La tentative de meurtre en tant que représentation de l'amour
Publié le 07/05/2011
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Le rouge et le noir de Stendhal est un véritable miroir à la société du 19e siècle. Ce roman met en parallèles une myriade d’éléments, tant du récit que du contexte historique. En effet, Stendhal ne considère pas son roman comme un roman parce que « tout ce qu’il raconte est réellement arrivé « (p.668). Le récit de Julien contient énormément de similarités avec celui d’Antoine Berthet, un jeune séminariste qui a fait une tentative de meurtre dans une église, tout comme Julien. Mais, autre que les parallèles entre le contexte historique et le récit, ce « roman « comble le lecteur en opposition et en similarité. Dans cette optique, les deux tentatives de meurtre de Julien, celle de madame de Rênal et celle de Mathilde, sont une représentation de l’amour. Ainsi, l’acte de Julien reflète la relation qu’il a avec ses victimes qui, toutes deux, interprètent l’acte de façon favorable, mais à leur façon.

«
la vie que Dieu lui donna.
D'autres part, elle disait : « Et mourir de la main de Julien serait le comble des félicités.»(p.593).
Elle voit donc dans son assassinat par Julien, un sentiment d'honneur.
Ainsi, madame de Rênal met Dieud'égal à égal avec Julien.
Le terme « félicités », étant attaché à la religion, nous laisse croire que madame de Rênalinterprète cette tentative d'assassina de la même façon qu'une religieuse interpréterait toute action de Dieu dans savie.
Madame de Rênal accorde donc autant, si non plus, d'importance à Julien qu'à Dieu et elle en est parfaitementconsciente.
Rappelons-nous ce qu'elle dit à Julien en prison : « Je sens pour toi ce que je devrais sentir uniquementpour Dieu [...] »(p.640).
Stendhal fait valoir sa théorie De l'amour dans le rouge et le noir.
Ayant distingué 4 types d'amour (amour-passion;amour-goût; amour de vanité; amour physique), Stendhal les fait paraître même dans les tentatives de meurtre deJulien.
Alors que l'amour de Julien envers madame de Rênal consiste en un amour-passion, celui qu'il éprouve pourMathilde est beaucoup plus complexe.
Plus complexe dans le sens qu'il constitue un mélange d'amour de vanité etd'amour physique (du moins, ce n'est aucunement de l'amour-passion).
Lorsqu'il brandit l'épée, ce qui le retint detuer Mathilde est l'idée de tuer la fille du marquis de La Mole.
« Je tuerais sa fille! Quelle horreur! » se dit-il.
De plus,l'auteur nous laisse savoir que « [Julien] eût été le plus heureux des hommes de pouvoir la tuer.
»(p.467).
Oncomprend donc que Julien avait réellement envie de la tuer et que la seule chose qui le lui en empêcha était del'ordre des statuts social.
Il était le secrétaire de monsieur de la Mole et, elle, était la fille de monsieur de la Mole.
Ilétait donc inconcevable qu'il tue la fille de son bienfaiteur.
Ainsi, ce n'est pas l'amour-passion qui l'en empêcha detuer Mathilde, mais bien l'amour de vanité puisque c'est l'idée du marquis qui le fit réaliser qu'il ne pouvait pas tuerMathilde.
Ensuite, étonnamment, en voyant Mathilde s'enfuir, Julien dit : « Mon Dieu! qu'elle est belle! »(p.468).
Cecilaisse voir que Julien éprouvait aussi de l'amour physique pour Mathilde.
En faisant ressortir ces deux types d'amour,l'auteur a voulu nous montrer que l'amour de Julien envers Mathilde est tout sauf de l'amour-passion.
Ainsi, Julienn'aime pas réellement Mathilde, mais aime la position sociale de son père (le marquis) et la beauté de Mathilde.
Néanmoins, l'amour que Julien éprouve pour madame de Rênal est réellement un amour-passion.
Dans l'église, justeavant la tentative de meurtre, Julien se dit : « Je ne le puis [...] »(p.591).
Julien ne voulait donc pas réellement tuermadame de Rênal.
De plus, le narrateur donne très peu d'information sur la tentative d'assassinat.
Il dit seulement :« Julien ne la reconnaissait plus aussi bien; il tira sur elle un coup de pistolet et la manqua; il tira un second coup,elle tomba.
»(p.591).
Décevant non? Et bien, le fait est que l'auteur a voulu exprimer à quel point tout s'est passévite.
Mais un élément de cette phrase est particulièrement important;« Julien ne la reconnaissait plus aussi bien [...]» (p.591).
L'auteur a voulu nous faire comprendre que le geste de Julien ne s'adressait pas directement à madamede Rênal, qu'il ne reconnaissait plus très bien, mais bien à la personne qui écrivit la lettre à monsieur de La Mole.D'autre part, en prison, lorsque madame de Rênal vint voir Julien pour lui faire signer l'appelle de sa sentence demort et qu'elle lui proposa de se tuer avec lui, Julien lui répondit : « je retire ma parole; je n'appelle pas de lasentence de mort, si par poison couteau, pistolet, charbon ou de toute autre manière quelconque, tu cherches àmettre fin ou obstacle à ta vie.
»(p.641).
Cela nous confirme donc que Julien ne veut pas, et ne l'a jamais voulu,que madame de Rênal meure.
Plusieurs autres phrases dites par Julien, dans cette discussion entre lui et madame deRênal, nous laissent croire qu'il l'aime énormément et l'a toujours aimé : « Sache que je t'ai toujours aimée, que jen'ai aimé que toi » (p.639); « Viendras-tu me voir tous les jours pendant ces deux mois? »(p.639); « Ne pouvons-nous pas passer deux mois ensemble d'une manière délicieuse? Deux mois, c'est bien des jours.
Jamais je n'aurai étéaussi heureux.
»(p.641); le narrateur dit même : « Jamais il n'avait été aussi fou d'amour.
» (p.640).
Parconséquent, la tentative de meurtre de Julien ne montre pas directement que Julien éprouve de l'amour-passionpour madame de Rênal et n'exprime surtout pas non plus qu'il ne l'aime pas, mais ses réactions quand il la revoitalors qu'il est en prison, quant à elles exprime énormément d'amour et de passion; d'amour-passion.
Tout compte fait, la comparaison entre les deux tentatives de meurtre nous laisse voir beaucoup plus de différencesque de ressemblance.
D'ailleurs, les sentiments que Julien éprouve pour ses deux victimes sont extrêmementdifférents pour l'une que pour l'autre.
La grande ressemblance est que, dans les deux cas, il s'agit d'une tentative demeurtre échouée et qui est interprété favorablement par les victimes.
Stendhal nous surprend donc avec despersonnages qui agissent et réagissent singulièrement dans un siècle singulier qui «[...] est fait pour tout confondre» et qui « march[e] vers le chaos.
» (p.577)..
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