L'allégorie comme principe générateur dans les Fleurs du mal
Publié le 07/09/2013
Extrait du document
La Nature est un verbe
Loin de servir le culte du temple de la nature, la poésie,
devenue autonome, arrachée, comme la peinture Je sera bientôt
avec l'invention de l'abstraction, à ses tâches illustratives
et serviles, constitue J'architecture même de ce temple, elle
s'identifie à la fonction symbolique et connotative du langage,
à ce que Baudelaire appelle «l'allégorie«.
La transfiguration de la réalité
Dans sa lettre à Toussenel, Baudelaire écrit que «la Nature
est un verbe, une allégorie, un moule, un repoussé ... «, il
développera plus tard la même idée dans un passage des
Paradis artificiels, essai consacré à l'oeuvre et au destin de
Thomas De Quincey, l'auteur des Confessions d'un mangeur
d'opium. Dans le chapitre intitulé «Le Poème du hachisch«,
Baudelaire décrit les effets de l'ivresse procurée par ce « poison
excitant« qu'il prend soin au préalable de présenter
comme l'une des «incarnations les plus parfaites de !'Esprit
des Ténèbres pour enrôler et asservir la déplorable humanité
«: le haschich a la faculté, écrit-il, de pousser à outrance
ce qu'il appelle «la forme banale de l'originalité«. Sous le
pouvoir de la drogue, l'imagination exaltée inspire à l'individu
«la croyance en sa propre divinité«.
La transfiguration de la réalité qui se déroule alors sous le
regard intérieur et halluciné du «voyant« constitue le parfait
équivalent de l'état poétique, elle en est l'envers démoniaque:
« ..• la profondeur de la vie, hérissée de ses problèmes
multiples, se révèle tout entière dans le spectacle, si
naturel et si trivial qu'il soit, qu'on a sous les yeux, -
où le premier objet venu devient symbole parlant. Fourier
et Swedenborg, l'un avec ses analogies, l'autre avec
ses correspondances, se sont incarnés dans le végétal et
l'animal qui tombent sous votre regard, et au lieu d'enseigner
par la voix, ils vous endoctrinent par la forme et
par la couleur. L'intelligence de l'allégorie prend en
vous des proportions à vous-même inconnues, ce genre
si spirituel que les peintres maladroits nous ont accoutumés
à mépriser, mais qui est vraiment l'une des formes
primitives et les plus naturelles de la poésie, reprend sa
domination légitime dans l'intelligence illuminée par
l'ivresse.,.
«
nité »: le haschich a la faculté, écrit-il, de pousser à outrance
ce
qu'il appelle «la forme banale de l'originalité».
Sous le
pouvoir de
la drogue, l'imagination exaltée inspire à l'indi
vidu «la croyance en sa propre divinité».
La transfiguration de la réalité qui se déroule alors sous le
regard intérieur et halluciné du «voyant» constitue le parfait
équivalent de l'état poétique, elle en est l'envers démonia
que:
« ..• la profondeur de la vie, hérissée de ses problèmes
multiples, se révèle tout entière dans le spectacle, si
naturel et si trivial qu'il soit, qu'on a sous les yeux, -
où le premier objet venu devient symbole parlant.
Fou
rier et Swedenborg,
l'un avec ses analogies, l'autre avec
ses
correspondances, se sont incarnés dans le végétal et l'animal qui tombent sous votre regard, et au lieu d'en
seigner par la voix, ils vous endoctrinent par la forme et
par la couleur.
L'intelligence de l'allégorie prend en
vous des proportions à vous-même inconnues, ce genre
si
spirituel que les peintres maladroits nous ont accoutu
més à mépriser, mais qui est vraiment l'une des formes
primitives et les plus naturelles de la poésie, reprend sa
domination légitime dans l'intelligence illuminée
par
l'ivresse.,.
Une indivisible totalité
Un an après la publication de ces lignes, Baudelaire donnera
un ultime commentaire de
la notion de «correspondances»
dans son essai sur «Richard Wagner et Tannhauser à Paris»
paru le 1er avril 1861 dans la Revue européenne, donc l'année
de la deuxième édition des
Fleurs du Mal.
Avant de citer les
deux quatrains de son poème, Baudelaire livre ainsi son inter
prétation personnelle de l'ouverture de
Lohengrin:
«Je n'oserais certes pas parler avec complaisance de
mes rêveries, s'il n'était pas utile de les joindre ici aux
rêveries précédentes.
Le lecteur sait quel but nous pour
suivons : démontrer que la véritable musique suggère
des idées analogues dans des cerveaux différents.
D'ail
leurs, il ne serait pas ridicule ici de raisonner a priori,
sans analyse et sans comparaisons; car ce qui serait
vraiment surprenant, c'est que le son ne pût pas suggé-.
»
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