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La solitude : dangers et avantages

Publié le 17/01/2012

Extrait du document

« Solitude, où je trouve une douceur secrète, Lieux que j'aimai toujours, ne pourrai-je jamais, Loin du monde et du bruit, goûter l'ombre et le frais ! « Ainsi s'exclame La Fontaine, dans Le songe d'un habitant du Mogol. Combien de rêveurs, de contemplateurs, d'êtres, las de l'agitation, de la «cité«, du monde, ou simplement des autres, ont désiré eux aussi se réfugier dans quelque « asile « pour y retrouver paix, liberté, sécurité, et surtout pour se retrouver «soi-même « !

« RÉSUMÉ/ANALYSE 37 mon angoisse cette suprême déchéance.

Mais mes rela­ tions avec les choses se trouvent elles-mêmes dénàturées par ma solitude.

Lorsqu'un peintre ou un graveur intro­ duit des personnages dans un paysage ou à proximité d'un monument, ce n'est pas par goût de l'accessoire.

Les personnages donnent l'échelle et, ce qui importe davantage encore, ils constituent des points de vue possi­ bles qui ajoutent au point de vue réel de l'observateur d'indispensables virtualités.

A Spéranza(l), il n'y a qu'un point de vue, le mien, dépouillé de toute virtualité.

Et ce dépouillement ne s'est pas fait en un jour.

Au début, par un automatisme inconscient, je projetais des observateurs possibles - des paramètres -au sommet des collines, derrière tel rocher ou dans les branches de tel arbre.

L'île se trouvait ainsi quadrillée par un réseau d'interpolations (2) et d' extrapo­ lations (2) qui la différenciait et la douait d'intelligibilité.

Ainsi fait tout homme normal dans une situation nor­ male.

Je n'ai pris conscience de cette fonction -comme de bien d'autres - qu'à mesure qu'elle se dégradait en moi.

Aujourd'hui, c'est chose faite.

Ma vision de l'île est réduite à elle-même.

Ce que je n'en vois pas est un inconnu absolu.

Partout où je ne suis pas actuellement règne une nuit insondable.

Je constate d'ailleurs en écri­ vant ces lignes que l'expérience qu'elles tentent de resti­ tuer non seulement est sans précédent, mais contrarie dans leur essence même les mots que _j'emploie.

Le lan­ gage relève en effet, d'une façon fondamentale, de cet uni­ vers peuplé où les autres sont comme autant de phares créant autour d'eux un îlot lumineux à l'intérieur duquel tout est -sinon connu -du moins connaissable.

Les phares ont disparu de mon champ.

Nourrie par ma fan­ taisie, leur lumière est encore longtemps parvenue 1.

C'est le nom que Robinson a donné à l'fie sur laquelle il a été rejeté.

2.

Interpolation : action d'insérer dans un ouvrage des passages qui n'en /Ont pas partie; ici action d'introduire dans l'fie des éléments qui lui sont étran­ gers; Extrapolation : action de passer d'une idée à une autre, beaucoup plus complexe, en raisonnant par analogies.. »

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