La vision du pouvoir politique dans les « essais » (I, 31 et III, 6)
Publié le 02/08/2014
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La colonisation du Nouveau Monde est l'occasion pour Montaigne de réfléchir au statut du pouvoir politique ; celui-ci trouve d'abord son fonde¬ment dans la violence primitive de la guerre puis dans l'ordre de la repré¬sentation — double dimension qui doit idéalement être tempérée par l'idée de mesure. Or, dans le Nouveau Monde, c'est la force des Conquistadores qui a seule dominé sans mesure, la toute-puissance de l'avoir au bénéfice de quelques-uns, et, finalement, la destruction des pays et des peuples.
«
La faiblesse du pouvoir
L'idée est que la démesure, recherchée dans la représentation du pouvoir, est
peut-être
un signe de la faiblesse de ce pouvoir: «c'est une espèce de pusillani
mité aux monarques, et
un témoignage de ne sentir point assez ce qu'ils sont, de
travailler à
se faire valoir et paraître par dépenses excessives » (III, 6, p.
160).
Les grands travaux
Il est sans doute plus utile que la grandeur, comme le réclamait Démosthène,
« se montre en quantité de vaisseaux bien équipés et bonnes armées fournies » ;
sans parler de constructions durables qui servent le peuple : ports, fortifications,
«églises, hôpitaux, collèges, réformation de rues et chemins» (III, 6, p.
161.) .
..
Ill -LA CRITIQUE DE LA FORCE
La dénonciation de l'avoir
L'attitude des Européens devant la découverte du Nouveau Monde dévoile des
visées mercantiles :
« nous lui aurons bien cher vendu nos opinions et nos arts »
(III, 6, p.
169) ; tout est ici ironique, de même que dans cette phrase où revient le
verbe « vendre » : « quant à la dévotion, observance des lois, bonté, libéralité,
loyauté, franchise,
il nous a bien servi de n'en avoir pas tant qu'eux [les Indiens] ;
ils
se sont perdus par cet avantage, et vendus et trahis eux-mêmes» (ibid., p.
170).
La perversité de la conquête
Face à la guerre désintéressée et aristocatique des Indiens, fondée sur la gloire
et la valeur, nous avons mené une guerre de conquête :
« nous nous sommes servis
de leur ignorance et inexpérience à les plier plus facilement vers la trahison,
luxure, avarice et vers toutes sortes d'inhumanité et de cruauté, à l'exemple et pa
tron de nos mœurs
»(III, 6, p.
171).
À la liberté des sujets, nous avons opposé l'ap
plication d'un système qui annihile autrui.
La justice du pouvoir
Devant la force aveugle des conquérants, le pouvoir dont ils dépendaient n'a pu
finalement que les désavouer : « plusieurs chefs ont été punis à mort, sur les lieux de
leur conquête, par ordonnance des rois de Castille, justement offensés de l'horreur
de leurs déportements et quasi tous désestimés et mal-voulus
[haïs]» (III, 6, p.
175).
Conclusion: D'un côté donc, la vision aristocratique et guerrière des In
diens, où le pouvoir politique, dominé par l'éthique du combat, semble
étranger à tout sentiment de !'Histoire.
De l'autre,
un pouvoir qui se perpé
tue en s'appuyant sur des signes extérieurs de représentation mais qui se
soumet
au regard de !'Histoire et qui par là se devra de condamner, comme
le feront par exemple les rois de Castille, des actes ignobles commis en son
nom.
Tout pouvoir politique doit donc
se définir par la façon dont il s'im
pose et par les moyens auxquels
il a recours pour se maintenir.
Il semble
que la force, tempérée par léthique aristocratique, et l'ordre de la représen
tation, fondé sur la justice, permettent de définir, pour Montaigne,
un idéal
politique..
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