La structure ; Éthiopiques de Léopold Sédar Senghor

« E X P 0 S É S Il -SYMÉTRIES ET DISSYMÉTRIES UN RECUEIL SANS AXE NET Une composition décentrée F C H E S Une lecture qui ferait de « L'absente» le centre unique du recueil méconnaî­ trait cependant le rôle primordial joué par le poème « Chaka ».

En effet, ce poème fait écho, sur le plan thématique, à« L'absente», dans la mesure où il met en scène un personnage mythique de!' Afrique primordiale(!'« Absente» que le poète veut chanter).

Héraut de la négritude, Chaka -avec lequel se confond le poète -s'af­ firme comme le porteur de« la Bonne Nouvelle» (p.

131) annoncée dans« L'ab­ sente » (III, p.

111 ).

Le réseau thématique qui unit ces deux poèmes implique un léger décentrage dans la composition, d'autant plus qu'un autre poème,« À New York», les sépare.

Ces trois textes reposent sur une unité thématique forte, qui leur donne une valeur essentielle au cœur du recueil.

En effet, au cœur des deux figures de l'Afrique (l' Absente et Chaka), « À New York » fait apparaître un Occident revisité par la conscience nègre : à Manhattan, où « les eaux obscures charrient des amours hygiéniques, tels des fleuves en crue des cadavres d'enfants» (p.

116), le poète préfère Harlem, où vibre encore l'âme nègre,« bourdonnant de bruits de couleurs solennelles et d'odeurs flamboyantes» (p.

116).

Ce voyage à New York lui apporte donc la confirmation de ce qui est sa mission, exprimée dans « Chaka »:porter« tous les peuples à la peau noire» (p.

129).

Chaka et I' Absente: points d'ancrage du recueil Si on lit le recueil dans cette perspective, on constate qu'il comporte deux axes au lieu d'un, et qu'il est centré sur deux figures, elles-mêmes dédoublées.

En effet, l' Absente est à la fois l'Afrique primordiale qui fonde l'identité nègre et la Femme aimée qui nourrit le lyrisme de Senghor : la communauté des images sensuelles et naturelles se rapportant à !'Afrique et à la Femme accentue encore cette assimilation (dans «Congo », par exemple).

De même,« la passion» de Chaka, héros de la négritude, est bien aussi celle du Poète, avec lequel il se confond d'ailleurs : « J'ai longtemps parlé dans la solitude des palabres/ Et beau­ coup combattu dans la solitude de la mort/ Contre ma vocation.

Telle fut l'épreuve, et le purgatoire du Poète » (p.

129).

Une logique de l'échec Reste que les problèmes posés dans le cœur du recueil ne trouvent pas leur réponse dans les poèmes qui suivent.

La dynamique positive de retour aux ori­ gines qui anime les cinq premiers poèmes est appréhendée sur un mode conflictuel dans les trois poèmes centraux, tandis que les trois derniers réitè­ rent, dans une tonalité élégiaque, les déchirements et les angoisses du poète.

Conclusion : Quel que soit donc le découpage retenu, la structure du recueil repose bien sur une dialectique négative: les conflits qu'elle met en évidence ne sont pas surmontés.

Ce recueil, qui fait un bilan des années d'engagement politique de Senghor depuis 1945, exhibe plus de tensions et d'échecs que de certitudes.. »