L’Affaire Calas et Voltaire
Publié le 12/11/2018
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L’Affaire Calas
Le 10 mars 1762, un marchand d’étoffes toulousain nommé Jean Calas, âgé de soixante-trois ans, fut exécuté en place publique. Soumis à la question ordinaire et extraordinaire, il eut ensuite les membres brisés à coups de barre et resta exposé deux heures sur la roue, puis il fut étranglé, son corps brûlé sur le bûcher, ses cendres dispersées. Il expiait le meurtre de son fils aîné Marc-Antoine, vingt-huit ans, trouvé pendu cinq mois plus tôt dans la boutique paternelle. Crime religieux, avaient décidé les juges du parlement de Toulouse, confirmant l’instruction et la sentence des capitouls : le protestant Calas, avec la complicité de sa femme et d’un autre fils, d’une servante et d’un visiteur, avait supprimé son fils pour l’empêcher de réaliser son projet d’apostasie catholique.
Huit jours après l’exécution du père, les mêmes juges bannissaient le second fils Calas et prononçaient trois relaxes. Étrange contradiction, qui fut aussitôt présentée comme l’effet de la plus généreuse clémence.
En réalité, s’il est une chose que démontre clairement le dossier original du procès, c’est que la présomption de culpabilité avait commandé toute l’enquête, et qu’elle était bientôt devenue conviction, puis verdict, par l’interaction complexe de multiples facteurs : le fanatisme populaire et clérical, l’intolérance institutionnelle de la monarchie très-chrétienne, mais aussi la déficience des lois criminelles, le carriérisme ou la démagogie des magistrats, les pressions de la raison d'État.
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relaxes.
Étrange contradiction, qui fut aussitôt présentée
comme l'effet de la plus généreuse clémence.
En réalité, s'il est une chose que démontre clairement
le dossier original du procès.
c'est que la présomption
de culpabilité avait commandé toute l'enquête, et qu'elle
était bientôt devenue conviction, puis verdict, par l'inter
action complexe de multiples facteurs : le fanatisme
populaire et clérical, l'intolérance institutionnelle de la
monarchie très-chrétienne, mais aussi la déficience des
lois criminelles, le carriérisme ou la démagogie des
magistrats, les pressions de la raison d'État.
Aucune
preuve dans cet énorme dossier, aucun indice sérieux,
pas même du prétendu projet de conversion du fils : un
tissu de témoignages sollicités et orientés.
Calas reste
une figure du Maudit, de l'Autre.
Il fut sacrifié à deux
mois de la célébration solennelle du bicentenaire d'un
grand massacre local de huguenots -il fut « immolé à
l'ordre public�·.
écrit un juriste moderne au terme d'une
étude strictement technique.
Mais il mourut en attestant
le ciel de son innocence, sans l'aveu qui eût justifié
le jugement et chargé ses complices, d'où l'indulgence
aberrante du second verdict.
De cette > les émois des âmes sensibles, le snobisme des
blasés, le pathétique des estampes et la force persuasive
des idées, soulignant les progrès de la procédure par des
lettres ostensibles et par des collectes de fonds, soulevant
en vagues successives l'opinion française et européenne.
Jusqu'à la victoire finale : Je 7 mars 1763, l'appel est
autorisé; le 4 juin 1764, le jugement définitif est renvoyé
devant une instance exceptionnelle; Je 9 mars 1765,
enfin, les inculpés du premier procès sont tous acquittés
et la mémoire de Jean Calas réhabilitée, trois ans après
l'exécution -«le plus beau cinquième acte», Voltaire
l'a dit lui-même, de tout son théâtre.
Plus que l'affaire Sirven et que l'affaire du chevalier
de La Barre, entre autres cas d'injustice ou d'abus dont
Voltaire s'occupa par la suite, l'affaire Calas marque une
date et une référence.
Parce qu'elle constitue justement
l'archétype de ce phénomène d'opinion, à la fois prise
de conscience et crise de conscience collee ti ve, qu'est
une «affaire >•.
Elle illustre aussi, du moins pour J'his- toire
moderne, la capacité d'intervention et d'action
directe de l'écrivain dans sa communauté sociale et poli
tique, l'irruption de l'intellectuel dans la cité.
En février
1778, dans les rues et sur les quais, c'est« l'homme aux
Calas » que Paris célébrait, tandis que Versailles ignorait
Je Virgile et le Sophocle français : indice d'un nouveau
statut, à la fois réel et symbolique, de la littérature, et
d'autres responsabilités à prendre..
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