La Terre - Jules Supervielle
Publié le 16/06/2015
Extrait du document
«
leurs thèmes (l'éveil, la naissance...) sont plus sereins que dans les poèmes de l'impair où
transparaissent l'angoisse et le vertige.
De plus, les poèmes réguliers sont généralement organisés en
strophes, généralement paires elles aussi, de 6 ou 2 vers et le plus souvent des quatrains, alors que les
autres ne présentent pas de schéma répétitif et se déroulent selon des laisses de longueur inégale.
Précisons cependant que là où domine la strophe, l'organisation du poème n'est pas rigide : un distique
peut s'insérer au milieu des quatrains, (cf.
3) où un vers rester isolé.
Tout se passe comme si la strophe
se moulait sur les contours de la phrase.
C'est d'ailleurs une des caractéristiques de Gravitations que
cet ajustement de la métrique à l'organisation linguistique.
Les mesures métriques, dans les poèmes
réguliers aussi bien qu'irréguliers, coïncident avec les groupes rythmiques accentuels et donc avec des
articulations syntaxiques et sémantiques.
De cette concordance entre mètre et rythme naît une fluidité qui contribue à donner à cette poésie le
ton de la conversation.
Et de même, l'organisation en strophes respecte-t-elle ordinairement le
mouvement de la phrase.
L'essentiel est ici, comme pour le mètre, une correspondance claire et
immédiate entre la forme et le sens, entre le moule métrique et les unités rythmiques linguistiques.
Cette allure de naturel se retrouve dans les sonorités, et en particulier dans les rappels phoniques de fin
de vers.
Souplesse et approximation : nulle violence n'est faite à la langue et au naturel devant
lesquels cèdent, s'il en est besoin, les conventions poétiques.
En dehors de ces répétitions d'extension
et de portée limitée, il n'y a pas dans Gravitations de concentrations de sons identiques ou proches :
par ce trait aussi, la poésie de Supervielle se rapproche de la conversation.
Elle est une parole
ordinaire, minimalement organisée.
2 - La morpho-syntaxe
De l'étude des configurations qui caractérisent Gravitations on retirera la même conclusion que de
celle de la versification : si l'on voit émerger quelques procédés et figures récurrents, ils ne constituent
jamais des ruptures saillantes par rapport à la conversation ordinaire et le ton reste naturel.
2.1.
- Schémas récurrents
L'inversion est une des figures de prédilection de Gravitations.
Les principales sont permutées avec
les compléments directs et prépositionnels.
L'inversion est donc cantonnée dans de justes limites.
On
peut lui attribuer plusieurs fonctions.
Dans quelques cas isolés, elle présente une valeur expressive, en
particulier lorsqu'elle place un verbe en tête de phrase.
Et surtout elle correspond à une tendance de l'écriture de Supervielle.
Considérons par exemple les
relatives introduites par où et les subordonnées en que, relatives, complétives ou circonstancielles, qui
constituent des schémas récurrents dans Gravitations.
C'est l'inversion qui est systématiquement
préférée, constituant ainsi un des schémas récurrents de la poésie de Supervielle.
Il utilise en effet
fréquemment des schémas morpho-syntaxiques associés à des schémas métriques qui leur permettent
de constituer immédiatement un vers.
Cette tournure se retrouve dans plusieurs poèmes du recueil et se présente bien sous la forme d'un
moule morphologique, syntaxique et sémantique, le sans induisant l'évocation d'un monde où les lieux
et les êtres sont démunis des caractères qui les définissent ; la forme est ainsi liée à la conception du
monde et à l'imaginaire du poète.
La formule étant « une expression qui est régulièrement employée,
dans les mêmes conditions métriques, pour exprimer une certaine idée essentielle » (Parry).
2.
»
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