la princesse de clèves-la scène de la rencontre
Publié le 24/06/2013
Extrait du document
«
II.
Le coup de foudre
Dans l’espace clos où se déroule la rencontre, les regards et les points de vue déterminent la nature de la
relation qui va lier le deux protagonistes.
A.
Le thème lexical du regard
Souvenir de l’esthétique précieuse, le regard précède la parole dans le langage amoureux et révèle
avant elle, et bien mieux, la puissance de l’amour.
D’où les nombreuses occurrences du verbe
voir (9) et yeux (2).
Contrairement à la scène chez le bijoutier pendant laquelle le prince de Clèves
devient amoureux de Melle de Chartres, il y a ici un véritable échange des regards, donc des
sentiments.
C’est Mme de Clèves qui voit la première : elle cherchait des yeux quelqu’un l.5, elle vit un
homme qu’elle crut d’abord ne pouvoir être que M.
de Nemours , l.6 , il était difficile de n’être pas
surprise de la voir quand on ne l’avait jamais vu , l.8
La symétrie de l’effet produit sur M.
de Nemours est marquée par l’adverbe aussi : mais il était
difficile aussi de voir Mme de Clèves pour la première fois sans avoir un grand étonnement , l.10.
L’amour naît donc du regard et est révélé par lui.
De même le chevalier de Guise devine les sentiments de la princesse en la regardant, soit qu’il eût
paru quelque trouble sur son visage ou que la jalousie fît voir, l.31/32 et il pense qu’elle a été
touchée de la vue de ce prince , l.32/33.
[le verbe toucher a un sens très fort au XVII ème siècle=
frapper, émouvoir, atteindre, blesser mais aussi inspirer de l’amour].
On notera également qu’il
n’y a aucun échange de paroles entre les personnages et que le roi et les reines les appellent
aussitôt sans leur donner le loisir de parler à personne , l.15.
L’échange de paroles sera d’ailleurs
quasi inexistant entre les deux personnages durant tout le roman avant la scène de rupture.
B.
Les points de vue
Le jeu des regards est complexe dans cette scène car les points de vue changent à plusieurs
reprises.
On suit d’abord le regard de Mme de Clèves, puis celui du duc de Nemours.
La scène est
ensuite vue par le regard de la cour.
Après le passage dialogué au style direct, on revient
brièvement au point de vue de M.
de Nemours, puis au regard jaloux et lucide du chevalier de
Guise, au point de vue de Mme de Clèves et enfin au regard perspicace de Mme de Chartres.
Les témoins participent au coup de foudre en ce sens que, comme le roi, ils le rendent possible ou
comme la reine dauphine, le font entrer dans le champ social.
Le point de vue du chevalier de Guise et la pensée de Mme de Chartres montrent enfin que le
déchiffrement du réel est accompli par les personnages qui entourent le héros qui dévoilent ce qui
reste obscur à ces derniers : la réalité des sentiments.
On peut également constater qu’aucun des deux héros ne porte de regard sur la foule qui les
regarde.
Ils sont comme seuls au monde.
CCL II.
Comme chez Racine, la passion est liée au regard (« je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue », Phèdre
I,3).
Ce qui est également récurrent chez Mme de La Fayette, c’est que l’on ne pénètre jamais au fond de son
propre cœur, et que le seul regard conscient est le regard d’autrui.
III.
La fatalité de la passion
L’idée que cette rencontre singulière est le fruit du destin est attribuée au chevalier de Guise : Il le prit comme
un présag e que la fortune destin ait M.
de Nemours à être amoureux de Mme de Clèves, l.30.
Et
effectivement, de nombreux éléments corroborent sa vision.
A.
Les héros
Tous deux personnages d’exception, ils se ressemblent et s’attirent par là même, ainsi que
le souligne la narration jusque dans la structure des phrases : il était difficile de n’être pas
surprise de le voir quand on ne l’avait jamais vu, l.8 et mais il était difficile aussi de voir
Mme de Clèves pour la première fois sans avoir un grand étonnement ,l.10.
Le
parallélisme de construction rejoint l’identité de l’effet.
Le duc de Nemours et la
princesse de Clèves sont donc destinés à se rencontrer.
Ils se reconnaissent plutôt qu’ils
ne se découvrent.
Leur entourage considère également leur réunion comme inévitable : il s’éleva dans la
salle un murmure de louanges , l.13..
»
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