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La technique - Histoire de la littérature

Publié le 25/01/2018

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technique

; il peint le monde réel sans descriptions somptueuses ni grossièreté ridicule; il doit le rendre présent dans ses circonstances familières, parce qu'elles font comprendre le caractère des personnages : la scène du repas, dans Manon Lescaut, juste avant que les laquais de son père ne viennent frapper à la porte de Des Grieux 2; la scène où Jacob, dans Le Paysan parvenu, essaie sa première robe de chambre; la scène du thé à l'anglaise dans la Cinquième Partie de La Nouvelle Héloïse fournissent des exemples caractéristiques de ce réalisme sobre et précis, qui ne se plie à aucun a priori esthétique. Mais il ne manque pas d'accent; la des­cription renferme un sens dramatique, ou ironique, ou une question; le monde est à comprendre et à conquérir, l'homme y affronte des forces hostiles, les autres hommes, la nature, le destin; au pointillisme de l'époque précédente (celle de Cour­tilz de Sandras, de Hamilton, des premières œuvres de Lesage et de Marivaux) succède un dynamisme tantôt tragique, tantôt sceptique, tantôt sentimental, tantôt empirique, exprimé dans un style nerveux et sensible que chaque écrivain doit se forger. On ne peut ranger sous la même rubrique la malice de Lesage, l'intensité de Prévost, la minutie de Marivaux, l'esprit de Voltaire et la chaleur de Rousseau, mais il est impossible de ne pas voir dans chacun de ces styles se manifes­ter un élan ou un refus, la prise de possession ou le dépassement de la donnée immédiate.

première personne parce qu'elle est la plus capable de créer l'illusion romanesque 1 et de répondre à ce que le public veut, par le roman, apprendre sur lui-même, en mettant en lumière le point de vue individuel, la sensibilité, l'adresse, l'énergie: la chance ou la malchance d'un individu; en un mot, l'emploi de la première personne permet aux romanciers une transposition du réel moins forte et plus plausible que celle qu'ils trouvaient dans les romans à la troisième personne des époques précé­dentes. La première personne pose des problèmes sur lesquels les romanciers ne se sont guère expliqués et qu'ils ont résolus avec un bonheur inégal : ne raconter que ce que le narrateur a pu voir et savoir; faire sentir la différence entre le passé remémoré et le présent de la remémoration; anticiper avec discrétion sur les événe­ments quand la clarté du récit l'exige, sans livrer au lecteur leur dénouement que le narrateur n'ignore évidemment pas; donner à ce narrateur une personnalité cohé­rente qui ne se confonde pas avec celle du romancier; le présenter à juger au lecteur, sans marquer entre lui et l'auteur réel une distance qui favoriserait ttop l'ironie ... Les solutions diffèrent selon les romanciers et même selon les romans.

Le roman épistolaire est une variante du roman à la premièr~ personne très fréquente aussi au XVIII8 siècle; il se développera surtout après La JI. uvelle Héloïse, mais est représenté déjà auparavant par des œuvres importantes co.ume les Lettres Persanes de Montesquieu, les Lettres de la marquise de M ... au comte de R ... de Crébillon, les Lettres d'une Péruvienne de Mme de Grafigny, les Lettres de Mistriss Fanni Butlerd et les Lettres de Milady Catesby de Mme Riccoboni; le nombre des épistoliers est variable; les lettres peuvent n'avoir aucun rôle dans l'action, accomplie ou en cours, qu'elles relatent, elles peuvent être au contraire le moteur ou l'un des moteurs de l'action. C'est dans ce dernier cas que le roman épistolaire remplit vraiment sa fonction : le roman-mémoires dévoile, dans l'ordre de la chronologie combiné à l'ordre de l'expérience, une action vécue dans le passé par le narrateur, et dont celui-ci possède désormais tous les éléments; le roman épistolaire fait assis­ter le lecteur au développement présent d'une action dont l'avenir est encore indé­terminé et que chacun des narrateurs n'aperçoit que de façon déformée et fragmen­taire

technique

« première personne parce qu'elle est la plus capable de créer l'illusion romanesque 1 et de répondre à ce que le public veut, par le roman, apprendre sur lui-même, en mettant en lumière le point de vue individuel, la sensibilité, l'adresse, l'énergie: la chance ou la malchance d'un indivi du; en un mot, l'emploi de la première personne permet aux romanciers une transposition du réel moins forte et plus plausible que celle qu'ils trouvaient dans les romans à la troisième personne des époques précé­ dentes.

La première personne pose des problèmes sur lesquels les romanciers ne se sont guère expliqués et qu'ils ont résolus avec un bonheur inégal : ne raconter que ce que le narrateur a pu voir et savoir ; fa ire sentir la diff érence entre le passé remémoré et le présent de la remémorat ion; anticiper avec discrétion sur les événe­ ments quand la clarté du récit l'exige, sans livrer au lecteur leur dénouement que le narrateur n'ignore évidemment pas; donner à ce narrateur une personnalité cohé­ rente qui ne se confonde pas avec celle du romancier; le présenter à juger au lecteur, sans marquer entre lui et l'auteur réel une distance qui favoriserait ttop l'ironie ...

Les solutions diffèrent selon les romanciers et même selon les romans .

Le roman épistolaire est une variante du roman à la premièr� personne très fr équente aussi au XVIII 8 siècle ; il se développera surtout après La JI.

uvelle Héloïse, mais est représenté déjà auparavant par des œuvres importantes co.ume les Lettres Persanes de Montesquieu, les Lettres de la marquise de M ...

au comte de R ...

de Crébi llon, les Lettres d'une Péruvienne de Mme de Grafigny , les Lettres de Mistriss Fanni Butlerd et les Lettres de Milad y Catesb y de Mme Riccoboni; le nombre des épistoliers est variable ; les lettres peuvent n'avoir aucun rôle dans l' action, accomplie ou en cours, qu'elles relatent, elles peuvent être au contraire le moteur ou l'un des moteurs de l'action.

C'est dans ce dernier cas que le roman épistolaire remplit vraiment sa fonction : le roman-mémoires dévoile, dans l'ordre de la chronologie combiné à l'ordre de l'expérience, une action vécue dans le passé par le narrateur, et dont celui-ci possède désormais tous les éléments ; le roman épistolaire fait assis­ ter le lecteur au développement présent d'une action dont l'avenir est encore indé­ terminé et que chacun des narrateurs n'aperçoit que de façon déformée et fragmen­ taire 2• b) LA COMPOSITION : le remplacement du point de vue omniscient du créateur par le poinL de vue expérimental du narrateur entraînait la ruine des procédés de composition harmonieuse; le monde et les hommes sont vus par un individu selon les aventures de son existence, et celle-ci peut quelquefois suivre une ligne bien dessinée (Gil Bias, encore que le has ard préside aux rencontres dont la succession constitue l'histoire du héros), mais le plus souvent elle ne trouve son sens qu'après bien des erreurs et des errances (Clevel and) , quand elle n'apparaît pas finalement I.

Le mot illusion employé seul est équivoque : il peut désigner la persuasion où se trouve le lecteur (ou le spectateur) que le contenu de l'œuvre est absolument authentique (c'est l'illusion du factionnaire de Baltimore qui tira un coup de fusil sur Othello, comme le raconte Stendhal au chapitre T de Racine et Shakes peare).

Dans l'illusion artistique, théâtrale ou romanesque, le sentiment de la fiction n'est jamais complètement aboli.

Sur l'erreur des lecteurs qui crurent authentiques les lettres de La Nouvelle Hélofse, cf.

infr a, p.

423.

2.

Voir dans Jean RoussET, Forme et Signi fication, Paris 1962, le chapitre IV : c Une fo rme épistolaire : le roman par lettres •·. »

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