L'ALBATROS - BAUDELAIRE, Fleurs du mal (commentaire)
Publié le 10/10/2011
Extrait du document
«
Ce poème de Baudelaire est très significatif de la situation de ce poète dans le XIX• siècle.
Il écrit à la mi-siècle, alors que le romantisme
proprement dit est mort, mais que son influence et ses résurrections
protéiques ont une importance très grande sur les jeunes écrivains
des générations suivantes; la tendance « pittoresque » devenue
plus tard tendance de« l'Art pour l'Art» avec Th.
Gautier, s'épanouit
sous l'appellation d'école parnassienne; une nouvelle poésie, par
ailleurs, s'apprête à naître, dont Baudelaire et Verlaine feront entendre
les premiers accords : le symbolisme.
Cette triple inspiration apparaît
manifestement dans l'Albatros.
1.
L'inspiration romantique apparaît essentiellement dans l'idée que développe le poème : toute la grandeur du poète est dans son
aptitude au rêve, mais cela le rend inapte à la vie pratique; cette
supériorité qui le distingue de la foule fait de lui un étranger , et
souvent une victime, car la masse ne se contente pas de l'ignorer : elle lui est hostile; cette grandeur est donc pour lui un douloureux
fardeau, un don fatal du ciel, qui fera à la fois son bonheur et son
tourment.
On retrouve là un thème qu'Alfred de Vigny a traité bien des fois, traduisant lui aussi en vers ou en prose, une expérience vécue, dans Moise, dans Stella, dans Chatterton.
Là, est la source du divorce
entre les artistes et la société, divorce qui s'exprimera aussi dans le noir pessimisme de Leconte de Lisle ou le mépris anti-bourgeois
de Gautier et de Flaubert.
Chez Baudelaire, d'ailleurs, ce thème est
loin d'être seulement une attitude littéraire : le poète a véritablement
souffert sa vie durant, son œuvre est l'expression d'une douleur
authentique.
2.
Si l'on considère l'écriture même du poème, on y trouve une inspiration parnassienne non moins manifeste : structure très calculée, expressions frappantes, rythme travaillé.
Trois strophes développent
le symbole.
La première évoque le vol splendide des albatros, la deuxième oppose à la première la maladresse
de l'oiseau sur le pont du bateau, la troisième peint son pitoyable
martyre au milieu des marins : tableau complet et rapide, descente
progressive vers les humiliations triviales.
La quatrième strophe
renferme la signification du symbole : le poète est semblable à l'albatros.
Quatre seulement : la signification se suffit à elle-même, le poète l'amoindrirait s'il développait plus largement ou s'il commentait.
Des expressions bien forgées traduisent
en images ce que le.
poète
veut nous faire comprendre.
La nonchalance souveraine du vol.
»
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