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La presse seule peut donner du recul

Publié le 10/08/2014

Extrait du document

 

Philippe Labro (né en 1947)

LA FUREUR DE LIRE LA PRESSE (PUBLICATION EXCEPTIONNELLE DE LA FÉDÉRATION NATIONALE DE LA PRESSE FRANÇAISE, 17/18 OCTOBRE 1992)

La presse seule peut donner du recul

J'aurais beau écouter toutes les radios [...] et regarder toutes les télés, je ne pourrais pas me passer de lire la presse. Ce besoin irrésistible m'a par¬fois poussé, lors de vacances dans des pays lointains, à des expéditions longues et compliquées pour obtenir un journal quel qu'il soit ! quitte à

5 acheter, dans des langues que je ne sais même pas lire, des quotidiens déjà périmés, parce que j'espérais y déchiffrer un semblant de la température du monde...

Certes, ce qui est considéré par mes proches comme l'équivalent d'une très grave maladie obsessionnelle (« Papa est dans ses journaux ! «) relève

10 aussi de la simple conscience professionnelle. Depuis que j'exerce les métiers de communication, je ne peux pas commencer ma journée sans la lecture d'un ou plusieurs quotidiens. A la réflexion, je m'aperçois que cela vient d'avant mon entrée dans le monde du travail : dans l'université américaine, où j'ai appris les balbutiements du journalisme. Déjà, mon

15 vieux professeur nous admonestait : « Il faut commencer sa journée après avoir lu un quotidien ! « Et si je remonte à plus loin encore, il se confirme que l'exemple majeur m'a d'abord été donné par mon père, dont je revois encore le visage penché sur son quotidien du matin et, en fin de journée, sur une autre publication du soir...

20 Ainsi ce devoir, ce goût, ce besoin de lecture de la presse trouvent leur

origine dans la cellule familiale et dans l'exemple qui vous est donné par les aînés. Si, d'ailleurs, l'introduction de cet exercice se faisait suffisam¬ment tôt à l'école (avec commentaires et comparaisons à l'appui), je suis sûr que, quel que soit l'univers audiovisuel et informatique dans lequel

25 vivent désormais nos enfants, ils auraient aussi cette pulsion qui m'habite. Mais que m'apporte donc cette lecture de la presse, que les autres médias ne parviennent jamais tout à fait à m'offrir ?

Une organisation de l'actualité d'abord. Une sorte de hiérarchie des événements, de l'information, une synthèse. Ensuite l'explication, la 30 pédagogie. Seule, la presse écrite a le loisir et l'espace d'afficher des réfé¬rences, de faire se croiser tableaux, statistiques et commentaires afin d'élucider pour le lecteur un fait ou un déroulement des faits qui, livrés bruts par le son ou l'image, n'ont, parfois, aucun sens. La presse met en perspective. Elle seule peut prendre et donner un recul à l'histoire immé 

35 dicte qui se fait au jour le jour. Et même si l'imprévisible événement dément ou détruit ce travail de la presse, elle a, tout de même, le mérite de cadrer les choses et d'explorer le passé, tout en rapportant le présent et en tablant sur l'avenir. Toutes capacités dont sont rarement pourvus les autres moyens d'information — car on peut toujours revenir sur un article, retrou 

40 ver un journal, le relire, — alors qu'il est beaucoup plus difficile de prati¬quer ce que l'on pourrait appeler « l'arrêt sur l'image « permanent. Enfin, et ce n'est pas la moindre qualité de la presse, il y a le style, l'écriture, le talent, et les personnalités qui signent chroniques, portraits, interviews ou reportages.

45 L'écrit, alors, prend toute sa dimension et dans un monde aseptisé, au

vocabulaire pauvre et standardisé, un tour de phrase, une réflexion, une manière d'écrire et de lire font toute la différence et s'impriment, parfois, plus profondément en vous que l'image. Ce n'est pas un hasard si, encore aujourd'hui, lorsqu'un écrivain, un savant, un homme politique veulent

50 exprimer la singularité de leur opinion ou témoigner de leur expérience, ils choisissent la « une « d'un grand quotidien — pour être ensuite « repris «, comme on dit aujourd'hui, par tous les autres moyens de com¬munication.

Dirais-je, enfin, qu'il existe une autre jouissance, beaucoup plus déli 

55 cate à analyser, dans le maniement du papier imprimé — cette émotion que l'on ressent, en allant de la première à la dernière page, en tournant et en feuilletant le corps d'un journal, de droite à gauche, de haut en bas, à l'idée que l'on possède entre ses mains le fruit d'un considérable travail effectué dans une salle de rédaction, et que derrière ces milliers de mots,

60 ces titres, ces intertitres, ces légendes, ces dessins et photos, se profile toute une profession, faite d'artisans et parfois d'artistes, se dessine un univers très humain, l'héritage direct du grand Gutenberg ?

Questions

1. Résumé (8 points)

Vous résumerez ce texte en 180 mots. Une marge de 10 % en plus ou en moins est admise. Vous indiquerez à la fin du résumé le nombre de mots que vous aurez utilisés.

2. Vocabulaire (2 points)

Donnez le sens, dans le texte, des expressions suivantes :

— la presse met en perspective (1. 33-34),

— un monde aseptisé (1. 45).

3. Discussion (10 points).

Selon l'auteur, la presse écrite « seule peut prendre et donner du recul à l'histoire immédiate qui se fait au jour le jour «.

Vous expliquerez et discuterez ce point de vue, en appuyant votre argumentation sur des exemples précis tirés de votre expérience.

·   Il s'agit d'un texte écrit à la première personne, dans lequel se trou­vent également des exemples tirés de l'expérience personnelle de l'auteur. On doit donc veiller à reprendre cette particularité de l'énonciation.

·   On peut regrouper les paragraphes de la façon suivante :

                       paragraphes 1 à 3 : à partir de son expérience personnelle, Philippe Labro déduit que le goût pour la presse est alimenté par les modèles que l'on rencontre dans sa jeunesse, et que les enfants pourraient y être incités à l'école ;

                       fin du paragraphe 3 au paragraphe 6 : transition, l'auteur s'inter­roge sur ce que la presse apporte de spécifique, et répond en trois points : un recul par rapport à l'histoire immédiate ; un moyen privilégié et original, dans une époque aseptisée, de marquer son temps et son public ; enfin, un plaisir physique dans le contact avec le journal imprimé.

« d'élucider pour le lecteur un fait ou un déroulement des faits qui, livrés bruts par le son ou l'image, n'ont, parfois, aucun sens.

La presse met en perspective.

Elle seule peut prendre et donner un recul à l'histoire immé- 35 diate qui se fait au jour le jour.

Et même si l'imprévisible événement dément ou détruit ce travail de la presse, elle a, tout de même, le mérite de cadrer les choses et d'explorer le passé, tout en rapportant le présent et en tablant sur l'avenir.

Toutes capacités dont sont rarement pourvus les autres moyens d'information -car on peut toujours revenir sur un article, retrou- 40 ver un journal, le relire, -alors qu'il est beaucoup plus difficile de prati­ quer ce que l'on pourrait appeler« l'arrêt sur l'image» permanent.

Enfin, et ce n'est pas la moindre qualité de la presse, il y a le style, l'écriture, le talent, et les personnalités qui signent chroniques, portraits, interviews ou reportages.

45 L'écrit, alors, prend toute sa dimension et dans un monde aseptisé, au vocabulaire pauvre et standardisé, un tour de phrase, une réflexion, une manière d'écrire et de lire font toute la différence et s'impriment, parfois, plus profondément en vous que l'image.

Ce n'est pas un hasard si, encore aujourd'hui, lorsqu'un écrivain, un savant, un homme politique veulent 50 exprimer la singularité de leur opinion ou témoigner de leur expérience, ils choisissent la « une » d'un grand quotidien -pour être ensuite «repris», comme on dit aujourd'hui, par tous les autres moyens de com­ munication.

Dirais-je, enfin, qu'il existe une autre jouissance, beaucoup plus déli- 55 cate à analyser, dans le maniement du papier imprimé -cette émotion que l'on ressent, en allant de la première à la dernière page, en tournant et en feuilletant le corps d'un journal, de droite à gauche, de haut en bas, à l'idée que l'on possède entre ses mains le fruit d'un considérable travail effectué dans une salle de rédaction, et que derrière ces milliers de mots, 60 ces titres, ces intertitres, ces légendes, ces dessins et photos, se profile toute une profession, faite d'artisans et parfois d'artistes, se dessine un univers très humain, l'héritage direct du grand Gutenberg? •Questions 1.

Résumé (8 points) Vous résumerez ce texte en 180 mots.

Une marge de 10 % en plus ou en moins est admise.

Vous indiquerez à la fin du résumé le nombre de mots que vous aurez utilisés.

2.

Vocabulaire (2 points) Donnez le sens, dans le texte, des expressions suivantes : - la presse met en perspective (1.

33-34), - un monde aseptisé (1.

45).

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