L'agonie de Bataille : Septième partie, chapitre V (Germinal de Zola)
Publié le 20/11/2012
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Peu à peu, les fonctions du corps puissant de Bataille s'affaibliront sous l'action conjuguée de l'eau et de la terre. Au début, le galop est si emporté qu'il enlève la« tête« pliée, les «pieds« ramassés, soit le «grand corps« ; puis, dans la partie postérieure du corps, les « cuisses « et la « croupe « subissent les coups et la morsure de l'eau. Après quoi, les «membres«, endommagés par les aspérités des galeries («boisages« et «roches«), partent en «lambeaux«. Ensuite, l'étreinte se resserre pour« étouffer« le corps de l'animal. Les «jambes« de devant fracturées, les «flancs« coincés par la galerie, Bataille est paralysé dans sa course, sa fonction de locomotion neutralisée.

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L'agonie de Bataille • 179
lait-il ? là-bas peut-être, à cette vision de sa jeunes
se, au moulin où il était né, sur le bord de la Scarpe,
au souvenir confus
du soleil, brûlant en l'air com
me une grosse lampe.
Il voulait vivre,
sa mémoire
15 de bête s'éveillait, l'envie de respirer encore l'air
des plaines le poussait droit devant lui, jusqu'à
ce
qu'il eût découvert le trou, la sortie sous le ciel
chaud, dans la lumière.
Et une révolte emportait
sa
résignation ancienne, cette fosse l'assassinait, après
20 l'avoir aveuglé.
L'eau qui le poursuivait, le fouettait aux cuisses, le
mordait à la croupe.
Mais, à mesure qu'il s'enfon
çait, les galeries devenaient plus étroites, abaissant
le toit, renflant le mur.
Il galopait quand même, il
25 s'écorchait, laissait aux boisages des lambeaux de
ses membres.
De toutes parts, la mine semblait
se
resserrer sur lui, pour le prendre et l'étouffer.
Alors, Etienne
et Catherine, comme il arrivait près
d'eux, l'aperçurent qui s'étranglait entre les roches.
ao Il avait buté, ils 'était cassé les deux jambes de de
vant.
D'un dernier effort, il se traîna quelques
mètres; mais ses flancs ne passaient plus, il restait
enveloppé, garrotté par la terre.
Et sa tête saignan
te s'allongea, chercha encore une fente, de
ses gros
35 yeux troubles.
L'eau le recouvrait rapidement, il se
mit à hennir, du râle prolongé, atroce, dont les
autres chevaux étaient morts déjà, dans l'écurie.
Ce
fut une agonie effroyable, cette vieille bête, fracas
sée, immobilisée,
se débattant à cette profondeur,
40 loin du jour.
Son cri de détresse ne cessait pas, le
flot noyait sa crinière, qu'ille poussait plus rauque,
de sa bouche tendue
et grande ouverte.
Il y eut un
dernier ronflement, le bruit sourd d'un tonneau
qui s'emplit.
Puis un grand silence
tomba.>>.
»
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