LA QUERELLE - Chant I de l'ILIADE d'HOMERE
Publié le 20/03/2011
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L'Iliade s'ouvre au moment où les Achéens sont victimes d'une peste, dont Apollon les frappe pour venger le prêtre Chrysés, à qui Agamemnon a refusé de rendre sa fille, Chryséis. Ces événements donnent lieu à une altercation entre Achille et Agamemnon, dont le récit fait le sujet principal du premier chant, tel que l'ont délimité les critiques alexandrins. Le thème des Querelles paraît avoir été un de ceux pour lesquels les aèdes et leur public avaient une prédilection marquée. Celle qui s'élève entre le généralissime et le plus vaillant des chefs qui lui font cortège est d'une violence singulière, et produit de graves conséquences. Agamemnon ne consent à rendre Chryséis qu'en prenant à Achille, comme compensation, une autre jeune captive, Briséis. Achille, irrité, se retire dans la partie du camp qu'il occupe avec les Myrmidons et cesse de participer aux combats. Son ressentiment va plus loin que cette abstention. Fils d'une déesse marine, Thétis, il évoque sa mère, et la supplie d'obtenir de Zeus que le maître des Dieux donne la victoire aux Troyens. jusqu'à ce qu'Agamemnon répare sa faute. La démarche de Thétis et le banquet des Olympiens qui la suit terminent ce premier chant.
«
l'arc d'argent.
Il atteignit d'abord les mulets, et les chiens agiles.
Puis sur les Achéens même les traits acérés qu'ildécochait s'abattirent ; sans relâche les bûchers des morts se consumaient en grand nombre.
Neuf jours durant, surle camp, volèrent les flèches du dieu.
la querelle.
(54-247).
Le dixième jour, Achille appela l'armée à l'assemblée ; l'idée lui en avait été inspirée par Héré aux bras blancs ; carelle prenait en pitié les Danaens, en les voyant ainsi mourir.
Lors donc qu'ils furent réunis et eurent formél'assemblée, Achille aux pieds légers se leva au milieu d'eux, et il dit : « Atride, je crois que maintenant nous allonsfaire route en arrière et chercher la voie du retour, si du moins nous échappons à la mort, quand à la fois la guerreet la peste accablent les Achéens.
Pourtant interrogeons quelque devin ou quelque sacrificateur ou quelqueinterprète de songe (car le songe aussi vient de Zeus), qui nous dise pourquoi ce courroux si violent de PhoibosApollon ; s'il nous reproche quelque vœu 1 ou bien quelque hécatombe.
Voyons si peut-être, en agréant la graissedes agneaux ou des chèvres de choix, il consentira à éloigner de nous le fléau.
»
Il dit ainsi et il s'assit; lors, au milieu d'eux, se leva Calchas le Thestoride, de beaucoup le meilleur des augures, quisavait le présent, l'avenir et le passé, et qui avait mené la flotte des Achéens jusqu'à Ilion, par l'art divinatoire quelui avait octroyé Phoibos Apollon.
Il prit la parole dans leur intérêt, et il leur dit : — « O Achille, tu m'invites, Achillecher à Zeus, à expliquer l'ire d'Apollon, le seigneur aux flèches qui portent loin.
Eh bien ! je vais parler, mais toi,promets moi, jure-moi de me défendre loyalement, en parole et en acte.
Car je vais, je le crois, irriter un homme quia grande autorité sur tous les Argiens ; celui auquel les Achéens obéissent.
Or un Roi est bien fort quand il se fâchecontre un vilain.
Il se peut qu'il digère sa colère le jour même ; mais il garde ensuite sa rancune, jusqu'à ce qu'il l'aitsatisfaite ; il la garde en sa poitrine.
Dis-moi donc si tu me sauveras.
»
Il eut cette réponse d'Achille aux pieds légers.
« Prends confiance, et dis l'oracle que tu sais.
Non, par Apollon, cherà Zeus, que tu invoques, Calchas, pour révéler aux Danaens les oracles que tu rends, non, personne, tant que jevivrai et verrai le jour sur cette terre, ne te fera sentir, auprès des vaisseaux creux, le poids de ses bras, personned'entre les Danaens, quels qu'ils soient, voudrais-tu parler d'Agamemnon, qui se flatte aujourd'hui d'être debeaucoup le plus haut seigneur entre les Achéens.
» Alors le devin sans reproche se sentit du cœur et parla : « Cen'est pas un vœu ni une hécatombe qu'il vous reproche ; c'est le prêtre qu'Agamemnon a maltraité, quand il ne lui apas rendu sa fille et quand il a refusé la rançon.
Voilà pourquoi le bon Archer nous a infligé l'épreuve, et nousl'infligera encore.
Non, il n'éloignera pas des Danaens l'horrible fléau, avant que soit rendue à son père la jeune filleaux yeux vifs, sans prix, sans rançon, et que parte une sainte hécatombe pour Chrysé.
Nos prières alors pourront lefléchir.
»
Il dit ainsi, il s'assit, et parmi eux se leva le héros Atride, le puissant seigneur Agamemnon, plein de rage ; la colère,grandement, dans sort cœur assombri, se gonflait, et ses yeux prenaient l'air d'un feu étincelant.
De prime abord,avec un mauvais regard, il interpella Calchas : « Prophète de malheur, jamais tu ne m'as dit bonne aventure ; c'esttoujours le malheur qu'il plaît à ton cœur d'annoncer.
Un mot d'espoir, jamais tu n'en as prononcé ; tu n'en asprovoqué l'effet.
Et aujourd'hui, en rendant ton oracle au milieu des Achéens, tu prétends que le motif pour lequel lebon Archer leur cause ces peines, c'est que la belle rançon de la jeune Chryséis n'a pas été acceptée par moi...
Oui,j'ai grande envie de la garder.
Oui, je la préfère à Clytemnestre, mon épouse légitime ; car elle ne vaut pas moinsque Clytemnestre, ni de figure, ni de taillé, ni d'esprit, ni d'adresse.
Pourtant, je consens à la fendre, si c'est lemeilleur parti.
Je préfère le Salut de l'armée à sa perte.
Mais alors procurez-moi quelque bénéfice ; que je ne soispas le seul des Argiens sans lot ; cela ne saurait être ; vous le voyez tous en effet, mon lot va m'être ravi.
» Ledivin Achille aux bonnes jambes lui fit alors cette réplique : « Illustrissime Atride, le plus avide qui soit entre tous,comment les Achéens magnanimes te pourraient-ils faire Un don ? Il n'apparaît pas que nous ayons encore Unegrande masse commune ; le butin que nous avons fait dans les villes prises, nous l'avons partagé ; il ne sied pas queles hommes le rapportent à la masse.
C'est à toi maintenant de concéder cette fille au dieu.
Par contre, les Achéenste compenseront trois et quatre fois sa perte, si jamais Zeus nous donne de saccager la ville de Troie aux bellesmurailles.
»
Le puissant Agamemnon lui fit cette réplique : « Ne cherche pas ainsi, pour brave que tu sois, Achille pareil auxdieux, à te jouer de moi ; car tu ne réussiras pas à m'égarer ni à me convaincre.
Tu veux donc, pour garder le lotque tu as reçu, que moi par contre je reste là, dépouillé, quand tu m'invites à restituer cette captive ? Ah ! si lesAchéens magnanimes peuvent me donner un lot, s'ils savent le choisir qui soit équivalent ! Mais s'ils ne me ledonnent pas, il faudra que j'aille moi-même prendre ou le tien ou celui d'Ajax, ou que je prenne et enlève celuid'Ulysse.
Et celui à qui je m'adresserai entrera en colère.
Mais remettons à l'avenir le soin de régler tout cela.
Pour lemoment, tirons à la mer divine un vaisseau noir, rassemblons des rameurs choisis, mettons à bord une hécatombe,et embarquons Chryséis aux belles joues.
Qu'un homme de bon conseil prenne le commandement, Ajax ou Idoménéeou le divin Ulysse, ou bien toi, Péléide, le plus extraordinaire de tous les hommes, et apaise pour nous le bon Archer,en lui offrant un sacrifice.
»
Mais Achille aux pieds légers, en le regardant en dessous, lui dit : « Morbleu ! quand tu t'armes ainsi d'impudence,quand tu ne penses qu'au gain, comment un Achéen pourrait-il te prêter loyale obéissance, pour aller en patrouilleou livrer vaillamment bataille à l'ennemi ? Car, pour moi, ce n'est pas à cause des bons lanciers Troyens que je suisvenu combattre ici ; je n'ai rien à leur reprocher.
Jamais ils ne m'ont ravi mes bœufs ni mes chevaux, et jamais dansle pays de Phthie, sur ce sol populeux, aux mottes fécondes — ils n'ont ravagé la moisson : il y a trop de distanceentre nous, il y a les monts couverts d'ombre et la mer sonore.
C'est toi, grand impudent, que nous avons suivi,.
»
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