colons, mais aussi dans l’oreille de trois cent mille esclaves, que ce
que nous traitons touche à la propriété, à la fortune, à la vie de nos compatriotes des
colonies, que nous devons veiller avant tout à leur sûreté, dont nous répondons devant Dieu
et devant les hommes, et que nous ne devons éveiller dans les esclaves d’autres espérances
que celles que nous pouvons satisfaire sans commotion 4 pour les colonies, sans ruine pour
25
les propriétés, sans trouble, sans agitation pour les esclaves.
Je suis tellement pénétré,
messieurs, de ce devoir, que, pour ma part, je ne me serais associé ni à cette discussion, ni
aux efforts individuels des partisans de l’émancipation, si le contraste des colonies
anglaises, où l’émancipation est effectuée, avec nos colonies, où l’esclavage est maintenu,
et la présentation même du projet de loi, ne donnaient plus de péril au silence qu’à la
30
délibération.
[…]
Dans cet état de choses il est impossible que nos colonies ne s’agitent pas.
Les
esclaves entendent parler tous les jours de l’émancipation de leurs frères dans les colonies
anglaises ; l’impatience de la liberté les remue, ils attendent, ils complotent, ils désertent en
grand nombre ; le gouvernement et les conseils coloniaux craignent avec raison cette
35
contagion de la liberté qui se répand sur nos îles comme un fléau, et qui devrait s’y répandre
comme un bienfait ; ils vous demandent de nouvelles mesures, les événements prévus ou
imprévus les forceront à vous en demander de plus onéreuses 5 au trésor6 ; vous les
accorderez, parce qu’il faut à tout prix protéger les propriétés et les vies de nos
compatriotes, et, de nécessités en nécessités, de crédits en crédits ajoutés aux trente millions
40
que vos colonies coûtent déjà depuis longtemps à la France, vous aurez dépassé, peut-être,
le chiffre des dépenses que l’émancipation aurait coûtées au pays ! Vous aurez payé pour
retenir dans les fers, dans l’oppression, dans l’immoralité, dans le concubinage, dans la
privation de tout ce qui constitue l’humanité, trois cent mille esclaves ! plus qu’il ne vous en
aurait coûté pour appeler toute une race d’hommes à la liberté, au travail volontaire, à la
45
famille, à la religion, à la civilisation et à la vertu ! Voilà, messieurs, l’inévitable effet de ces
ajournements éternels des principes qui, en perpétuant le mal dans le présent, ruinent la
conscience des peuples, ruinent les mœurs, ruinent le trésor, et rendent le remède plus
impossible dans l’avenir !
669 mots
Annotations :
1.
2.
3.
4.
5.
6.
l’ajournement : le report à une date ultérieure
s’affliger de qc : (ici) craindre que
inflammable : qui peut susciter des fortes
une commotion : une perturbation sociale ou politique dû à un changement brutal.
onéreux, se : qui coûte cher , qui occasionne des grandes dépenses
le trésor : ici les caisses (richesses) de l’état.
Sujets d’étude
1.
Résumez le texte.
2.
Dégagez les arguments de l’auteur concernant l’esclavage dans les
colonies.
3.
Analysez la façon dont s’exprime Lamartine pour convaincre ou
persuader l’auditoire.
1.
Résumez le texte.
Auteur date doc
Son discours répond directement aux propos de son prédécesseur à la tribune qui
souhaitait reporter le débat sur les colonies.
Lamartine ne craint pas d’aborder la question des colonies liée à celle de l’esclavage.
L’esclavage révolte les hommes qui le combattent de toute leur force pour obtenir
l’émancipation.
Il loue l’humanité désintéressée qui est prête à se battre pour la liberté des hommes,
l’abolition de l’esclavage.
Il souligne l’importance et la responsabilité de ces discours à l’assemblée sur le sujet en
insistant sur les répercussions qu’ils ont sur les autres membres de l’assemblée, mais
aussi les colons, les milliers esclaves, la vie dans les colonies.
De plus....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Discours Lamartine
- Le Père Goriot (1835), texte 2 : « Discours de Mme de Beauséant à Rastignac »
- émancipation dans « Une si longue lettre »
- Analyse rhétorique du discours de Cicéron pour Milon
- Question d’interprétation Comment Dom Juan défend-il dans ce discours de l’hypocrisie ?