La Satire II et Le Chant III de Nicolas Boileau-Despréaux
Publié le 03/01/2013
Extrait du document
En guise de synthèse, nous constatons certains traits propres à Boileau dévoilés par l’analyse de la
Satire II et du Chant III. Si dans le premier, Boileau s’efface au profit d’un Molière malgré tout pas si
parfait, peu de temps après le décès de celui-ci , Boileau abandonne la mascarade qui lui servit peut-être
à étendre sa popularité et dénonce d’un
oeil critique certains aspects moins flatteurs de son ancien ami. Si d’aucun peuvent s’émouvoir de cette
attitude quelque peu surprenante de Boileau envers son ancien ami, nous ne pouvons que constater que
le professionnalisme dont a toujours fait preuve Boileau, ici, encore une fois, prédomine. Cependant,
reste ouverte la question de savoir si ce professionnalisme n’est pas teinté d’opportunisme .
«
dévalorisation qu’il porte sur lui -même est toute calculée.
Le but est d’élever, par contraste, Molière en
maître de prose.
Ce faisant, il devient l’ami providentiel et public de Molière, alors que ce dernier vient de
se voir interdire Tartuffe (1664).
Selon Brossette , il arrivait aussi parfois à Boileau de reprendre certains vers de Molière, comme par
exemple cet extrait de la scène première des Femmes savantes : Quand sur une personne on ne peut
s’ajuster, / C’est par les beaux côtés qu’il faut imiter qui devient, après ajustement : Quand sur une
personne on prétend se régler, / C’est par les beaux endroits qu’il lui faut ressembler.
» Ce fait prouve
donc que cette satire est une de flatterie bienséante faite à un ami .
Un peu plus loin, nous trouvons certains auteurs mal aimés, tels l’abbé de Pure, qui rime avec figure ou
Quinault , rimant avec défaut, qui sont raillés .
Mais, par jeu, Boileau se dévalorise aussi longuement (v.
11 à 96), imaginant avec quel plaisir, si
talentueux, aidé des muses, il mettrait en pièces Malherbe (v.
46).
Il excuse son manque de talent par
son interdiction de se satisfaire de rimes approximatives (v.
93).
Son but est la perfection (v.
94).
C’est
pourquoi,
surpasser Malherbe, après Molière, serait un ultime aboutissement de l’art poétique.
Là encore, nous
constatons ce subtil mouvement des positionnements des auteurs connus : Boileau, pourtant si
perfectionniste, se place en dernière position.
Malherbe, dont la réputation n’est plus à faire, est placé
après Molière.
Ce choix ne fait que renforcer la position qu’il veut dominante de Molière.
Boileau excuse encore son prétendu manque de talent par la modestie et la sagesse qui le poussent à
fuir la célébrité et les honneurs (v.
65) et à préférer la liberté à des protections financières (v.
66) le
contraignant à louer tout autre objet que ceux de son cœur (v.
65).
Pour Boileau, Pelletier ou voire Scudéry, jouissent d’un sort plus enviable au sien, malgré le manque de
passion, de bon sens et d’art dont fait preuve l’œuvre de Scudéry (v.
76 et 77).
Il prétend même qu’un sot
est toujours amoureux de ce qu’il vient d’écrire, ravi d’étonnement et s’admire (v.
89 et 90).
Cette
définition place volontairement Boileau en retrait par rapport à ces deux auteurs dont il cite pourtant
explicitement la nonchalance littéraire.
Mais en réalité, implicitement et par opposition, Boileau se définit
comme étant intelligent et brillant car, ce qu’il définit comme étant sa faiblesse est effectivement sa force.
A la fin
de cette satire, avec une certaine modestie, Boileau révèle la source de son handicap poétique : son
perfectionnisme ne le détache pas des règles anciennes de versification, lui, le grand défendeur des
valeurs de la littérature antique.
Il dit encore qu’il aspire à imposer les règles de l’art à son travail mais n’y
parvient pas (v.
85 et 86).
Il clôt cette satire dans le rôle du désespéré.
Il s’adresse à son ami Molière qui
le comprend si bien (v.
97) et lui demande de l’enseigner, lui, Boileau, à écrire des rimes (v.
98).
Boileau,
là encore, dissout ses propres qualités, celles qui font sa distinction, à la faveur de Molière.
En guise de chute, Boileau renonce à la rime, car inefficace à fournir un bon travail.
Il se place dans le
rôle du poète victime, si impuissant à rimer qu’il sollicite le plus grand maître en la matière, son ami
Molière, afin qu’il lui apprenne l’art de ne plus rimer (v.
99), pour son repos, s’estimant au paroxysme de
la déchéance littéraire.
Ce jeu, par apposition, transpose Molière sur le chemin de l’éminence poétique et
clôt en apothéose cette ovation qui lui est destinée.
III.
Contexte factuel de la composition du Chant III
Le Chant III est un poème en alexandrins, tiré de l’Art poétique, ouvrage qui rassemble les idées, les
critiques et les éloges littéraires de
Nicolas Boileau, théoricien de l’esthétique.
Le livre est édité pour la première fois en 1674, l’année où
l’auteur rencontre le roi et trois ans avant qu’il devienne son historiographe.
Boileau jouissait donc déjà
d’une grande influence sur ses contemporains..
»
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